Nucléaire : l'impossible "en même temps"

Edito

"Viser les 100 % d’énergies renouvelables donnerait une occasion de relancer le tandem franco-allemand en tant que moteur décisif pour la transition énergétique en Europe".

éoliennes

Il ne peut pas y avoir de politique du « en même temps » en matière énergétique. C’est une des leçons de cette publication, sur la base de recherche et d’interviews d’experts, menées par l’équipe du journal Alternatives Économiques. Il n’est pas possible de maintenir l’énergie nucléaire et de développer sérieusement les énergies renouvelables. Ni le marché européen de l’électricité, de plus en plus dominé par des énergies issues de sources renouvelables, de plus en plus compétitives, ni la situation budgétaire de la France, que la pandémie a aggravée, ni les volumes financiers colossaux qui sont en jeu ne vont le permettre. La France est devant un choix structurel qui l’engagera sur les prochaines décennies.  

Les centrales nucléaires qui assurent les deux tiers de la production d’électricité du pays se montrent vieillissantes et leur prolongation, comme le montre ce dossier, pose des problèmes en termes de risques et de coûts. Faut-il alors réinvestir pour sauver le fleuron industriel (et militaire) français et construire de nouveaux réacteurs – et ce malgré l’échec patent de l’EPR de Flamanville – ou faut-il plutôt investir massivement pour atteindre un mix électrique proche des 100 % d’énergies renouvelables ?

Le voisin allemand a fait le choix dès les années 2000 de développer les énergies renouvelables et de sortir du nucléaire, une décision confirmée en 2011. Depuis, elles produisent plus de 50 % de l’électricité, et la part du charbon – bien qu’encore trop haute - est désormais en forte baisse. L’Allemagne amorce ainsi une double sortie du nucléaire (en 2022) et du charbon (avant 2038). Et une grande partie des bénéfices de cette transition énergétique va dans les poches des citoyens et des collectivités locales, qui possèdent aujourd’hui presque la moitié des capacités installées.   

La France quant à elle n’a, en dépit de plusieurs lois sur le sujet, toujours pas de vision claire de son futur énergétique. Faire le choix du nucléaire renforcerait le clivage profond sur les questions énergétiques entre la France et l’Allemagne. Viser les 100 % d’énergies renouvelables donnerait une occasion de relancer le tandem franco-allemand en tant que moteur décisif pour la transition énergétique en Europe.

Au vu des enjeux que parcourt ce dossier, il n’est désormais plus possible de différer la décision en France. L’heure du choix est venue et avec elle, celle d’ouvrir la discussion. Ce dossier entend ainsi contribuer à un débat rationnel, pragmatique et démocratique, qui au vu des enjeux, est absolument indispensable et ne saurait être confisqué par quelques-uns aux détriment de tous les autres. L’avenir de la politique énergétique d’une démocratie ne peut se passer ni de l’opinion ni de l’implication de ses citoyens.