C’est à Zagreb les 6 et 7 mai qu’aurait dû se tenir le nouveau sommet UE-Balkans, 20 ans après celui de 2000. Covid-19 oblige, la réunion a lieu ce jeudi après-midi par visioconférence. L’élargissement européen n’était même pas au menu des discussions, seulement les aides financières promises par l’UE, bien sûr conditionnées à des réformes politiques et économiques.
Lors du sommet Balkans-Union européenne de ce mercredi 6 mai qui, à cause de la pandémie, s’est tenu par visioconférence, l’UE a exprimé son « soutien sans réserve à la perspective européenne des Balkans occidentaux », sans évoquer toutefois l’intégration complète des États de la région. Les pays sceptiques, comme la France et les Pays-Bas, ont d’ailleurs refusé de souligner l’évocation de cette perspective.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a souligné à la fin de la rencontre l’importance des Balkans occidentaux mais, selon des sources diplomatiques, l’Allemagne non plus n’était pas complètement d’accord pour confirmer les perspectives d’intégration européenne. Raison invoquée : le sommet de Zagreb ne porte pas sur l’élargissement. Un « message léger » sur la perspective européenne serait donc suffisant.
Ce sommet arrive deux ans après celui de Sofia, sous la présidence bulgare du Conseil de l’UE, qui n’avait pas davantage comporté de message concret sur l’élargissement européen. La seule déclaration formelle sur l’intégration des pays des Balkans occidentaux date de 2003, lors du sommet de Thessalonique, quand l’UE avait affirmé que ses portes étaient ouvertes à toute la région. Pendant les quinze ans qui se sont écoulés entre Salonique et Sofia, l’UE n’a pas organisé de sommet avec les Balkans occidentaux.
De Zagreb à Zagreb, 20 ans de perdus ?
Toute la symbolique du Sommet de Zagreb réside dans le fait qu’il a lieu 20 ans après un autre sommet dans cette même ville, quand, en 2000, l’UE avait ouvert le processus de stabilisation et d’association pour les Balkans occidentaux. Ce sommet s’était tenu juste après la fin des guerres sur le territoire de l’ancienne Yougoslavie et les transitions démocratiques amorcées dans certains pays, comme la Croatie et la Serbie.
En tant qu’organisateur du sommet de Zagreb, la Croatie, qui assume pour la première fois de son histoire la présidence du Conseil européen, avait l’ambition, comme elle l’a répété à plusieurs reprises, d’initier avec cette rencontre une nouvelle pratique : que des réunions au sommet UE-Balkans occidentaux soient organisées une fois par an. Cependant, les conclusions du sommet ne contiennent aucune référence à cette question. Le sommet de Zagreb devait initialement se tenir les 6 et 7 mai et représenter l’apogée de la première présidence croate. La pandémie a toutefois rendu impossible une réunion sous ce format. Les dirigeants débattront donc en ligne.
La déclaration attendue à l’issue du Sommet souligne entre autres qu’il est indispensable que les dirigeants des Balkans occidentaux « respectent strictement les valeurs fondamentales, les principes démocratiques et l’État de droit, y compris les mesures exceptionnelles visant à arrêter la pandémie de coronavirus ».
La réunion sera également l’occasion d’envoyer un message sur le soutien financier de l’UE pour lutter contre la crise du coronavirus, aide qui atteint pour l’instant les 3,3 milliards d’euros. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE appelleront la Commission européenne à présenter à l’automne un plan d’investissement pour les Balkans occidentaux, avec pour objectif de relancer l’économie tout en renforçant la compétitivité, afin que les économies de la région soient mieux intégrées entre elles et avec l’UE. L’UE confirmera enfin l’intensification de son engagement dans les Balkans occidentaux afin d’aider à la transformation politique, économique et sociale de la région. Mais ce soutien ne sera pas sans contreparties.
Qu’attend-on des Balkans occidentaux ?
Les dirigeants de la région doivent quant à eux soutenir les valeurs et principes européens et mettre en œuvre « fondamentalement et énergiquement » les réformes indispensables. « L’aide accrue de l’UE sera liée à des progrès sensibles dans les domaines de l’État de droit et des réformes socio-économiques, ainsi qu’au respect des valeurs, des règles et des normes de l’UE. » Les dirigeants européens soulignent la nécessité « d’engagements plus forts et de preuves solides » dans la lutte contre le crime organisé et la corruption. Les résultats de cette lutte, précise le projet de déclaration de Zagreb, sont cruciaux pour la transformation politique et socio-économique de la région, et ce « dans le meilleur intérêt des citoyens des Balkans occidentaux ».
« Des efforts continus et résolus devront être consacrés à l’apaisement et à la stabilité régionale, ainsi qu’à la conclusion et à l’adoption de solutions définitives, inclusives et contraignantes aux conflits bilatéraux entre les partenaires et aux questions ancrées dans l’héritage du passé, dans le respect du droit international et des principes en vigueur, y compris l’accord sur les questions de succession », concluent les dirigeants européens.
À cet égard, tous soutiendront la nomination de Miroslav Lajčák au poste de représentant spécial de l’UE pour le dialogue Belgrade-Pristina et pour les questions régionales dans les Balkans occidentaux. L’UE demande enfin aux pays de la région de progresser vers une harmonisation totale avec la politique étrangère européenne, « particulièrement sur les sujets qui relèvent d’intérêts communs fondamentaux » - une référence évidente aux « nouveaux acteurs » que sont la Russie, la Turquie, mais surtout la Chine.
Par Gjeraqina Tuhina
Traduit par Chloé Billon (article original)