Un an de gouvernement Meloni, un bilan

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Le 22 octobre 2023 marque la première année du gouvernement d'extrême droite et de droite de la présidente du Conseil et cheffe du parti Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni. Quels ont été les effets du nouveau gouvernement composé d'une triple alliance entre Fratelli d'Italia, la Lega de Matteo Salvini et Forza Italia de Antonio Tajani ? Y a-t-il eu une rupture de conduite par rapport au précédent gouvernement Draghi ?

Meloni, Biden, Sunak et Selenski au sommet de l'OTAN en Lituanie

Sur le plan intérieur, Giorgia Meloni a réussi à maintenir le consensus populaire : un an après sa naissance, la coalition gouvernementale a enregistré une augmentation du consensus de 2,4 %, menée par Fratelli d'Italia , dont le consensus a augmenté de 2,7 %[1]. Dans le même temps, l'Italie reste le pays le plus endetté d'Europe après la Grèce, avec une dette de 140% du PIB, et commence à susciter une certaine méfiance chez les investisseurs, depuis la proposition récente d’un certain nombre de mesures financières et budgétaires[2]. Au niveau international, l’Italie de Meloni continue d’affirmer son atlantisme, mais commence à exprimer des premières réticences quant au soutien militaire inconditionnel à l’Ukraine. Avant la fin de l’année, le pays devra prendre une décision concernant le renouvellement de l’accord commercial avec la Chine, la Belt and Road Initiative.

1. Migration

Les ONG, ces petites canailles

Le gouvernement a montré plusieurs difficultés dans la gestion des arrivées de migrants sur les côtes italiennes et des flux migratoires. Des difficultés qui ont provoqué rapidement des tensions et des querelles avec ses voisins, notamment la France et l’Allemagne.

Depuis 2016, Giorgia Meloni a défendu l'idée d'un blocus naval pour résoudre la question des débarquements en provenance d'Afrique du Nord, c'est-à-dire une action de guerre par laquelle tout navire est empêché de force de quitter les ports d'une certaine zone d'un autre pays, mais cette mesure n’a jamais été réalisée.

Les chiffres confirment une augmentation des arrivées dans le pays, après des années de baisse suite à la pandémie de covid-19 et à la politique des ports fermés appliquée par l’ancien ministre de l'Intérieur Matteo Salvini. Entre le 22 octobre 2022 - le jour où le gouvernement de Giorgia Meloni est entré en fonction - et le 18 octobre 2023, les débarquements sous l'actuel gouvernement dépassent les 153 000 migrants.

L'année écoulée a vu se multiplier les moments de crise, suivis pour la plupart de propositions législatives de la part du gouvernement. Après un premier accrochage avec la France en octobre 2022 à propos de l'accueil des 243 migrants à bord du navire Ocean Viking, l'Italie a d'abord tenté de réduire l’action des ONG par le décret-loi Piantedosi. Cette loi, du nom du ministre de l'Intérieur, a formalisé un code de conduite pour les ONG, empêchant les « sauvetages multiples », qui a été fortement critiqué par le Conseil de l’Europe[3].

L'état d'urgence décrété le 11 avril 2023, mesure destinée à accélérer les mesures d'identification et de rapatriement et à débloquer des fonds exceptionnels pour gérer les arrivées, a été renouvelé en octobre. Ceci n’a pas empêché les difficultés survenues lors de la crise déclenchée le 12 septembre à Lampedusa, avec l'arrivée de 5 000 migrants en une seule journée, marquant une forte tension diplomatique avec l'Allemagne. Le gouvernement allemand a suspendu un accord volontaire d'accueil de migrants avec l'Italie[4], accusant Rome de ne pas respecter ses obligations au titre des règles d'asile de Dublin de l'UE[5]. Il convient de rappeler que l'Italie est un pays d'arrivée et de transit, mais qu'elle accueille beaucoup moins de migrants que l'Allemagne. En 2023, le nombre de demandes d'asile était de 243 000 en Allemagne, 156 000 en France et 84 000 en Italie[6] .

Face à l’ampleur de la crise, l’Allemagne a décidé de réactiver l’accueil de migrants en provenance de Lampedusa. Plus tard, d’autres hostilités ont été déclenchées par le gouvernement Meloni. Le financement allemand des ONG[7] a été accusé de constituer un "facteur d'attraction", encourageant les départs d'Afrique du Nord et représentant une violation de la souveraineté nationale italienne[8] . Pourtant, selon plusieurs études, dont la dernière en date est celle de la revue internationale Scientific Report, "il n'y a pas de différences statistiquement significatives" entre les départs en présence ou en l'absence d'activités d'ONG en mer[9] .

Bienvenus mais pas trop et pas à l'Est

Comme Giorgia Meloni l'a répété à plusieurs reprises ces derniers mois, la solution à la question migratoire résiderait dans l'externalisation de la gestion des flux, notamment dans les pays de départ, afin d’arrêter définitivement les départs, plutôt que dans la redistribution des migrants une fois qu'ils ont débarqué en Italie. En effet, cela serait la seule possibilité pour Giorgia Meloni de maintenir des bonnes relations avec des pays historiquement proches de Frères d’Italie comme la Hongrie, et toujours opposée aux principes de la solidarité européenne.

Sous la pression des milliers de débarquements à Lampedusa, les États membres de l'UE ont approuvé le 4 octobre 2023 la dernière partie d'une réforme des règles communes pour la gestion des demandes d'asile, le pacte sur les migrations et l'asile, accélérant ainsi un processus qu'ils souhaiteraient achever avant les élections européennes de 2024. Les représentants des 27 pays sont parvenus à un accord à Bruxelles après que l'Italie et l'Allemagne ont résolu une question qui les divisait au sujet des organisations humanitaires qui secourent les migrants en Méditerranée.

Ce pacte prévoit qu'en cas de "situation de crise" dans un État membre, une part des migrants sera redistribuée de l’Italie ou de la Grèce vers d’autres États membres de l'UE. Pour Viktor Orbán et Mateusz Morawiecki, le nouvel accord décidé à la majorité qualifiée constitue "un viol juridique au détriment de leurs pays". C’est précisément sur ce sujet que l’alliance entre ces deux pays et l’Italie de Meloni montre son strabisme : chacun défend ses priorités nationales, sans se soucier de soulager son allié de la pression migratoire.

Sur le plan extérieur à l’UE, les difficultés ne semblent pas non plus s'atténuer. Les nombreux échanges et rencontres diplomatiques organisés par Meloni avec le président tunisien semblent avoir échoué. La Tunisie, actuellement secouée par une profonde crise migratoire et économique, fait partie des quatre principaux pays de départ vers l'Italie[10] . Face au risque d'effondrement, d'autres pays européens se sont également inquiétés et mobilisés pour tenter d'endiguer la crise tunisienne, dont la France. Le protocole d'accord pour un partenariat stratégique entre l'UE et la Tunisie visant à maîtriser les flux migratoires, signé le 16 juillet à Tunis avec l’appui de la Commission européenne, a été présenté comme un succès du gouvernement Meloni. Bruxelles a proposé à la Tunisie 150 millions d'euros pour soutenir le budget de l'État et 105 millions d'euros pour soutenir le contrôle des frontières. Pourtant, le 3 octobre 2023, le président Kaï Saïed a décidé de refuser les fonds européens[11] , réduisant ainsi à néant l'un des plus grands succès diplomatiques revendiqués par Giorgia Meloni au cours de son mandat.

2. Relations internationales

Un soutien inconditionnel à l’Ukraine, oui, mais…

Dès les premières semaines du conflit en Ukraine, l'Italie a fourni des moyens, du matériel et des équipements militaires à Kiev par le biais d'une série de mesures prises d'abord par le gouvernement guidé par Mario Draghi, puis, en février 2023, par le gouvernement Meloni, qui s'est rangé fermement du côté de l'Ukraine. Dans la continuité du gouvernement Draghi, l'Italie a pleinement soutenu la ligne occidentale et atlantique de condamnation de l'agression russe. Toutefois, l'Italie a apporté un soutien plus modéré que d'autres pays de l'OTAN : la plupart de l'aide militaire à l'Ukraine provient des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la Pologne[12].

Le huitième paquet d'aides militaires à l’Ukraine devrait être adopté en octobre, comme l'a confirmé le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères Antonio Tajani lors de sa rencontre avec Zelensky à Kiev le lundi 2 octobre 2023[13]. Pourtant, un changement de cap semble s'amorcer, notamment suite aux récentes déclarations de la présidente du Conseil. Pour la première fois, le gouvernement italien pose des limites. Dans une interview accordée à TG24 Sky[14] , Giorgia Meloni a confirmé son soutien à l'Ukraine, mais "sans miner ou compromettre notre sécurité" et en tenant compte de la "lassitude de l'opinion publique". Un terme, celui de « lassitude », employé deux jours auparavant par le porte-parole du Kremlin. En effet, d’après le Kremlin « la lassitude des Occidentaux » face au conflit ukrainien "va s'accroître aux Etats-Unis et dans d'autres pays", conduisant à une "fragmentation des élites politiques"[15]. Pour sa part, le ministre de la défense Guido Crosetto a déclaré que "les ressources italiennes ne sont pas illimitées". Face aux premiers signes d’une possible défaillance du soutien à l’Ukraine, les États-Unis cherchent à faire pression sur leurs alliés et partenaires.

Once upon a time in the West

Le 27 juillet, neuf mois après son entrée en fonction, Giorgia Meloni a effectué sa première visite aux États-Unis pour rencontrer le président américain Joe Biden. En toile de fond de cette rencontre, les opérations américaines visant à contrer et à contenir l'influence politico-économique chinoise, également connues sous le nom de "de-risking".

Selon le Washington Post[16] , peu de dirigeants de la droite radicale ont rendu visite à M. Biden à la Maison Blanche. Meloni aurait acquis la réputation d'une cheffe d'État avec laquelle il est possible de travailler, puisqu'au cours de ses neuf premiers mois au gouvernement, elle n'a jamais laissé entendre qu'elle souhaitait abandonner le soi-disant "consensus de Washington"[17] .

La Maison Blanche a voulu aborder « le soutien à l'Ukraine contre l'agression russe, les développements en Afrique du Nord et une plus grande coordination transatlantique vis-à-vis de la Chine ». L’économie est l’un des sujets principaux : en effet, les échanges commerciaux entre Etats-Unis et Italie ont presque doublé au cours des dix dernières années, passant de 52 milliards de dollars à 100[18]. Selon Federico Petroni[19], conseiller éditorial de la revue Limes, Rome souhaite profiter de la nouvelle attitude de Washington, qui demande à ses alliés une plus grande distance vis-à-vis de Pékin en échange d'une participation à la redistribution des chaînes d'approvisionnement industrielles et d'un accès aux consortiums technologiques américains de premier plan. L'Italie se considère dans une position favorable parce qu'à partir de 2024, elle aura le tour de la présidence du G7, qui a récemment assumé un rôle de coordination dans ce type d'initiative. De plus, elle cherche à obtenir un soutien formel de la Maison Blanche dans la gestion des flux migratoires et énergétiques.

L’extrêmement éloigné proche Orient

Pour l'instant, Giorgia Meloni n'a pas encore pris de décision concernant le renouvellement du mémorandum sur la Route de la soie, en anglais la Belt and Road Initiative (BRI). Cet accord commercial avait été signé avec la Chine en 2019 par le président du Conseil de l'époque, Giuseppe Conte, en faisant de l'Italie le seul acteur politique qui avait rompu unilatéralement l'unité européenne vis-à-vis de la Chine.

Lors de sa première conversation avec un représentant du gouvernement chinois au sommet du G20 à New Delhi, Giorgia Meloni a tracé les grandes lignes d'une sortie en douceur de l'accord commercial. Dans ce contexte, il est essentiel pour l'Italie d'éviter les représailles économiques et de maintenir un dialogue politique ouvert avec cette puissance mondiale. La solution proposée à la Chine par Mme Meloni est un retour à un partenariat stratégique global, comme celui lancé en 2004 par le président du Conseil italien de l'époque, Silvio Berlusconi. Afin d'inaugurer de nouvelles modalités diplomatiques entre les deux pays, le président de la République Sergio Mattarella a prévu de se rendre en Chine en 2024.

En résumé, le centre de gravité de la politique étrangère du gouvernement Meloni semble se déplacer de manière décisive vers les États-Unis et l'Union européenne, en s'éloignant des accords avec la Chine pris par le premier gouvernement Conte. 

3. Énergie et environnement

Pour une écologie conservatrice

La présidente du Conseil Giorgia Meloni défend une idée d’écologie conservatrice[20]. Déjà dans le programme de Fratelli d'Italia, on pouvait lire la volonté de renégocier le Green Deal européen, le document politique dans lequel la Commission européenne expose sa Grande Stratégie en matière de transition écologique, ainsi que sa principale annexe, le paquet "FIT for 55". Pour marquer cette vision, Meloni s'est exprimée le 3 juillet 2023 devant Assolombarda, une des principales assemblées des industriels en Italie, en soulignant qu'"on ne peut pas considérer que, pour entamer la transition écologique, nous pouvons démanteler notre économie et nos entreprises, la transition écologique et la durabilité environnementale doivent aller de pair avec la durabilité sociale et économique" et a ajouté que "la transition doit se faire avec l'homme au centre"[21]. Un message très clair adressé au corps industriel sur les priorités du gouvernement : répondre aux besoins de production des industriels, stimuler la consommation et soutenir une croissance hésitante. Une ligne maintenue par l'Italie également le 20 juin 2023 avec la non-approbation d'une loi pour la restauration des écosystèmes européens.

Dans la proposition de mise à jour du Plan national intégré pour l'énergie et le climat envoyée à Bruxelles le 29 juin, on retrouve quelques lignes concernant les prévisions d'utilisation des énergies renouvelables[22]. Pour les principales associations de protection de l'environnement telles Legambiente, Greenpeace et WWF, ce plan n'est pas à la hauteur. Pour le président de Legambiente Ciafani, cette note "confirme l'idée de l'Italie comme hub du gaz et lieu de production de carburants pour les moteurs endothermiques"[23]. En effet, le principal engagement du gouvernement Meloni est de mettre en œuvre le "Plan Mattei", un projet visant à assurer l'indépendance énergétique du pays avec l'aide de l'ENI, en renouvelant les relations avec l'Afrique, et en particulier avec l'Algérie, la Libye et l'Éthiopie, nouveaux lieux de production et fournisseurs de gaz pour l’Italie.

En ce qui concerne l'environnement, les fonds européens ont été sacrifiés. Le 28 juillet, dans le dernier projet présenté par l'Italie dans le cadre du Plan national de relance et de résilience (PNRR), plusieurs projets ont été exclus, dont certains liés à la lutte contre l'instabilité hydrogéologique, avec l'annulation d'environ la moitié des fonds initialement prévus pour l'objectif, soit 1,3 milliard sur 2,5. Ont également été supprimés, entre autres, 6 milliards pour la valorisation du territoire et l'efficacité énergétique des municipalités et 3,3 milliards pour la régénération urbaine.

Madame Folamour ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer le nucléaire

Il existe quatre centrales nucléaires sur le territoire italien, toutes en cours de démantèlement, après l'interdiction des centrales nucléaires à la suite de deux référendums populaires abrogatifs en 1987 et 2011. Dans un contexte où se font face des pays favorables à l'énergie nucléaire, dont la France et la Hongrie entre autres, et d'autres qui y sont hostiles, dont l’Allemagne. Des signes de rapprochement stratégique et politique apparaissent entre la France et l’Italie: après avoir refusé de participer à la rencontre organisée le 27 février pour discuter d'une alliance européenne pro nucléaire, l’Italie a participé en tant qu'observateur à la réunion de Stockholm le 28 mars 2023, se montrant plus disponible à l'égard d'une énergie dont on assiste au retour en grâce à l'échelle européenne.

Le gouvernement italien a soutenu les demandes de la France d'inclure l'énergie atomique parmi les sources vertes, considérées comme décarbonées et utiles dans la lutte contre le changement climatique. En retour, Giorgia Meloni demande un soutien sur la question des flux migratoires et celle des biocarburants. En effet, l'objectif du gouvernement italien est d'inclure les biocarburants parmi les sources d'énergie "zéro émission" afin de permettre la poursuite de la commercialisation des véhicules thermoélectriques même après la date prévue de leur disparition en 2035.

Le 9 mai 2023, la Chambre des députés a approuvé deux motions présentées par les partis de la majorité de droite. Il s'agit d'engagements du gouvernement et non de lois. La première propose le "retour de la fission nucléaire" en Italie. Le texte engage le gouvernement à "accélérer le processus de décarbonisation de l'Italie", c'est-à-dire à utiliser de moins en moins de combustibles fossiles, et à promouvoir à l’international « le développement de nouvelles technologies nucléaires »[24].

Si aucun projet autour du nucléaire a été programmé, Matteo Salvini, vice-président du Conseil et ministre des infrastructures et des transports, a lancé une provocation en proposant la construction d'une centrale nucléaire à Milan à partir de 2024[25] . En septembre 2023, le ministère de l'Environnement italien a inauguré la Plate-forme nationale pour un nucléaire durable (Pnns)[26] , un réseau d'acteurs dont l'objectif est de "créer un point de synthèse et de convergence nationale sur les différentes initiatives". Parmi les différents nœuds à résoudre figure la question de la définition d'un lieu approprié pour l'élimination des déchets nucléaires italiens : à ce jour, ce lieu n'a pas encore été identifié.

4. Élections européennes

Giorgia Meloni et Marine Le Pen, deux fausses jumelles

Les trois partis de la majorité gouvernementale appartiennent à trois groupes différents au Parlement européen, ce qui, associé à des positions souvent divergentes sur l'Ukraine, le budget et les migrations, pourrait créer de fortes tensions en vue de campagne électorale et la formation d'alliances pour les élections européennes de juin 2024. Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, qui dirige le front conservateur, et Antonio Tajani, chef de Forza Italia, qui appartient au front populaire, ont évité tout contact avec le Rassemblement national de Marine Le Pen. En septembre cette dernière a été invitée par Matteo Salvini à participer à la réunion annuelle de son parti, la Ligue, en Italie. Les deux leaders d'extrême droite sont alliés depuis 2014, à partir du moment où ils ont partagé l'idée de quitter l'Union européenne, l'euro et l'allègement des sanctions contre la Russie après l'invasion de la Crimée. Aujourd'hui, ils s'opposent tous deux à l'Union européenne comme symbole de la submersion migratoire, ils sont loin du PPE mais aussi des Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni.

Si Giorgia Meloni a tenté un repositionnement centriste et conservateur au niveau européen, Matteo Salvini joue son jeu à la droite de Meloni en essayant de reprendre les thèmes et les priorités qui ont déterminé son propre succès électoral, comme l'euroscepticisme, la défense des valeurs chrétiennes et la promotion de la politique des ports fermés.

Conservateurs, populaires et magyars 

Consciente de la nécessité de rassurer ses électeurs, juste avant la rencontre entre Le Pen et Salvini à Bergame (Italie), Giorgia Meloni s'est rendue à Budapest pour rencontrer le leader du Fidesz, Victor Orbán, lors du "Sommet de la démographie", l'une des principales réunions internationales de l'extrême droite créée par le président hongrois. Rétablissant l'axe identitaire historique avec le pays le plus proche de Moscou en Europe, une relation mise en sourdine le temps de gagner une légitimité politique internationale, Meloni teste le terrain pour une éventuelle alliance avec Orbán après les élections européennes. L'union des droites est en effet l'une des grandes ambitions du président hongrois, au moins depuis 2021, date à laquelle[27] , avec la signature d'une déclaration commune par plusieurs partis d’extrême droite européens, à savoir Lega, Fratelli d'Italia, PiS, Vox et Fidesz, a lancé les premières bases du projet.

Les élections polonaises du 15 octobre 2023 ont enregistré la victoire de la Coalition civique, le parti de Donald Tusk, ancien Premier ministre polonais entre 2007 et 2014 et leader du Parti populaire européen (PPE). Le mauvais résultat de son adversaire, le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński (35,38%) marque un tournant politique. Pour les conservateurs européens, dont fait partie Giorgia Meloni, la défaite du PiS en Pologne représente un nouveau revers pour les élections nationales de 2023. Après leurs succès du premier semestre en Suède et en Finlande, les partis de droite ont également subi des revers cuisants en Espagne et en Slovaquie, refroidissant l'enthousiasme d'une montée au niveau européen.

Droit et Justice est l'un des deux partis les plus importants de la famille conservatrice, qui est en même temps l'obstacle à un accord pré- ou post-électoral difficile avec le Parti populaire européen de Manfred Weber en vue des élections européennes de l'année prochaine. A priori, un affaiblissement de ce parti pourrait laisser entrevoir une confrontation plus étroite entre Meloni et Weber dans la définition d'une majorité de droite alternative à la majorité actuelle entre les Populaires, les Sociaux-démocrates et les Libéraux au Parlement européen.

Conclusion

Dans sa première année de gouvernement, Giorgia Meloni a essayé de rassurer les partenaires internationaux ainsi que les investisseurs sur sa fiabilité politique. Elle n’a pas abandonné la ligne atlantiste adoptée par son prédécesseur Mario Draghi et le soutien militaire à l’Ukraine. En revanche, en termes de politique intérieure, elle n’a pas hésité à montrer son appartenance à une tradition politique post-fasciste et ultraconservatrice. C’est le cas du blocage de l'enregistrement des enfants des couples homosexuels par les municipalités, une décision critiquée par l’UE[28] , ou encore de son opposition à l’instauration d’un salaire minimum, une mesure déjà adoptée dans 22 pays de l’UE. Dans les mois à venir, Giorgia Meloni devra faire face à plusieurs difficultés : décider d’un éventuel désengagement en Ukraine pour répondre à celle qu'elle appelle la « lassitude » de l’opinion publique, ainsi que gérer les tensions au sein de sa majorité de gouvernement, provenant notamment de Matteo Salvini (Lega), qui pousse son alliée à droite toute vers Marine Le Pen, et Antonio Tajani (Forza Italia) qui a le regard tourné vers Macron et Von der Leyen.


[5] Ces accords stipulent que les demandes d'asile des migrants doivent être examinées dans le pays européen où ils arrivent pour la première fois.

[7] Il y a un an, l'Allemagne a décidé de financer la Communauté de Sant'Egidio, qui travaille sur des projets d'intégration en Italie, et Sos Humanity, une ONG allemande de navires de sauvetage en Méditerranée.

[10] Du 1er janvier au 1er septembre 2023, les quatre premiers pays d'origine des migrants sont africains : la Guinée (13 052), la Côte d'Ivoire (12 763), la Tunisie (9 283) et l'Égypte (8 058). Ils sont suivis par le Bangladesh (7 035), le Pakistan (6 175), le Burkina Faso (6 076), la Syrie (4 428), le Cameroun (3 797) et le Mali (3 604). https://www.limesonline.com/carta-i-nuovi-migranti-2023/133613.

[12] D’après la base de données « Ukraine Support Tracker » de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale https://www.ifw-kiel.de/publications/ukraine-support-tracker-data-20758/.

[20] Elle exprime sa position dans un livre-entretien avec le directeur du journal de droite "Il Giornale", Alessandro Sallusti, intitulé La version de Giorgia. https://www.rizzolilibri.it/libri/la-versione-di-giorgia/.

[22] "une part de 40 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie, passant à 65 % pour la consommation d'électricité uniquement. 37 % de l'énergie provenant des énergies renouvelables pour le chauffage et le refroidissement, 31 % dans les transports, 42 % de l'hydrogène provenant des énergies renouvelables pour les utilisations. industrielles". https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahU…