Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires va entrer en vigueur

Analyse

Ce 24 octobre 2020, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) vient de franchir une nouvelle étape permettant son entrée en vigueur en 2021. Si les États allemand et français ont exprimé leur claire opposition à ce traité, les parlementaires ont la responsabilité de ne pas ignorer cette avancée du droit international qui va rendre les armes nucléaires illégales. L'Assemblée parlementaire franco-allemande doit ainsi jouer son rôle d’organe de chambre de réflexion et de proposition en "menant des consultations et des discussions de fond sur des sujets spécifiques".

manifestation contre les armes nucélaires en août 2008 à Fliegerhorst Büchel, Eifel

Les dernières ratifications (Nauru, Jamaïque) ce 23 octobre et ce samedi 24 octobre 2020 (Honduras) déposées aux Nations unies ont permis au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires d’obtenir le minimum de 50 États membres pour assurer son entrée en vigueur, comme le stipule son article XV dans « 90 jours ». À noter que, 37 États signataires ont lancé également leur procédure de ratification du traité. Le secrétaire général António Guterres a déclaré que la 50e ratification était « l'aboutissement d'un mouvement mondial visant à attirer l'attention sur les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d'armes nucléaires ».

Le 22 Janvier 2021, nous débuterons ainsi une nouvelle décennie ou les armes nucléaires seront illégales au regard du droit international. Il était anormal que les armes nucléaires soient les seules armes de destruction massive non-interdites, alors que c’est le cas pour les armes chimiques et biologiques. Ce traité corrige cette anomalie juridique

Le TIAN comporte des obligations positives (mesures de garanties, d’application nationale, assistance aux victimes et remise en état de l’environnement, … ) ainsi que des interdictions. Celles-ci sont énumérées dans l'article premier, chaque État partie a l'interdiction de mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, transférer, posséder, stocker, employer ou menacer d’employer des armes nucléaires ou à autoriser leur implantation sur son territoire. Il est également interdit d’aider, d’encourager ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à se livrer à l’une des activités.

L’entrée en vigueur du TIAN est une étape cruciale pour renforcer la lutte contre la prolifération nucléaire, engager des actions sur les environnements pollués par les essais nucléaires, pour assurer aux populations victimes de ces essais une assistance sanitaire et promouvoir le désarmement nucléaire, avant de l’engager une fois qu’un Etat nucléaire ou soutenant une politique de dissuasion l’aura rejoint.

Oui, le traité n'est pas contraignant pour les pays qui refusent de le signer, mais il va créer une contrainte et développer un climat favorable au désarmement nucléaire. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël ont boycotté les négociations (2017) qui ont abouti à la création du TIAN. Les cinq membres permanent du Conseil de sécurité agissant même de concert en appelant à l’ONU les Etats à ne pas souscrire à ce texte.

Si les diplomaties françaises et allemandes se sont fortement opposées à ce processus ; des parlementaires se sont exprimés de façons différentes (certes pas majoritairement) à l’Assemblée Nationale et au Bundestag.

En France il a été par deux fois votées des recommandations (les rapports n°1155 M. Fanget et M. Lecoq et rapport n°2484 M. Brotherson et M. Mbaye) au sein de la commission des Affaires étrangères pour que « La France atténue ses critiques à l’encontre du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et des pays qui ont contribué à son adoption, de façon à montrer que nous comprenons et prenons en compte les préoccupations de ces États et leur aspiration à une gouvernance mondiale plus équilibrée. »

En Allemagne, 170 membres du Bundestag ont appelé le gouvernement fédéral à signer l'interdiction des armes nucléaires, tout comme l’ont réalisé d’anciens hauts responsables politiques (Joschka Fischer,​ ex ministre des affaires étrangères, Rudolf Scharping,​ ex ministre de la défense et Willy Claes ex Secrétaire général de l'OTAN).

Il est urgent que Berlin et Paris se souviennent d’Hiroshima et de la réalité des effets des armes nucléaires ; car c’est bien à cause de ce danger que le TIAN (alinéa 2 du préambule) a été créé : « Profondément préoccupés par les conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire qu’aurait tout recours aux armes nucléaires, et estimant par conséquent nécessaire d’éliminer complètement ce type d’arme, seul moyen de garantir que les armes nucléaires ne soient plus jamais utilisées, quelles que soient les circonstances ».

Il existe une coopération au sein de l'Assemblée parlementaire franco-allemande sur différents axes de politique étrangère et de défense. Dans ce cadre, il est urgent que soit étudié l’arrivée de cette nouvelle norme dans le droit international et l’impact de celle-ci pour la France, l’Allemagne et plus largement pour les Etats membres de l’Union européenne. Dans le cas contraire, cela signifierait tout simplement ignorer les survivants des explosions et des essais nucléaires qui ont plaidé en faveur du TIAN.

Par Jean-Marie Collin, co-porte-parole de ICAN France, Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires.