Macédoine du Nord : après le « non de Paris », opération déminage pour l’ambassade de France

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Face à la tempête de critiques contre « l’erreur historique » d’Emmanuel Macron, l’ambassadeur de France à Skopje a organisé une conférence de presse jeudi pour souligner que Paris n’avait pas mis de « véto » et que de nouvelles réformes étaient nécessaires pour ouvrir des négociations d’adhésion. Des propos qui ont suscité une vague d’indignation.

Skopje - Le mont Vodno vu depuis le pont de pierre

Opération déminage pour l’ambassadeur français Christian Thimonier à Skopje, où le « non » d’Emmanuel Macron sur l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne (UE), lors du dernier Conseil européen, n’arrête pas de faire des vagues. « Ce n’est pas un Hiroshima européen. L’absence de date d’ouverture des négociations ne veut pas dire la fin de l’intégration européenne de la Macédoine du Nord », a expliqué en substance le diplomate français.

Sa conférence de presse, jeudi après-midi, a déclenché une véritable tempête dans le pays. Sur les réseaux sociaux, certains internautes n’hésitaient pas à demander son renvoi immédiat et que les autorités macédoniennes le déclarent persona non grata. D’autres affirmaient qu’après de telles déclarations, le VMRO-DPMNE « n’avait plus besoin de faire campagne » pour les prochaines élections, raconte eMagazin..

Fin connaisseur des Balkans, passé à deux reprises par Belgrade dans sa longue carrière, le représentant de Paris à Skopje avait pourtant voulu rassurer les Macédoniens sur la position de la France, qualifiant l’accord de Prespa, qui a levé le véto grec sur le nom du pays, de « modèle de courage ». Il a toutefois expliqué que cette avancée n’ouvrait pas automatiquement la voie à l’ouverture des négociations, comme l’ont cru beaucoup de gens en Macédoine du Nord, de même que « certains partenaires » de la France dans l’UE.

« L’intégration européenne est une autre affaire », a insisté le diplomate, en rappelant que la « résistance » de la France n’était pas un « véto » et que Paris avait souligné à plusieurs reprises que les réformes, notamment dans le domaine de la justice et de la lutte contre la corruption, étaient essentielles sur la voie européenne de la Macédoine du Nord. Et que, visiblement, ces dernières n’avaient pas toutes été menées à bien.

« Plus de questions que de réponses »

L’échec du sommet de Bruxelles a provoqué de sérieux remous à Skopje, où la déception a rapidement laissé la place à la colère contre la France qui, dans le dossier macédonien, a fait cavalier seul. Sur le plan politique, le Premier ministre Zoran Zaev a annoncé la tenue d’élections anticipées le 12 avril 2020 et il quittera ses fonctions au début de l’année prochaine, laissant la place à un gouvernement technique. Tout cela augure, selon les observateurs une période d’instabilité politique qui, dans un pays aux équilibres communautaires et sociaux très fragiles, pourrait déboucher sur une crise sérieuse. L’opposition nationaliste-conservatrice du VMRO-DPMNE annonce d’ores et déjà la « mort » de l’accord de Prespa et un retour en arrière sur la question du nom.

Le « non » de la France n’est pas une porte fermée pour la Macédoine du Nord, mais il ne faut pas non plus se donner de faux espoirs, a encore insisté l’ambassadeur français. Christian Thimonier a refusé de donner une nouvelle date et incité les Macédoniens à poursuivre les réformes. Le politologue Andrej Stojkovski rappelle que la position de la France ne correspond pas à celle de la Commission européenne qui, elle, n’avait pas formulé de nouvelles conditions à l’ouverture des négociations, lit-on dans l’édition en langue macédonienne de la Deutsche Welle. Finalement, l’intervention de Christian Thimonier a provoqué plus de questions qu’apporté de réponses, résume la radio.