Si près de 82 % des Européens sont totalement vaccinés, seuls 11 % des Africains le sont. Un écart qui pourrait parasiter les discussions entre les chefs d’État des deux continents lors du sommet prévu les 17 et 18 février entre l’UE et l’Union africaine.
Un article de notre dossier sur les relations entre l'Union européenne et l'Afrique en temps de Covid.
Si près de 82 % des Européens sont totalement vaccinés, seuls 11 % des Africains le sont. Un écart vaccinal qui pourrait parasiter les discussions entre les chefs d’État des deux continents lors du sommet prévu les 17 et 18 février à Bruxelles entre l’Union européenne et l’Union africaine. La France, qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’Union européenne, est notamment appelée à agir pour la levée des brevets des vaccins contre la Covid-19. Emmanuel Macron porte le projet d’une « licence globale ».
Ce sont quelques lignes, presque perdues, dans un document de 76 pages, celui du programme de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Page 7 précisément, au chapitre des affaires générales, la présidence indique qu’elle « s’attachera à consolider les capacités européennes de production de vaccins et veillera en parallèle à poursuivre les efforts de solidarité internationale, notamment vis‑à‑vis de l’Afrique, en matière d’accès aux vaccins pour les pays à revenu faible et intermédiaire, notamment grâce à la « facilité Covax ». Si la phrase embrasse tous les codes vaporeux d’une déclaration diplomatique, le message est clair dans ce qu’il ne mentionne pas. Aucune référence n’est ainsi faite à la levée des brevets des vaccins contre la Covid-19, contrairement à la réunion devant les ONGs du 9 juin dernier, où Emmanuel Macron s’était engagé –alors que son gouvernement fustigeait cette idée- à soutenir la demande sur une levée temporaire des brevets portée au sein de l’OMC entre autres par l’Inde et l’Afrique du Sud. Depuis juin la France est restée bien silencieuse. Interrogé précisément à ce sujet, le 19 janvier dernier, par Manon Aubry (eurodéputée La France Insoumise) lors de sa présentation, devant les parlementaires européens, des priorités de sa présidence, Emmanuel Macron a précisé sa pensée sur le sujet. « Est-ce qu’il faut déchirer la propriété intellectuelle ? Non », a-t-il notamment déclaré. « Pourquoi ? Parce que c’est la juste rémunération de l’innovation », a-t-il encore appuyé. Le Président, pas encore candidat à sa réélection, a néanmoins assuré vouloir veiller à ce que « jamais, la propriété intellectuelle ne soit un frein à la création de capacités » de production. Pour y parvenir il espère adopter, lors du sommet Union européenne-Union africaine, « une proposition commune de licence globale pour les vaccins Covid et plus largement ». Qu’est-ce qu’une licence globale ? Difficile à dire. Face aux députés européens, Emmanuel Macron s’est contenté de quelques précisions avant de conclure son intervention. Celle-ci devrait permettre la levée des contraintes liées à la propriété intellectuelle et de transferts de technologies, et ce, pour « développer des capacités en Afrique ».
Dix jours plus tard, Olivier Véran, le ministre de la Santé, lui aussi interrogé par les députés européens dans le cadre de la présentation des priorités « santé » de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, s’est inscrit dans les pas du chef de l’État. Si pour lui il n’existe pas de « barrière idéologique » quant à une levée des brevets, « nous devons quand même envoyer un signal aux chercheurs pour dire que ce qu’ils sont capables de produire aujourd’hui ils peuvent en tirer un bénéfice. » s’est-il empressé de tempérer. Comme Emmanuel Macron, Olivier Véran a également fait part de ses doutes quant aux capacités des pays les plus pauvres d’assurer la production et la distribution des vaccins contre la Covid-19. « Les pays qui n’ont pas accès au vaccin ont en général des difficultés à structurer un système de santé qui permette de fournir les vaccins et de vacciner les gens. », a ainsi souligné le ministre de la santé en réponse aux questions des députés européens de la commission de l’environnement, santé publique et sécurité alimentaire. Une table ronde sur le thème « Systèmes de santé et production de vaccins » sera notamment organisée lors du sommet Union européenne-Union africaine les 17 et 18 février à Bruxelles. Les européens, et la France en tête, devraient en profiter pour contrer les critiques et rappeler leurs efforts en matière de dons de doses. « Nous tiendrons nos engagements » a promis le président de la République, « 700 millions de doses auront été distribuées d'ici juin 2022 ». Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France salue les dons de vaccins, mais souligne « (…) à eux seuls [les dons de vaccins] ne sauront jamais répondre à la demande mondiale ». Les attentes envers la présidence française de l’Union européenne sont fortes : obtenir la levée temporaire des droits de propriété intellectuelle, accélérer les transferts de technologies pour permettre la production de vaccins sur le continent africain et assurer un accès aux soins de toutes les populations. Actuellement, à peine plus de la moitié de la population mondiale est entièrement vaccinée.
Parmi les candidats à l’élection présidentielle française, qui pourrait assurer, en cas de victoire, la deuxième partie de la PFUE, le sujet de la levée des brevets divise selon la dichotomie politique classique, et bien existante, droite/gauche. A droite, Valérie Pécresse et Marine Le Pen se sont notamment positionnées contre l’idée de la levée des brevets. Pour la candidate du Rassemblement national, les laboratoires ne se risqueront plus à travailler à la recherche d’un nouveau vaccin, en cas de variant grave, s’ils savent qu’ils n’en tireront aucun bénéfice. Un argument ressassé par l’ensemble des opposants, politiques ou non, à la levée des brevets sur les vaccins. Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Philippe Poutou et Anne Hidalgo, tous les quatre candidats, ont signé un courrier, le 14 janvier dernier, demandant à Emmanuel Macron « d’œuvrer en faveur de la « levée des brevets », en demandant la tenue au plus vite de la réunion de l’OMC prévue initialement en novembre 2021 et reportée pour des raisons sanitaires ».