Balkans : des alternatives sociales pour sortir du piège ethnique

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Une alternative non-ethnique peut-elle voir le jour dans des sociétés balkaniques mondialisées, dominées par des politiques économiques néolibérales et des pouvoirs autoritaires ? Éléments de réponse avec Igor Štiks et Visar Ymeri, interrogés par l’édition albanaise du Monde Diplomatique, alors que la faillite du projet d’intégration européenne fait ressurgir les démons de la division ethnique.

Le pont de Mitrovica qui sépare le quartier sud et nord

La récente proposition du Président américain Donald Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien a soulevé de nombreuses questions dans les Balkans : un plan similaire pourrait-il être proposé pour le Kosovo et la Serbie ? L’idée d’une « correction des frontières » circule depuis longtemps dans les cercles diplomatiques, au risque de créer des divisions territoriales basées sur des critères ethniques. Trente ans après la chute du Mur de Berlin, et tandis que l’intégration européenne des Balkans occidentaux semble être au point mort, ces principes ethniques sont toujours envisagés comme des solutions aux crises sur le continent européen. Alors que des dirigeants « pro-européens » de plus en plus autoritaires et corrompus gouvernent la plupart des pays des Balkans occidentaux, la question se pose des stratégies politiques à suivre pour accompagner une transformation démocratique et sociale d’une région confrontée à un exode massif de sa population.

Igor Štiks, écrivain et théoricien politique né à Sarajevo, a longtemps vécu à Zagreb. Il est actuellement professeur à la Faculté des médias à Belgrade. Visar Ymeri, sociologue, ancien député de Vetëvendosje, est aujourd’hui directeur de l’Institut Musine Kokalari pour les politiques sociales, à Pristina.

Le Monde diplomatique (M.D.) : Le Président américain Donald Trump a récemment proposé un plan pour le Moyen-Orient. Un plan similaire pourrait-il être envisagé pour résoudre le conflit entre le Kosovo et la Serbie, sachant que cela pourrait conduire à des divisions territoriales sur des critères ethniques ? Comment expliquez-vous que de telles idées soient encore possibles, [30 ans après la chute du Mur de Berlin ?

Igor Štiks (I.Š.) : Nous savons tous que lorsque des problèmes territoriaux se posent, la situation devient explosive, que ce soit au niveau des relations interethniques, internationales ou interreligieuses. La tradition de gauche reconnaît ce que nous appelons l’« autonomie non-territoriale », un concept développé il y a cent ans en Autriche-Hongrie afin de résoudre les problèmes nationaux au sein d’États multinationaux. Dans la Yougoslavie socialiste, on a tenté de combiner territorialité et non-territorialité avec l’idée que certains groupes nationaux jouiraient du statut de république. L’idée de « redéfinir » les frontières des républiques fédérées était déjà populaire dans les cercles nationalistes des années 1990. Elle repose sur l’idée que les relations démocratiques ne sont possibles que dans des pays ethniquement homogènes. Cette idée de redéfinition territoriale a conduit à des conflits directs, les nationalistes balkaniques étant capables de s’entendre sur tout, sauf sur la question des territoires. Que ces idées refassent surface 30 ans après la chute du Mur de Berlin n’est qu’un reflet de l’échec de la politique des grandes puissances dans les Balkans. Elles n’ont pas réussi à construire la paix, ni à trouver des compromis afin d’adopter un modèle civique pour les nouveaux États avec des droits égaux pour la majorité et les minorités. Si le plan américain pour le Moyen-Orient a un rapport avec les Balkans, alors nous sommes dans une situation dangereuse.

M.D. : Où en est l’Union européenne ? Comment se fait-il que des principes ethniques soient aujourd’hui considérés comme une solution ?

I.Š. : L’Union européenne avait promis une paix durable dans les Balkans grâce à l’intégration. L’accent aurait été mis sur les structures supranationales, relativisant l’importance des frontières et des territoires. Mais nous voyons que ce n’est pas le cas. Il s’est formé un ghetto des Balkans au cœur de l’UE. Les perspectives d’adhésion sont faibles et, aux yeux des citoyens, l’argument en faveur de l’intégration européenne a perdu de son sens. Des espaces se sont entre-temps ouverts pour des acteurs majeurs comme les États-Unis afin de résoudre les problèmes des Balkans en ayant recours à des moyens tout sauf subtils, comme l’idée d’une redéfinition des frontières.

M.D. : Pour résoudre le conflit entre le Kosovo et la Serbie, il n’existe aujourd’hui, semble-t-il, que deux modèles basés sur des principes ethniques : la correction des frontières et l’Association des communes à majorité serbe. Pourrait-on envisager des alternatives non-ethniques ?

Visar Ymeri (V.Y.) : Depuis la chute du Mur de Berlin, une nouvelle conception de l’identité a vu le jour dans notre région et ailleurs dans le monde. Historiquement, la notion d’identité, y compris d’identité nationale, était liée à la position socio-économique d’un individu ou d’une population. Après 1989, les théoriciens de droite se sont mis à évoquer la « fin de l’Histoire », un moment où le système socio-économique actuel serait permanent et sans alternative et où les différences entre les peuples ou les individus ne seraient qu’identitaires et culturelles. Dans la région, l’identité a pris un caractère « unidimensionnel » à partir de critères ethniques et culturels, dépouillée des autres caractéristiques individuelles et collectives qui constituent l’humanité « pluridimensionnelle ». L’une des raisons pour lesquelles nous avons tendance à rendre « ethnique » un problème et à proposer des solutions ethniques pour le résoudre est due à l’importance croissante des politiques identitaires et des forces politiques populistes dans le monde. Ces théories politiques soumettent la composante socio-économique ou politique à la composante culturelle ou ethnique. Il nous faut donc avant tout reconnaître cette conception de l’identité, fût-elle nationale, comme quelque chose qui contient en soi de multiples caractéristiques et particularités identitaires au-delà de la composante culturelle et ethnique.

Depuis la fin de la guerre au Kosovo, la présence internationale, en particulier la Minuk, a observé le pays à travers des lunettes identitaires et ethniques.

Depuis la fin de la guerre au Kosovo, la présence internationale, en particulier la Minuk, a observé le pays à travers des lunettes identitaires et ethniques, dressant le portrait d’un territoire où vivent différentes communautés ethniques et où il est impossible de surmonter ces différences. La seule chose à faire était de garder ces communautés séparées entre elles. Des mécanismes institutionnels ont été créés afin de garantir la vie de ces communautés l’une à côté de l’autre, mais sans la moindre coexistence. Les gens vivent sur un même territoire, mais sans interactions sociales et économiques. Plutôt que de jeter des ponts, cette modalité de « coexistence » a creusé le fossé entre la majorité albanaise et la minorité serbe. Cet écart grandissant a ensuite été utilisé par le gouvernement serbe actuel pour présenter des revendications fondées sur l’impossible coexistence entre les différentes communautés ethniques. Les propositions de Belgrade divisent encore plus les communautés du Kosovo et sapent le potentiel de coexistence et de coopération des peuples de la région, une coopération qui profiterait pourtant à tout le monde. Les différences entre l’Association des municipalités à majorité serbe et la rectification des frontières sont moins importantes que la similitude paradigmatique de ces deux « solutions » proposées. La meilleure solution serait d’investir dans la création d’une identité citoyenne commune de la société kosovare.

M.D. : Dans quelle mesure les problèmes nationaux dans les Balkans peuvent-ils être ignorés ?

I.Š. : J’ai l’impression que nous sommes enfermés dans un piège. Les problèmes nationaux sont définis d’une manière qui nous empêche de trouver un autre paradigme. On cherche des solutions qui n’offrent que des critères territoriaux ou, comme l’a dit Visar Ymeri, de nature à diviser ou à ghettoïser les différents groupes. Ces solutions ont été mises en œuvre en Irlande du Nord, au Liban, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. L’imagination politique fait défaut sur la façon de construire une communauté post-conflit qui ne serait pas fondée sur des différences ethniques et culturelle. Visar Ymeri a évoqué le problème de la culturalisation des relations politiques, à savoir le passage des relations politiques de classes à des questions exclusivement identitaires. La matrice de ces identités ne peut être ni changée ni transformée, contrairement à l’évolution des identités de classes. Ainsi, selon la gauche, la société se développe et les compositions de classes peuvent être modifiées. Bien sûr, la gauche demande plus d’égalité, tandis que la droite insiste pour préserver les différences qui s’étendent au-delà des frontières ou de toute communauté identitaire. Aujourd’hui, la perspective de classes est repoussée à la marge et plus personne ne la traite dans les Balkans, car on cherche des solutions dans la création de territoires ethno-nationaux éventuellement démocratisés par une restructuration néolibérale. Nous sommes donc pris au piège, car toute solution implique désormais un conflit de territoires. La gauche post-yougoslave, voire la gauche des Balkans, n’a pas trouvé la bonne réponse à ces questions, si ce n’est l’idée que les peuples des Balkans ont vécu ensemble dans le passé et vivront de nouveau ensemble à l’avenir, et ont donc des intérêts communs dans l’économie mondiale. Mais c’est un point de vue minoritaire.

M.D. : Comme dans d’autres États issus de la Yougoslavie, le Kosovo n’a pas réussi à mettre en place des projets politiques fondés sur la citoyenneté. Qui est kosovar aujourd’hui ? Que signifie politiquement être citoyen du Kosovo ?

V.Y. : D’un point de vue marxiste, le prolétariat est cette classe sociale qui ne possède rien d’autre que la force de travail qu’elle vend. Le prolétaire est symbole de l’exproprié. Aujourd’hui, cependant, nous sommes dans une position légèrement différente. Pour Alain Badiou, une des caractéristiques du capitalisme tardif automatisé est l’augmentation du nombre de personnes inexploitées. Il en va de même au Kosovo où, en raison d’une absence de développement économique, nous avons un taux très élevé de sans-emploi et des perspectives sociales et économiques très faibles. Cela nous oriente davantage vers l’identité nationale. Mais nous devons envisager cette situation comme une actualité politique et non comme une uniformité historique. Il n’en a pas toujours été ainsi et il n’en sera pas toujours ainsi. Cette poussée du sentiment nationaliste dans la région a vu le jour dans les années 1990 et s’est poursuivie après les guerres.

Être Kosovar devrait représenter une identité fondée en termes de droits, d’intérêts économiques et sociaux partagés, plutôt que d’identités culturelles qui nous séparent.

Au Kosovo, il y a un fossé énorme entre la façon dont le pays a été conçu comme société et État par le plan Ahtisaari, et la forme qu’il a prise lors de sa mise en œuvre. En théorie, l’idée du plan Ahtisaari, à savoir un Kosovo en tant qu’État et société multiethniques, était de semer les germes qui permettraient de concevoir une nouvelle identité fondée sur la citoyenneté kosovare. Toutes les communautés du Kosovo, les Albanais, les Serbes, les Bosniaques, les Turcs, les Roms, les Ashkali et les Égyptiens, auraient adopté cette identité et se seraient éloignés de leur identité ethnique. Cependant, cela ne s’est pas réalisé à cause de deux raisons : le plan Ahtisaari était considéré dès le départ comme un projet externalisé, et non provenant de source interne, tandis qu’une dynamique de la division s’est mise en place. L’arrangement administrativo-territoriel et institutionnel du Kosovo est fondé sur les différences ethniques entre communautés majoritaire et minoritaire. En outre, une part importante des droits des minorités leur sont accordées en raison de leur appartenance ethnique et non d’un corpus de droits civils. C’est devenu contre-productif. Au lieu de laisser l’identité ethnique floue, elle a été maintenue et renforcée de façon institutionnelle et territoriale. Que signifie donc être kosovar ? C’est une chose qui devrait être décidée par nous, le peuple du Kosovo. Être Kosovar devrait représenter une identité fondée en termes de droits, d’intérêts économiques et sociaux partagés, plutôt que d’identités culturelles qui nous séparent.

M.D. : Que deviennent alors les questions de citoyenneté et de nationalité dans des sociétés mondialisées ?

I.Š. : Le concept de nationalité a plusieurs signification. Mais la nationalité n’est pas un concept neutre. En serbe et en croate, il existe une différence entre nationalité et citoyenneté. Je pense que c’est pareil en albanais. Dans d’autres cas, par exemple en slovène, cette distinction n’existe pas, il n’y a qu’un seul terme général pour la nationalité. Dans mon travail, je traite du concept de nationalité et de celui de citoyenneté, de la création du citoyen en tant que membre actif de sa communauté politique. Dans les Balkans, depuis un siècle, nous avons essayé différents modèles. Il est difficile d’en trouver un qui produirait le résultat escompté simplement parce qu’il est inscrit comme tel dans la constitution. Visar Ymeri a mentionné à juste titre le plan Ahtisaari qui sonne bien sur le papier, mais tourne à vide. On peut insister sur un modèle civique de régulation étatique autant que sur l’affiliation étatique, mais cela ne signifie pas que l’on peut oublier d’autres processus politiques. Les identités ethniques ne sont pas seulement des traits balkaniques, bien qu’elles aient été considérées uniquement comme telles dans les années 1990. Aujourd’hui, nous constatons que les politiques nationalistes, ethniques, religieuses et identitaires dominent des pays comme la France, un État traditionnellement fondé sur la citoyenneté. Les grands partis sont ceux qui plaident pour l’exclusivité ethnique, les « vrais Français » contre ceux qui viennent d’ailleurs.

Les communautés multiethniques, multiculturelles ou multilingues sont en train d’être séparées, tandis que leur alignement avec les frontières des États est presque chose achevée.

En Yougoslavie, on croyait que la solution avait été trouvée dans la citoyenneté fédérale combinée à une nationalité républicaine, mais où il existait certaines autonomies au sein des républiques avec le recensement des citoyens ou la délivrance de titres de voyage émis par les provinces. Il y a donc eu des tentatives de modèles différents pour résoudre les problèmes nationaux. Mais la question albanaise ne pouvait être évitée dans un État appelé Yougoslavie, pays des Slaves du Sud, alors que l’on savait que les Albanais n’étaient pas slaves. Ce qui m’inquiète, c’est que nous considérons l’espace de la nationalité comme un espace d’ethnicité, où la nationalité ne comprend que les membres de l’ethnie dominante et en exclut les autres. Les États voisins, la Hongrie ou la Bulgarie, qui accordent l’accès à la nationalité aux membres de leur appartenance ethnique en dehors de leurs frontières nationales, donnent également de l’importance à ce modèle. Cela existe dans presque tous les pays des Balkans, à l’exception de l’Albanie. Les mécanismes étatiques sont utilisés pour séparer l’origine ethnique. Après le nettoyage ethnique, une migration ethnocentrique a lieu. Les gens migrent là où ils sont majoritaires : les Serbes de Bosnie-Herzégovine se rendent en Serbie, les Croates de Bosnie-Herzégovine en Croatie ou encore les Bosniaques du Sandžak en Bosnie-Herzégovine. Les communautés multiethniques, multiculturelles ou multilingues sont en train d’être démantelées et séparées, tandis que leur alignement avec les frontières des États est presque chose achevée. Le paradoxe est que cela a lieu au moment de la catastrophe démographique qui frappe tous ces pays. Les solutions se trouveraient dans des territoires ethniquement purs, alors même que la population des Balkans disparaît ou diminue drastiquement.

M.D. : Dans ce contexte, quelle est la probabilité de construire une alternative progressive, en particulier lorsque nous avons des politiques économiques néolibérales et des pouvoirs néo-autoritaires ?

I.Š. : La situation dans les Balkans est pire qu’en Europe occidentale. En plus des problèmes post-conflictuels dominés par des forces nationalistes et conservatrices, nous avons des politiques néolibérales comme partout ailleurs, certes, mais sans les infrastructures telles qu’elles existent en France, avec des syndicats ou de forts mouvements de gauche. Nous n’avons rien de tout cela, tout en étant dans une situation économique et sociale très difficile. Les chances sont donc minces. Mais l’histoire est pleine de surprises.

V.Y : Nous devons d’abord établir une distinction entre deux types de citoyenneté : la citoyenneté libérale et la citoyenneté républicaine, plus progressiste. En Occident, ces deux courants de pensée ont longtemps résisté à l’antagonisme. Dans la région, en particulier au Kosovo, le concept dominant est la citoyenneté libérale, basée sur la liberté négative, c’est-à-dire la liberté de l’ingérence du gouvernement dans la vie de l’individu. Les citoyens jouissent du droit à une vie libre. On les laissent tranquilles. Ce sont des citoyens passifs. Seul, n’étant pas persécuté par le pouvoir et capable d’organiser sa vie comme il l’entend, le citoyen ne crée pas d’interaction en vue d’un effort partagé qui conduirait à la construction d’une identité commune.

Il faut un principe internationaliste de coopération entre partis progressistes afin de concevoir une perspective régionale de gauche.

Nous sommes seuls avec nos identités ethniques qui, du coup, nous sont devenues précieuses. Je préfère le concept républicain de citoyenneté. Non seulement, les citoyens sont libres de la persécution et de l’oppression du pouvoir, mais ils ont en outre le droit et le devoir de participer collectivement à la prise de décision politique. Cet effort conjoint peut prendre forme, comme l’a souligné Igor Štiks, avec des syndicats, des organisations sociales, des situations d’interaction économique et culturelle. Cela ouvrirait la voie à une meilleure coopération entre les individus de la région et devrait être organisé au-delà du principe de solidarité, selon le principe de l’internationalisme. Il faut passer du citoyen libéral au citoyen progressiste pour ensuite porter la solidarité à une nouvelle échelle selon le principe internationaliste de coopération entre partis progressistes afin de concevoir une perspective régionale de gauche. Les pays de la région devraient se penser comme des États avec une nouvelle identification des membres de la société. Ils devraient appliquer un modèle d’État basé sur la citoyenneté. Le plus important est de réfléchir au modèle d’État le plus approprié pour ces pays, étant donné qu’aucun d’entre eux ne sera jamais ethniquement homogène. Une autre chose est de savoir quelles relations entre les États seraient les meilleures et les plus appropriées, en particulier quand il s’agit d’interaction économique, où nous devrions passer du libre-échange, en tant que paradigme économique, au commerce équitable.

M.D. : La dimension régionale peut-elle alors être une opportunité ?

I.Š. : Nous devons partir de la conviction que notre destin est régional et balkanique. Les États que nous avons aujourd’hui ont été créés à la suite de l’éclatement de la Yougoslavie. Ce sont des territoires administrés par des soi-disant gouvernements internationalement reconnus qui, dans une certaine mesure, jouent le rôle d’État, sachant qu’ils manquent en réalité de souveraineté dans certains domaines essentiels, comme l’économie, les finances ou la gestion de leurs ressources. Ils représentent une sorte d’administration qui administre la population, afin que celle-ci reste calme et dans le rang de l’économie néolibérale. La formule toute trouvée de l’ethno-nationalisme provoque toujours de grandes passions et rend incapable d’imaginer un autre type de communauté politique qui transcenderait les questions d’identité, de frontières ou d’État. C’est là que la gauche entre en jeu. Nous devons être clairs sur le fait qu’il y a des dynamiques différentes dans cette sphère où, d’une part, nous partageons une langue commune de la Slovénie à la Macédoine et où, d’autre part, nous avons la sphère albanophone qui a elle-même sa propre dynamique hors de la sphère yougoslave. Les peuples des Balkans se comportent comme s’ils étaient très différents les uns des autres. Or, les dynamiques politiques ont des dépendances réciproques, du moins dans l’ancienne sphère serbo-croate où la Yougoslavie n’a pas encore totalement disparu. Mais en Serbie, personne ne sait ce qui se passe en Roumanie, tandis qu’en Croatie, on ignore ce qui se passe en Hongrie. La communication entre l’Albanie et le Kosovo me semble, hélas, également très mauvaise.