Dans ce quatrième article consacré au suivi des débats autour du nouveau pacte sur la migration et l'asile, présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, nous expliquerons les motifs pour lesquels la question des réfugiés et des migrants attire à nouveau l’attention des médias et du monde politique en Europe. Nous reviendrons ensuite sur l’examen par le Parlement européen de quelques-unes des propositions législatives énoncées par la Commission dans le cadre du nouveau pacte. Il s’agit notamment des propositions de règlement sur la gestion de l'asile et de la migration, les situations de crise et les cas de force majeure et la création de l’Agence de l'Union européenne pour l'asile. Enfin, suite à l’analyse des positions des trois partis formant le nouveau gouvernement allemand - voir l’article « À la recherche de négociateurs », publié précédemment sur ce site -, nous nous pencherons sur les objectifs de l'accord de coalition (signé début décembre 2021) en matière de réfugiés et de migrants.
1. Crise aux frontières extérieures de l'UE
Les cas de demandeurs d’asile, de réfugiés ou de migrants violemment refoulés vers un pays voisin, qui les renvoie à son tour vers un autre État, voire vers leur pays d'origine, sont aujourd’hui monnaie courante en Europe. Plusieurs exemples illustrent cet état de fait. Mentionnons tout d’abord la situation en Biélorussie et à sa frontière. Des individus y sont littéralement pris au piège entre des forces militaires et policières déployées par le dictateur biélorusse Loukachenko, d’une part, et par les gouvernements lituanien et polonais de l’autre. Le premier les empêche de remettre un pied sur son territoire, tandis que les seconds leur barrent le passage et les refoulent vers la Biélorussie. Certes, menacer un État voisin de l’« inonder » de réfugiés, utilisés comme monnaie d'échange à des fins politiques ou économiques, est une pratique déjà appliquée par d’autres pays, comme la Libye et la Turquie. Mais c’est la première fois, à notre connaissance, que des réfugiés sont délibérément « importés » par avion depuis leur pays d’origine pour faire du chantage à d’autres pays. Leur retour forcé vers la Biélorussie depuis les frontières polonaise et lituanienne, sans même leur offrir la possibilité de déposer une demande d’asile, constitue de toute façon une violation du droit international et européen. Le rapatriement de milliers de Kurdes irakiens au départ de l’aéroport de Minsk doit encore faire l'objet d'une enquête sous l’angle du « volontariat » des personnes concernées.
Évoquons ensuite les expulsions en chaîne de réfugiés – notamment afghans et syriens - le long de la route des Balkans, de la Slovénie vers la Croatie, puis vers la Bosnie, voire parfois de l’Italie vers la Slovénie. Ces cas ont été décrits et documentés à foison, tout comme les agressions physiques et les conditions inhumaines qui règnent dans les zones frontalières. Ici aussi, des obligations légales incombant à des États, dont certains membres de l’UE, ont été violées, comme l’ont souligné le Conseil de l’Europe et le Parlement européen. En troisième lieu, citons le refoulement vers la Turquie de demandeurs d’asile et de réfugiés, orchestré apparemment par les forces grecques en mer Égée, avec l’aide de l’agence européenne Frontex. Les personnes qui ont réussi à rejoindre les îles grecques sont hébergées dans des conditions très éloignées de celles établies par la législation et la jurisprudence européennes, comme l’a dénoncé le pape François lors de sa visite sur l’île de Lesbos en décembre. Un quatrième cas de figure est illustré par la collaboration que l’Italie, avec le soutien politique et financier de la Commission européenne, continue de maintenir avec la soi-disant garde côtière libyenne. L’objectif déclaré est de permettre aux forces libyennes d’intercepter des bateaux transportant des migrants et des réfugiés en Méditerranée centrale, y compris dans les eaux internationales, et de les ramener dans des centres de détention en Libye. Pourtant, de nombreux témoignages révèlent l’existence de mauvais traitements et de viols collectifs de filles et de femmes dans ces centres. Entre janvier et novembre 2021, environ 40 000 personnes ont été refoulées « par délégation » vers la Libye. Cinquièmement, la situation est également critique aux frontières de l’Espagne : tandis que les migrants sont refoulés à Ceuta et Melilla, deux enclaves espagnoles au Maroc, de plus en plus de réfugiés d’Afrique occidentale sont reçus dans des conditions déplorables aux Canaries. Mentionnons enfin l’augmentation constante du nombre de demandeurs d’asile et de migrants traversant la Manche pour tenter de se rendre au Royaume-Uni. 27 personnes sont d’ailleurs décédées fin novembre dans un naufrage au large de Calais. Cette crise dans la Manche - considérée désormais comme une nouvelle « frontière extérieure » - est source de conflit entre la France et la Grande-Bretagne.
Dans le même temps, le nombre de demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne, en Norvège et en Suisse a connu une hausse impressionnante depuis avril 2021. Rien moins que 71 200 demandes d’asile ont été enregistrées en septembre, un record depuis novembre 2016. Toujours en septembre, le nombre de demandeurs d’asile afghans a augmenté de 350 % par rapport à la moyenne mensuelle du premier trimestre 2021[1]. Leur nombre a dépassé celui des Syriens pour la première fois depuis 2013. Deux tiers de l’ensemble des demandes d’asile dans l’UE (plus la Norvège et la Suisse) ont été déposées en Allemagne, en France et en Espagne. Les arrivées par bateau en Italie se sont élevées à 63 000 entre janvier et novembre 2021, six fois plus qu’en 2019. Seuls 2,2 % des personnes débarquées après une opération de recherche et de sauvetage ont été relocalisées dans d’autres États membres.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la discussion autour du nouveau pacte. L’opposition est claire entre deux types d’États membres. Ceux situés au sud et à l'est de l’UE, d’une part, sont bordés de frontières dites « sensibles », facilement accessibles par voie maritime et terrestre. Les États situés au centre et au nord du territoire européen, d’autre part, ont une peur obsessive des « mouvements secondaires » des demandeurs d’asile et des réfugiés. Ils craignent leurs déplacements d’un pays de première arrivée vers un autre, avec lequel ils auraient des liens familiaux ou culturels privilégiés, ou qui leur offrirait de meilleures chances d’intégration.
2. Les débats au sein du Parlement européen
Le 20 octobre, le rapporteur Tomas Tobé (Suède, PPE) a présenté son projet de rapport sur la proposition de règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration (RGAM), élément central du paquet législatif. Les nombreux amendements au texte de la Commission ne remettent pas en cause la poursuite du « système de Dublin », notamment concernant la responsabilité du premier pays d’arrivée à l’égard des demandeurs d’asile. Bien au contraire, Tomas Tobé tend à faire fi des rares améliorations envisagées par la Commission. Parmi ces dernières, figure l’inclusion des frères et sœurs dans la définition des membres de la famille, de façon à déterminer l’État membre responsable sur la base des relations familiales. Le critère de la possession d'un diplôme par le demandeur d’asile dans un État membre est appelé également à être supprimé. Autrement dit, le projet de rapport veut éliminer toute reconnaissance – même timide - des liens qui pourraient relier un individu à un État membre en particulier. En outre, M. Tobé serait favorable à l’instauration de restrictions à la libre circulation des demandeurs d’asile dans le pays de séjour, afin d’empêcher tout déplacement non autorisé vers d’autres États. Avant le transfert d’une personne vers un État membre, il suggère également d'étendre la période de détention de quatre à douze semaines. Concernant les mineurs, le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, consacré dans la Convention de New York relative aux droits de l'enfant, ne devrait pas s’appliquer dans les cas de retour forcé vers le pays d’origine. Les articles relatifs aux mécanismes de solidarité pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile débarqués après une opération de recherche et de sauvetage devraient aussi être supprimés : d’après M. Tobé, seul l’État membre où a lieu le débarquement devrait les prendre en charge. Dans tous les cas, la relocalisation de demandeurs d’asile dans un autre État membre ne devrait jamais être obligatoire. Mentionnons enfin le seul point positif du projet de rapport : la mention explicite des droits des apatrides.
Il semblerait que le texte proposé par M. Tobé ait été fortement critiqué par différents groupes parlementaires lors de la réunion de la Commission LIBE du 26 octobre[2]. Les amendements soumis par le rapporteur fictif Pietro Bartolo (Italie, Alliance progressiste des socialistes et démocrates) vont d’ailleurs dans une direction opposée. Signés par 12 autres députés européens, dont le président des commissions Juan Fernando López Aguilar, ils s’inspirent en partie du rapport sur la proposition de règlement « Dublin IV » de la Commission, adopté à une large majorité par le Parlement européen en octobre 2017. En substance, M. Bartolo entend supprimer le principe selon lequel la responsabilité incombe au pays de première arrivée. Ce dernier devrait se limiter à enregistrer les demandes de protection internationale et à vérifier l’identité des personnes, leur état de santé, leur état de vulnérabilité et les risques pour leur sécurité. Le mécanisme de solidarité, sous forme de relocalisation, devrait ensuite être mis en œuvre avec le soutien de la future Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA). Les critères pour déterminer l’État responsable devraient être les relations familiales, les diplômes, les qualifications professionnelles et la présence légale de membres de la famille sur le territoire. D’autres liens privilégiés des demandeurs d’asile avec un pays en particulier, notamment sur le plan linguistique, culturel et social, devraient également entrer en ligne de compte. Les individus bénéficiant du parrainage d’une organisation non gouvernementale reconnue dans un pays devraient avoir le droit d’être relocalisés dans ce dernier. Si une personne ne remplit aucun de ces critères (ce qui sera déterminé lors d’un entretien réalisé à son arrivée, également en collaboration avec l’AUEA), l’État membre responsable sera désigné suivant une « clé de répartition ». Celle-ci sera calculée en tenant compte non seulement de son PIB et de la taille de sa population – comme proposé par la Commission -, mais également de son taux de chômage.
Le rapport de Pietro Bartolo vise à supprimer les systèmes de solidarité alternatifs préconisés par la Commission - prise en charge des retours et aide au renforcement des capacités dans le pays d'origine – en rendant la relocalisation obligatoire. Cette dernière serait en effet la seule mesure à même de satisfaire au principe de solidarité consacré dans le traité de Lisbonne.
Il s’avère impossible, au moment de rédiger ces lignes, de prédire l’issue des débats au sein de la Commission LIBE et lors de la séance plénière qui se tiendra ensuite au Parlement européen. Il ne sera guère aisé de trouver un compromis entre des positions si divergentes sur une question appelée à définir l’avenir, non seulement du « système de Dublin », mais surtout de l’ensemble du régime d'asile européen commun.
Des projets de rapport ont aussi été élaborés à l’égard de deux propositions de règlement de la Commission européenne : l’un sur les situations de crise et les cas de force majeure et l’autre sur le filtrage de ressortissants de pays tiers. Le premier vise à remplacer la directive relative à la protection temporaire de 2000, qui n’a jamais été mise en œuvre, même lors de l'afflux massif de réfugiés syriens en Europe en 2015. Selon ce texte, une crise migratoire est déterminée par la présence, dans un ou plusieurs États membres, d’un nombre extraordinaire de migrants et de demandeurs d’asile pouvant rendre impossible le respect de procédures régulières et de délais impartis. La force majeure, en revanche, peut résulter de catastrophes naturelles, d’attentats terroristes, de conflits armés ou de tout autre événement tout aussi imprévisible. Le rapporteur de la Commission LIBE, Juan Fernando López Aguilar (Espagne, Alliance progressiste des socialistes et démocrates) a présenté son projet de rapport le 23 novembre. Il suggère d’introduire des règles communes aux situations de crise migratoire et de force majeure qui, selon lui, ne présentent aucune différence. Un mécanisme de solidarité – sous forme d’une relocalisation rapide dans d’autres États membres - devrait être obligatoire dans les deux cas de figure. Plutôt que d’assurer une « protection immédiate » pendant une année, comme le propose la Commission, M. López Aguilar plaide pour une protection internationale prima facie. Celle-ci rendrait superflus les reports de la procédure d'asile normale. Les personnes fuyant les conséquences du changement climatique devraient également être considérées comme des bénéficiaires. Le projet de rapport préconise de supprimer les propositions de la Commission visant à étendre la période de détention à 20 semaines, à mettre en place des procédures accélérées aux frontières et à appliquer une gestion de crise des retours. En règle générale, ce texte propose également de rejeter la proposition de la Commission tendant à réduire les droits et les garanties procédurales pour les demandeurs d’asile en situation de crise. Il suggère au contraire de renforcer le principe de solidarité entre les États membres dans ce cas de figure.
D’autre part, la rapporteuse Birgit Sippel (Allemagne, Alliance progressiste des socialistes et démocrates) a présenté le 16 novembre son projet de rapport sur la proposition de règlement de la Commission sur le filtrage. Elle y remet en cause l’« interdiction d’entrer » de ressortissants de pays tiers ayant franchi irrégulièrement une frontière extérieure. Il s’agit pour elle d’une fiction juridique, en vertu de laquelle la législation européenne sur la migration et l’asile ne s’appliquerait pas pendant la procédure de filtrage, dont la durée est de cinq jours (pouvant être prolongée jusqu’à dix jours dans certaines circonstances). Mme Sippel insiste au contraire sur le fait que la directive relative à l'accueil des demandeurs d'asile devrait s’appliquer dès qu’une demande de protection internationale est déposée. L’examen de l’état de santé et de l’état de vulnérabilité devrait être obligatoire et ne pas être laissé à la discrétion des États membres, comme le prévoit la Commission. Le règlement ne devrait pas s’appliquer aux individus déjà présents sur le territoire d’un État membre. Le rapport sur le résultat du filtrage devrait être transmis à la personne concernée, qui serait ensuite invitée à le signer. Birgit Sippel salue la mise en place du mécanisme de contrôle indépendant sur le respect des droits fondamentaux pendant la procédure de filtrage et propose d’inclure, en qualité d’observatrices, les ONG œuvrant pour la protection des droits humains.
3. L’Agence de l'UE pour l'asile : une étape de plus vers une approche européenne
La proposition de règlement relatif à la création d’une Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA), remplaçant le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA), est l’un des rares volets du paquet législatif ayant fait l’objet d’un accord politique. En mai 2016, la Commission avait publié une première proposition, sur laquelle un accord partiel avait été conclu en 2017 entre le Parlement et le Conseil. En 2018, la Commission avait modifié sa proposition mais les négociations n’avaient pas abouti. Dans le cadre du nouveau pacte, elle a enfin exhorté les co-législateurs à adopter le texte une fois pour toutes. Après avoir reçu l'approbation du Parlement européen, le règlement a été adopté le 13 décembre par le Conseil « Justice et Affaires intérieures ». Il s’agit de la première proposition législative du nouveau pacte à être définitivement adoptée.
Les préparatifs en vue d’assurer la transition entre le Bureau et la nouvelle Agence ont été abordés dans le détail lors de la réunion du forum consultatif du BEAA qui s’est tenue le 16 novembre. Il est prévu que l’AUEA engage 500 experts supplémentaires, dont des interprètes, afin de renforcer son soutien aux systèmes d'asile nationaux, notamment dans le cadre des procédures de recours judiciaires. L’Agence devra contribuer à harmoniser davantage les pratiques administratives afin de réduire les divergences actuelles sur la question de la reconnaissance de la protection internationale. À cette fin, elle sera chargée d’élaborer des normes opérationnelles, d’établir des lignes directrices et d’adopter des bonnes pratiques. Le suivi des procédures approuvées par les États membres, dont celles relatives au respect des droits fondamentaux, est reporté à 2024. Les actions de renforcement des capacités dans les pays tiers de transit ou de premier asile, effectuées dans le cadre de l'action extérieure de l'Union européenne, devraient être consolidées. De fait, le nouveau pacte accorde une importance particulière à la coopération avec les pays tiers.
Le HCR[3] et le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE)[4], ainsi que d’autres acteurs de la société civile, saluent la création de l’Agence de l'UE pour l'asile. Ils proposent toutefois d’introduire quelques modifications, notamment pour garantir l’indépendance de l’Agence, sa transparence et son obligation de rendre des comptes.
4. Que doit-on attendre du nouveau gouvernement allemand ?
La position de l’Allemagne à l’égard du nouveau pacte pourrait changer suite à l'entrée en fonction du nouveau gouvernement le 9 décembre. Dans l’article précédent consacré au suivi des débats autour du pacte, nous avons analysé les principales propositions électorales des trois partis formant la coalition : les sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les libéraux (FDP). L’accord de coalition, publié début décembre, est bien sûr un compromis. Parmi les actions prévues à l’échelle nationale, sous le titre « Intégration, migrations, déplacements », mentionnons la suppression des « hot spots », c’est-à-dire les points de confinement initial des demandeurs d’asile. En matière de regroupement familial, l'égalité des droits devrait être garantie pour les réfugiés et les bénéficiaires d'une protection subsidiaire. En outre, la détention de mineurs frappés d’un arrêté d'expulsion devrait désormais être interdite. Le retour volontaire et les projets de réintégration seront privilégiés aux dépens du retour forcé des demandeurs d’asile déboutés. Sur le plan européen, l’Allemagne encouragera une « répartition juste et équitable » des responsabilités à l’égard des demandeurs d’asile, ainsi qu’en matière d’accueil et de relocalisation depuis des États membres ayant des frontières extérieures sensibles. L’objectif est d’« améliorer la situation des réfugiés dans ces pays ». La responsabilité des opérations de recherche et de sauvetage en vue de sauver des vies en mer devrait incomber à l’UE, avec la participation de l’agence Frontex. Concernant la relocalisation des demandeurs d’asile secourus suite à ce type d’opération, le « mécanisme de Malte »[5] , un système de répartition volontaire, devrait être étendu à d'autres États membres. L’accord préconise également le renforcement des programmes de réinstallation des réfugiés, en coopération avec le HCR, et l’élargissement des programmes d’admission humanitaire des demandeurs d’asile, à l’image de ceux mis en place par l’Allemagne pour accueillir les réfugiés syriens après 2015. Les visas humanitaires devraient être délivrés en format numérique. Le programme de coalition condamne les refoulements et les rejets arbitraires aux frontières extérieures de l’Union.
Il est probable que le gouvernement allemand souhaite renégocier, au sein du Conseil de l’UE, certains éléments essentiels des propositions législatives du nouveau pacte. Il se rapprochera vraisemblablement des positions des pays méditerranéens. Les activités de plaidoyer de la société civile et des collectivités locales revêtiront une importance particulière au cours des prochains mois.
5. Et maintenant ?
De profonds désaccords peuvent surgir sur des questions fondamentales liées aux migrations et au droit d’asile. D’abord au sein du Conseil, au vu des opinions exprimées par certains États membres[6]. Au Parlement européen, ensuite : il ressort des projets de rapport présentés par les rapporteurs et les rapporteurs fictifs que les groupes parlementaires sont en désaccord non seulement sur des aspects techniques, mais surtout sur l’approche globale des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris les mineurs, et sur la répartition des responsabilités entre les États membres. Enfin, la longue liste d'amendements aux textes de la Commission, une fois officialisés par le Parlement et le Conseil, devra faire l’objet d’un processus laborieux d’harmonisation des différentes positions par les co-législateurs. Il n’est pas inutile de rappeler à ce stade que les propositions législatives annoncées en 2016 par la Commission n’ont jamais été adoptées, même après quatre années de débats.
Il convient d’insister à nouveau sur le fait que la situation géographique des États membres est au cœur de la question, au-delà des orientations politiques, de droite ou de gauche. Les États méditerranéens souhaitent un partage accru des responsabilités. Les pays d’Europe de l’Est s’opposent à la relocalisation des demandeurs d’asile sur leur territoire. Les pays situés au centre et au nord de l’Europe craignent par-dessus tout les « mouvements secondaires ». L’adoption d’une nouvelle législation européenne globale sur les réfugiés et les migrants ne dépendra finalement pas de la capacité de l’Allemagne et de la France (après les élections présidentielles) à appuyer une solution en adéquation avec les traités de l'UE. Il ne s’agit pas seulement de maintenir une politique européenne commune, mais surtout de renforcer la cohésion de l’Union. Autrement, l’apparition d’une « Europe à deux vitesses » deviendrait une réalité avec, d’une part, un groupe d’États membres déterminés à appliquer le principe de la solidarité au sein de l'Union et, de l’autre, des pays qui se désintéresseraient temporairement de la question. Cette opposition de principe peut être illustrée par la décision prise récemment par 15 pays de réinstaller, à l’appel du HCR, 40 000 réfugiés afghans sur leur territoire – dont 25 000 rien qu’en Allemagne. À l’inverse, les 12 États membres restants ont simplement opposé une fin de non-recevoir.
[1] Voir : Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA), Latest Statistics, octobre 2021, disponible sur https://www.easo.europa.eu/ . Les statistiques du BEAA concernent l’UE plus la Norvège et la Suisse (EU+).
[2] Voir : EUObserver, News in Brief, Most lawmakers unhappy with lead MEP´ bill., 27 octobre 2021
[3] Discours de GILLIAN TRIGGS, Haut Commissaire assistante du HCR en charge de la protection, au BEAA à l’occasion de son 10e anniversaire, 14 octobre 2021, disponible sur https://www.unhcr.org/en-us/admin/dipstatements/618255217/address-unhcr-assistant-high-commissioner-protection-gillian-triggs-european.html ; Commentaires du HCR sur la proposition de la Commission européenne en vue d’un règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l'asile (AUEA), disponible sur https://www.refworld.org/pdfid/585cde7a4.pdf/
[4] ECRE Policy Note: Moving on with the EU Asylum Agency, disponible sur https://ecre.org/ecre-policy-note-moving-on-with-the-eu-asylum-agency
[5] Ont participé à la Conférence de Malte en septembre 2019 : la Finlande, en tant qu’État occupant la présidence du Conseil de l’UE, la France, l’Allemagne, l’Italie, Malte et la Commission européenne ; voir : The Mata Declaration on search and rescue, disembarkation and relocation: Much Ado about Nothing, dans EU Immigration and Asylum Law and Policy, mars 2020, disponible sur https://eumigrationlawblog.eu/the-malta-declaration-on-search-rescue-di…
[6] Voir: Conseil de l’Union européenne, Secrétariat général, Document de travail – Towards sustainable solutions the Pact on Migration and Asylum, 7 décembre 2021