Dans son dernier rapport, Freedom House dénonce le déclin de l’État de droit dans les pays des Balkans, en particulier en Serbie et au Monténégro, désormais qualifiées de « régimes hybrides ». La Serbie est en « déclin constant ». Le mouvement citoyen Ne da(vi)mo Beograd adresse une lettre ouverte aux dirigeants européens à l’occasion du Sommet virtuel de Zagreb de ce 6 mai.
Dans son dernier rapport sur les « démocraties en transit 2020 », publié ce 6 mai, Freedom House constate un net recul de l’État de droit en Serbie et au Monténégro. Selon l’Institut étas-uniens de défense des droits de la personne et de la démocratie, pour la première fois depuis 2003, ces deux pays ont glissé de la catégorie de « démocraties en transition », c’est-à-dire « partiellement consolidées », à celle de « régimes hybrides ».
Un « régime hybride » désigne un pays où les institutions démocratiques sont fragiles et où d’importants défis existent dans la défense des droits politiques et des libertés civiles. En Serbie et au Monténégro, Freedom House dénonce notamment la captation de l’État et des abus de pouvoir en hausse ces dernières années.
L’ONG constate cependant des améliorations dans d’autres pays des Balkans, comme le Kosovo et la Macédoine du Nord. « Le Kosovo est le seul pays à avoir accompli des progrès constants au cours de ces cinq dernières années », peut-on lire dans le rapport. « Mais les récents développements dans ces deux pays soulèvent des doutes quant aux progrès futurs. » La Croatie continue d’appartenir au groupe des démocraties partiellement consolidées, tandis que la Bosnie-Herzégovine stagne toujours parmi les régimes hybrides.
La Serbie en « déclin constant »
Le pays le plus critiqué est toutefois la Serbie, en « déclin constant » ces cinq dernières années. « Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le Parti progressiste serbe (SNS) a systématiquement limité le rôle de l’opposition. De 2016 à 2018, seuls les projets de loi proposés par les autorités et ses partenaires de coalition ont été à l’ordre du jour des sessions de l’Assemblée. Pour limiter l’examen de ses propres projets de loi, le SNS a exclu l’opposition des travaux des commissions parlementaires et, en séance plénière, clos les sessions avec des amendements frivoles qui prennent du temps à débattre. »
« Plus de la moitié des lois adoptées l’année dernière l’ont été par procédure d’urgence, tandis que la légitimité contestée de la majorité parlementaire ne fait que décourager les députés de l’opposition », poursuit le rapport, qui rappelle également au Conseil de l’Europe et à l’OSCE que les dernières législatives de 2016 ont montré que le SNS « abusait de la majorité, brouillait la distinction entre activités de l’État et des partis, et exerçait des pressions sur les électeurs, en particulier ceux employés dans le secteur public ». Le résultat se traduit par un boycott de l’opposition au Parlement où les députés « ne ressentent pas la possibilité de pouvoir plaider efficacement en faveur d’un changement de politique ».
Des problèmes similaires, comme le boycott de l’opposition au Parlement depuis le mystérieux « coup d’État » avorté de 2016, sont observés au Monténégro.
Freedom House se penche également sur l’influence croissante et « insidieuse » de la Chine sur « le développement et le fonctionnement des institutions démocratiques dans la région qui s’étend de l’Europe centrale à l’Asie centrale ». L’exemple le plus concret de cette influence est, selon Freedom House, le développement des technologies de vidéosurveillance. Le géant chinois Huawei a ainsi signé un « accord pour une ville sûre » avec les gouvernements de dix pays en transit, alors qu’une mauvaise gestion de graves problèmes de corruption ont chaque fois été signalés. Concernant la coopération en matière de sécurité, Freedom House revient sur la coopération des polices chinoise et serbe. Des partenariats qui « suscitent des inquiétudes, car l’influence croissante de la Chine pourrait renforcer les dirigeants ayant des tendances autoritaires, contribuant davantage à la répression, diminuant la gouvernance démocratique et l’influence de la société civile ».
Freedom House termine son rapport avec une petite note d’espoir. « Grâce aux militants de la société civile engagés dans la lutte contre la corruption et pour la transparence, les campagnes environnementales ont remporté un certain succès, démontrant l’efficacité de la mise en œuvre des méthodes démocratiques. » En ce sens, la pandémie pourrait crée un « nouvel élan » pour les sociétés civiles et permettre des innovations tactiques qui surmonteraient les contraintes liées aux interdictions de rassemblement. « Constamment défendre la démocratie et l’encourager afin de survivre dans un monde hostile sera la tâche majeure des habitants des pays en transition », conclut Freedom House.
Une lettre ouverte de Neda(vi)mo Beograd
De son côté, le mouvement citoyen Ne da(vi)mo Beograd a envoyé, à l’occasion du Sommet (virtuel) de Zagreb qui a lieu ce mercredi après-midi, une lettre ouverte au président du Conseil européen, Charles Michel, et aux dirigeants européens, leur demandant d’empêcher « l’effondrement de la démocratie » en Serbie. NDBG estime que le paquet d’aide aux pays des Balkans ne devraient pas être un chèque en blanc pour le Président serbe Aleksandar Vučić et d’autres dirigeants qui violent les valeurs fondamentales de l’Union européenne.
La lettre invite l’UE à faire preuve de fermeté pour « endiguer les attaques, pressions et intimidations sur les citoyens, militants, journalistes indépendants et politiciens de l’opposition », et à mettre en œuvre des mesures ambitieuses dans le domaine de l’environnement sur base du Pacte vert pour l’Europe.