Le couple franco-allemand: accorder les mix

Atlas de l'énergie

France et Allemagne souhaitent toutes deux sortir de leur mix énergétique traditionnel. Afin de respecter le plan climat 2030, les efforts à surmonter devront être colossaux. Et les deux pays devront marcher main dans la main.

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Derrière la prise électrique
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Derrière la prise électrique

Les modèles énergétiques français et allemand sont souvent opposés frontalement. Pourtant les enjeux pour ces deux pays présentent de nombreuses similitudes. Les transitions énergétiques combinent les trois mêmes priorités : la réduction des émissions de CO2, le développement des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Par ailleurs, pour atteindre les objectifs climatiques, la place des électrons est amenée à croître dans le système énergétique, en couvrant de nouveaux usages (bâtiment, industrie, transports) alors que l’électricité ne représente aujourd’hui que 25 % de l’énergie consommée en France et 20 % en Allemagne.

Du côté de la production d’électricité, c’est bien le développement des énergies renouvelables qui sera le vecteur de changements fondamentaux. Il reposera sur les technologies solaires photovoltaïques et éoliennes dont les coûts ont fortement baissé. Le caractère variable de leurs productions nécessite d’anticiper leur intégration au système électrique et d’adapter le système en développant les moyens de flexibilité. La France vise une part de 40 % des énergies renouvelables dans la production électrique en 2030, tandis que le dernier accord de coalition du gouvernement allemand souhaite porter l’objectif à 65 % de la consommation électrique. Des deux côtés du Rhin, ces rythmes de développement volontaristes devront être articulés avec l’évolution des parcs de production conventionnelle dans un système électrique européen de plus en plus interconnecté. En Allemagne, cela signifie préparer la fin de la production d’électricité à charbon. En France, clarifier l’évolution du parc nucléaire.

Côté français, sauf à ralentir le développement prévu des énergies renouvelables, maintenir une capacité de production nucléaire au-delà de 40 GW en 2030 – c’est-à-dire maintenir et prolonger plus des deux tiers du parc de réacteurs actuel – augmenterait les exportations d’électricité à destination des marchés électriques de nos voisins européens. Les productions électriques renouvelables et nucléaire ont en commun des coûts variables de production bas qui rendent la production d’électricité française en général plus compétitive sur le marché de gros européen que celle de ses voisins. Ces deux technologies ont néanmoins des coûts fixes élevés qu’il faut être en mesure de couvrir par les revenus de marché ou qu’il faudra couvrir par des revenus en dehors du marché électrique. Or on constate que les choix que les deux Etats feront sur l’avenir de leur mix de production conventionnel ne seront pas neutres sur les niveaux de prix du marché électrique.

Ainsi en France, au-delà d’un parc nucléaire de 50 GW en 2030, l’offre excédentaire d’électricité ferait chuter le prix de marché en dessous de 40 €/MWh. De tels niveaux de coûts ne permettraient pas de couvrir les coûts fixes de ces technologies et ne seraient pas suffisants pour inciter à investir dans de nouvelles capacités de production de quelque technologie que ce soit. Un des moyens d’intervenir pour « forcer » la rentabilité de ces installations serait de remonter le prix des émissions de CO2 pour les producteurs d’électricité. Ce prix, pour être pertinent, doit se décider au niveau européen ou, plus localement, à l’échelle des régions électriques européennes, par exemple dans la région nord-ouest de l’Europe où les échanges sont fréquents.

Côté allemand, l’atteinte des objectifs climatiques nécessite une division par deux de la production des centrales à charbon d’ici à 2030. Remonter le prix du CO2 européen, comme le propose Paris, permettrait à Berlin de s’approcher de cet objectif, mais engendrerait une augmentation des importations d’électricité provenant de pays voisins, question très sensible dans un pays qui a fait le choix de sortir du nucléaire autant qu’il cherche à sortir du charbon. Il est peu probable que l’Allemagne accepte une solution favorisant une filière qu’elle a abandonnée. De fait, l’accélération du développement des énergies renouvelables visée par le nouveau gouvernement fédéral, pour atteindre 65 % du mix électrique dès 2030, limiterait les besoins d’importation d’électricité outre-Rhin.

Alors que la France doit définir sa politique énergétique pour les prochaines années et que la question de l’avenir du charbon est posée en Allemagne, un accord politique entre les deux pays sur l’avenir de leurs secteurs électriques serait souhaitable. Ces deux pays sont directement interconnectés avec 11 pays de la plaque européenne et sont à la fois les deux premiers producteurs, consommateurs et exportateurs d’électricité en Europe. Pour ce faire, ils peuvent s’emparer des nouveaux outils institués par le règlement sur la gouvernance de l’énergie et du climat de l’Union européenne approuvé en juin 2018, en particulier mener des consultations dans le cadre de l’élaboration de leurs plans nationaux énergie-climat 2030.

En s’engageant à réduire son parc nucléaire, la France limiterait ses exportations d’électricité à des niveaux acceptables pour ses voisins et faciliterait l’obtention du soutien crucial de l’Allemagne pour remonter le prix du CO2 européen afin d’avancer vers la sortie du charbon. Un accord qui permettrait de garantir à la fois la viabilité économique de la production d’électricité française, la réduction des émissions de CO2 en Europe et l’intégration du système électrique continental.