La quasi totalité des guerres et conflits armés sont le terrain de violences sexuelles, cela comprend des viols, des exploitations sexuelles et des mariages forcés. Les politiques et les médias s'emparent de plus en plus du sujet et condamnent ces violences, comme le montre actuellement le contexte de guerre en Ukraine. Et pourtant, la représentation qu'ils en donnent est bien trop limitée.
« Il est important de thématiser le continuum des violences sexuelles. Car les violences sexuelles et leurs origines ne sont pas qu'un phénomène de guerre... Pour les concerné×e×s, ces violences représentent une expérience douloureuse, humiliante et destructrice. Bien souvent on aborde leur souffrance pour en faire du sensationnalisme et pour l'instrumentaliser à des fins politiques et médiatiques. »
Les violences sexuelles en temps de guerre sont un fil rouge de l'histoire, elles se déroulent n'importe où et chaque jour dans le monde. Dans son rapport d'avril 2022, le secrétaire général des Nations Unies liste au total 49 acteurs étatiques et non étatiques exerçant des violences sexuelles en temps de guerre.
On compte parmi les coupables des membres de groupes (para-)militaires, policiers et groupes armés mais aussi des civils. 97 % des victimes sont des femmes. Mais les personnes queer, non binaires et transgenres ainsi que les hommes, adultes ou plus jeunes, sont également exposés. Malheureusement, la documentation existante au sujet de ces violences est trop faible pour pouvoir chiffrer leur ampleur.
Les violences sexuelles, en tant qu’ « arme »
Lorsque les politiques et les médias abordent le sujet, ils insistent souvent sur l'aspect stratégique de la guerre. En effet, la violence peut être un élément stratégique fonctionnel. Lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine, par exemple, des milices serbes et serbo-croates ont enfermé dans des camps des femmes et des jeunes filles majoritairement musulmanes, les ont systématiquement violées et les ont volontairement mises enceintes. L'État islamique a également enlevé des Yézidis et les a réduit×e×s à l'esclavage sexuel sous son régime de terreur.
Dans ce contexte, les violences sexuelles se sont avérées organisées et établies en tant qu'arme de de guerre et faisaient partie intégrante de la stratégie de guerre. L'utilisation stratégique des violences sexuelles sert à terroriser le camp adverse, à le démoraliser, à le chasser ainsi qu’à le détruire.
Cependant, il est difficile de prouver l'existence d'un tel système d'un point de vue juridique. Prouver l'instruction d'ordres concrets au sujet des violences sexuelles s’avère souvent complexe. C'est aussi une des raisons pour lesquelles poursuivre les auteurs en justice s'avère si compliqué.
La plupart des violences sexuelles n'ont pas « besoin » d'ordre hiérarchique
Lors de conflits armés, les violences sexuelles et toutes autres formes de violences liées au genre augmentent également en dehors des épisodes de combat. La sécurité publique est limitée et ne peut plus être garantie par la police et l'armée, qui sont elles-mêmes impliquées dans le conflit. En outre, la peur, l'insécurité et les violences de guerre omniprésentes peuvent également croître au sein de la société et dans les cercles familiaux, et ainsi renforcer les dynamiques de violence déjà présentes. Ainsi on dénote clairement une augmentation des violences domestiques, de la traite d'êtres humains et des violences sexuelles en temps de conflits armés, y compris au sein d'une même population. Les actes de violences ne sont néanmoins pas suffisamment poursuivis et condamnés et les centres d'aide pour les femmes victimes de violence doivent fermer.
Afin d'apporter le soutien approprié aux survivant·e×s de violences sexuelles en temps de guerre, le discours public sur la violence sur les femmes pendant les conflits armés ne doit pas se limiter à un aspect stratégique. Une conception si restreinte ne rend pas compte des causes structurelles des violences sexuelles et empêche l'application de contre-mesures efficaces.
La vision du continuum des violences sexuelles est important, car les violences sexuelles et leurs causes ne sont pas qu'un phénomène de guerre. Elles sont profondément enracinées dans notre société patriarcale, dans les discriminations structurelles et les déséquilibres du pouvoir qui régissent les relations entre les deux sexes même en temps de paix.
Un soutien à long terme, au lieu de l’indignation permanente
Pour les concerné×e×s, les violences sexuelles représentent une expérience douloureuse, humiliante et destructrice. Bien souvent on aborde leur souffrance pour en faire du sensationnalisme et l'instrumentaliser à des fins politiques et médiatiques.
C'est ce que nous a montré la guerre de Bosnie-Herzégovine. Ainsi, les viols massifs de femmes et de jeunes filles musulmanes ont suscité l'indignation à l'internationale, mais à court terme. Malgré ce tollé international, aucune femme n'a participé aux accords de Dayton et aucune mention du droit des survivant×e×s n'a été faite dans le traité de paix. À l'inverse, les concerné×e×s se sont retrouvé×e×s seul×e×s face aux séquelles de cette violence. Les victimes ont été stigmatisées et mises à l'écart de la société. Encore aujourd'hui, beaucoup souffrent de séquelles à long terme.
De tels modèles se dessinent également dans d'autres guerres. Il est d'autant plus important de faire attention à ces injustices vécues et d'instaurer un soutien durable pour les survivant×e×s.