WNISR 2018 : "La loi du marché dit que le nucléaire est mort"

Revue de presse

Le World Nuclear Industry Status Report 2018 a été présenté à Paris le 11 septembre 2018. Mycle Schneider, le rédacteur principal, a présenté les conclusions du rapport, commentées par la suite par Jens Althoff, directeur de la Heinrich-Böll-Stiftung France, et Gérard Magnin, ancien membre du conseil d'administration d'EDF. Revue de Presse.

 

Le World Nuclear Industry Status Report fait le point sur l'état du parc nucléaire et de la filière nucléaire au niveau mondial. Rapport de référence, il est édité chaque année par Mycle Schneider avec une équipe de consultants indépendants, en coopération avec la Fondation Heinrich Böll

Mycle Schneider détaille pour Émilie Massemin de Reporterre les principales conclusions du rapport 2018 :

La première conclusion est que la Chine continue de dominer le paysage. Sur les quatre réacteurs nucléaires mis en service en 2017, trois étaient en Chine et le quatrième était au Pakistan, mais avait été construit par les Chinois. Par ailleurs, si la production mondiale d’électricité nucléaire a augmenté de 1 % en 2017, c’est le fait de la Chine. Si l’on exclut la Chine, la production d’électricité nucléaire a baissé pour la troisième année consécutive. Mais même en Chine, la question de l’avenir du nucléaire se pose. Le dernier lancement de chantier de construction d’un nouveau réacteur nucléaire remonte à décembre 2016. Aucune nouvelle construction n’a été lancée depuis plus de vingt mois, hormis celle d’un réacteur de démonstration. En parallèle, la Chine est le pays qui dépense le plus pour les énergies renouvelables : 126 milliards de dollars en 2017, soit trois fois plus que les États-Unis, pourtant deuxième sur le podium. La Chine produit plus d’énergie grâce à ses éoliennes qu’avec le nucléaire !

Deuxième point : le nucléaire devient irrelevant — je ne sais pas quel est le mot correspondant en français [« non pertinent »]. En effet, les capacités de production d’électricité ont augmenté de 257 gigawatts net — moins les arrêts — en 2017 au niveau mondial. Là-dedans, les quatre réacteurs mis en service ne représentent que 3,3 gigawatts, moins 2,3 gigawatts pour trois réacteurs arrêtés, donc 1 gigawatt net — insignifiant, irrelevant ; les énergies renouvelables, en revanche, représentent 157 gigawatts, soit plus de 60 % des nouvelles capacités nettes ! On fait toujours comme si le nucléaire était important, mais c’est surtout une perspective franco-française où il produit toujours plus de 70 % de l’électricité consommée. Et encore, ce chiffre est à nuancer : le nucléaire ne produit que 16 % de l’énergie finale, encore majoritairement issue du pétrole.

Quant à la place du nucléaire face aux énergies renouvelables dans le monde, Mycle Schneider, auteur principal du rapport, ajoute dans L'Express :

Cette industrie est dans une situation catastrophique. Partons des chiffres ! Le nucléaire n'a apporté dans le monde que 7 Gigawatts (GW) de capacités électriques supplémentaires entre janvier 2017 et juin 2018. C'est extrêmement faible au regard des 257 GW de nouvelles installations décomptées dont 157 GW pour les seules énergies renouvelables.

Quels enseignements apporte le WNISR 2018 pour la France, alors que la démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre n'est pas complètement étrangère aux orientations de la politique énergétique du gouvernement et que la Programmation pluriannuelle de l'énergie doit être publiée fin octobre dans une première version ? Pour Jean-Christophe Féraud de Libération, il s'agit "d'un rapport qui devrait nourrir la réflexion du nouveau ministre de la Transition écologique sur la future trajectoire énergétique de notre pays, le plus nucléarisé au monde avec 57 réacteurs en activité pour 67 millions d’habitants".

«Il est clair que les renouvelables sont l’énergie de l’avenir et que le nucléaire est l’énergie du passé, et j’espère que ce rapport contribuera au débat en cours en France sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en plaidant pour une sortie de l’atome», assène Jens Althoff, le directeur de la Fondation Heinrich Böll à Paris, un organisme proche des Verts allemands qui est l’un des sponsors du World Nuclear Industry Status Report. Pour lui, «aujourd’hui, plus personne ne met d’argent dans l’atome sans soutien de l’Etat, la loi du marché dit que le nucléaire est mort et la France est en train de devenir une exception en Europe et dans le monde».

L'ensemble du rapport peut être consulté gratuitement ici.