Les Allemand.e.s et la politique européenne allemande : « Européen, bien entendu !? »

Etude

"Selbstverständlich Europäisch" est une étude quantitative annuelle sur le rôle de l'Allemagne dans l'Union européenne. Elle est publiée par la Fondation Heinrich Böll en coopération avec le think tank le "Progressiven Zentrum". Elle recense depuis 2019 l'image que l'Allemagne a d'elle-même et les attentes des citoyens vis-à-vis de la politique européenne allemande via un sondage représentatif.

L’enquête réalisée cette année montre que les Allemand.e.s attendent de l'Allemagne qu’elle joue un rôle plus actif au sein de l'Union européenne dans cette nouvelle ère politique. L’enquête révèle également, à la lumière des menaces et des défis actuels, trois tendances pour l'Europe. 

Photo de la première page de l'étude

La guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine marque un tournant historique (« Zeitenwende » dans la presse allemande) pour l'Europe et exige une réorientation de la politique européenne allemande. Rarement dans l’histoire de l’Union européenne (UE), les États membres auront réagi si rapidement et de manière aussi cohérente qu'ils ne l’ont fait face à l'invasion de la Russie. Leurs réactions immédiates communes laissent toutefois apparaître les premières divergences (notamment en ce qui concerne l'embargo sur l'énergie).

Dans un tel contexte, l'enquête « Selbstverständlich europäisch?! » réalisée cette année se penche sur ce que pensent les citoyen.ne.s allemand.e.s des actions menées par leur gouvernement et par l'Union européenne, ainsi que sur leurs attentes quant au rôle que devrait jouer l'Allemagne en Europe. L'étude à long terme évalue également, pour la quatrième année consécutive, la perception que l'Allemagne a d'elle-même en matière de politique européenne.

Les principaux résultats de l’enquête1

  • L'Allemagne doit jouer un rôle plus actif en Europe : Moins de la moitié des citoyen.ne.s allemand.e.s (49,6%) jugent que le gouvernement a joué dernièrement un rôle actif au sein de l'Union européenne. Près de 40% d’entre eux estiment au contraire que le gouvernement allemand a été moins actif sur la scène européenne ces derniers temps. A l’avenir, 72% des sondé.e.s espèrent toutefois plus d'initiatives de la part du gouvernement. En outre, 68,3% des personnes interrogées se disent favorables à ce que l'Allemagne adopte une stratégie de coopération en Europe.

graphique montrant les réponses aux questions: Selon vous, est ce que l'Allemagne doit-elle/a-t-elle un comportement proactif au sein de l'UE ?

 

  • L'indépendance énergétique, une priorité absolue après l’offensive russe : 72,1% des Allemand.e.s estiment que la réaction immédiate de l’UE face à l'invasion russe est appropriée. Pour la période à venir, les citoyen.ne.s allemand.e.s (66,9%) estiment que l'indépendance énergétique est la question la plus urgente à traiter au sein de l'Union européenne. Au rang des priorités figurent également les capacités de défense des États membres (52,8%), la lutte contre l'inflation au sein de l'Union européenne (34,6%) et la sécurité alimentaire (30,7%), ainsi que la défense de l'état de droit et de la démocratie (26,8%).

Graphique réponse à la question: Selon vous, est ce que l'Allemagne doit-elle/a-t-elle un rôle proactif au sein de l'UE?

 

  • Une majorité d’Allemand.e.s favorables à de nouveaux fonds d’investissements : 37,6% des Allemand.e.s sont favorables à la création d’un nouveau fonds d'investissement européen pour l'indépendance énergétique ; 37,5% d’entre eux-elles plaident pour la création de fonds visant à financer à la fois l'indépendance énergétique et la défense ; et 10,1% supplémentaires se disent favorables à un fonds dédié uniquement à la défense. Seul.e.s 11,4% sont opposé.e.s au lancement d'un nouvel instrument européen d'investissement. Pour le financement de ces fonds, 49,4% des sondé.e.s sont favorables à l'introduction d'impôts européens (par exemple une taxe sur les services numériques) et 47% estiment que les États membres doivent contribuer à ces fonds. Si 48,1% des Allemand.e.s défendent une plus grande marge de manœuvre pour les investissements d'avenir au niveau national ; 33,4% plaident en faveur d’une discipline budgétaire stricte dans les États membres de l'Union. 18,5% des personnes interrogées ne se prononcent pas.

 

  • Les Allemand.e.s approuvent toujours l’appartenance à l'Union européenne : comme l'année dernière, deux tiers des Allemand.e.s (66,2%) estiment que l’Allemagne a bien plus bénéficié de son appartenance à l’Union européenne qu’elle n’en a pâti. La reconnaissance de l’utilité politique de l'Union européenne est en hausse par rapport à 2021 : 63,7% (+4,2%) des personnes interrogées estiment que l'Allemagne est plus susceptible d’atteindre ses objectifs politiques en faisant partie de l'UEplutôt que l'inverse. Concernant l’économie, un pourcentage plus faible de la population pense que l’économie allemande tire avantage de l’appartenance du pays à l’UE.  48,8% (-4,5%) estiment que, d'un point de vue purement économique, les avantages tirés de l'appartenance à l'Union européenne l'emportent sur les coûts. 46,4% (+3,8%) estiment au contraire que les coûts l'emportent, ce qui pourrait être imputable, entre autres, à l'insécurité économique grandissante.

Les attentes des citoyen.e.s à l’égard de la politique européenne allemande en cette période de  « Zeitenwende »

Sur la base des résultats du sondage, l'enquête propose des initiatives dans les trois domaines suivants :

  • Le renforcement du rôle de l'Allemagne au sein de l'UE: les citoyens allemands attendent de l'Allemagne qu'elle joue un rôle proactif en Europe. De nombreux partenaires de l'UE souhaitent également voir l'Allemagne assumer les responsabilités spécifiques qui lui incombent. Dans ce contexte, le gouvernement allemand ne devrait pas seulement jouer un rôle de modérateur, mais aussi assumer un rôle de chef de file. Des initiatives sont désormais nécessaires, notamment sur la question de l'indépendance énergétique de l'Europe (partie intégrante du pacte vert pour l’Europe) et sur la refonte de l'architecture de la sécurité européenne.
     
  • Le renforcement de la capacité d'action européenne : seule une Union européenne forte pourra faire face aux menaces et aux défis actuels et futurs. Il s'agit essentiellement d'accroître la souveraineté européenne, dans les domaines par exemple de l'énergie, de l'économie et de la défense. Sur le plan institutionnel, il convient de mettre en place des processus décisionnels efficaces qui permettent de prendre des décisions contraignantes dans un délai prévisible. C'est pourquoi le vote à la majorité au sein du Conseil européen devrait être étendu, comme le préconisent également les propositions formulées lors de la conférence sur l'avenir de l'Europe. En outre, il est essentiel de fournir un socle solide à la capacité d'action européenne, basé sur le respect de l'état de droit et la promotion de la démocratie, qu'il convient de défendre et de renforcer dans tous les États membres.
     
  •  Investir dans l'avenir de l'Europe : la capacité d'action repose également sur la possibilité d'agir dans le domaine de la politique financière. Les nouveaux défis liés à l'indépendance énergétique et aux capacités de défense de l'Europe nécessitent des investissements supplémentaires. Les citoyen.ne.s allemand.e.s sont favorables au lancement d'un nouvel instrument d'investissement européen. Pour le financer, les États membres devraient également créer de nouvelles ressources propres, par exemple une taxe carbone aux frontières, une taxe sur les matières plastiques ou une taxe sur les services numériques. Les États membres devraient également bénéficier d'une plus grande flexibilité pour pouvoir soutenir des investissements d’avenir au niveau national. Une réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) pourrait par exemple distinguer les investissements dans la décarbonation (par exemple par le biais d’une « règle d'or verte ») des autres dépenses moins tournées vers l'avenir, de façon à ce qu’ils ne soient pas mis sur un pied d’égalité.

Le résumé de l'enquête au format PDF est disponible ici (en allemand)


1) Aux fins de cette enquête, l'institut de sondage Civey a interrogé 5 000 personnes en ligne au cours du mois d’avril 2022. Les résultats de l’enquête sont représentatifs des habitants de la République fédérale d'Allemagne âgés de 18 ans et plus. La marge d’erreur des résultats globaux est de 2,5 %. Des groupes de discussion ont été organisés en 2019 et 2021 pour élaborer le questionnaire.