Pendant des milliers d’années, les hommes se sont tournés vers la mer pour le poisson et le commerce. Pendant des siècles, des guerres ont été menées contre des clans rivaux pour réclamer des droits sur la mer et son exploitation. Ces conflits durent encore à ce jour.
La raison des conflits internationaux actuels se trouve sous la surface. Les différends concernent l’expansion des eaux territoriales et des zones économiques afin de s’assurer les droits exclusifs sur ce que l’on appelle « les ressources marines non vivantes », comme les minerais de valeur et les carburants fossiles enfouis sous les fonds marins. Parler de territorialité des mers : absurde ? Pas tant si l’on regarde où commence la terre et où elle est censée se terminer.
Le socle juridique est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM 1982). Cette convention établit qu’un pays peut revendiquer une zone allant jusqu’à 12 milles nautiques en partant de sa côte comme ses eaux territoriales. De plus, il peut exploiter la zone comprise jusqu’à 200 milles nautiques de la colonne d’eau de ses côtes en tant que zone économique exclusive. Idem pour les premiers 200 milles nautiques du fond marin : la plate-forme continentale. Les ressources qui y sont trouvées peuvent être exploitées par ce seul pays. En outre, si le pays peut prouver scientifiquement que sa plateforme continentale s’étend encore plus loin, qu’elle est continuellement connectée géologiquement au territoire continental, il possède également des droits exclusifs sur les ressources qui s’y trouvent. Ces réclamations territoriales incluent aussi les îles, mais pas les rochers ou autres affleurements.
C’est particulièrement intéressant pour le cas de certaines îles inhabitées comme l’île Heard et les îles McDonald. Grâce à ces îles minuscules, situées à 1 000 kilomètres au nord de l’Antarctique Est, l’Australie s’est assuré une zone d’exploitation géologique de plus de 2,5 millions de mètres carrés, car ces îles reposent sur le Plateau sous-marin Kerguelen, une gigantesque chaîne de montagnes qui s’étend sur plus de 2 000 kilomètres. L’Australie peut désormais en réclamer les droits d’exploitation exclusifs. La Convention pose certaines limites à cela, mais les droits peuvent tout de même s’étendre jusqu’à 350 milles nautiques au large de l’île.
La Convention sur le droit de la mer (CNUDM 1982), considérée comme la « Constitution de l’océan » et prévue pour gérer de façon pacifique les intérêts de tous les Etats, est encore relativement jeune. Son approche des zones de fond de l’océan qui se trouvent totalement en dehors de toute souveraineté ou des droits d’exploitation nationaux, zones simplement appelées « la région » dans le langage des Nations unies, se base à l’heure actuelle sur le concept de « héritage partagé de l’humanité ». Elle est conçue pour garantir que l’environnement est protégé et que les pays en développement puissent également avoir leur part de richesses. Ces mots forts ne se traduisent parfois que par des résultats faibles. Lorsqu’un pays peut légalement étendre sa zone économique exclusive, il réduit l’héritage partagé. C’est ainsi le cas de la Norvège qui s’est vu octroyer une zone économique exclusive de 500 000 kilomètres carrés grâce au fait qu’elle possède l’île Bouvet, un petit îlot totalement couvert de glace et dépourvu d’eau douce situé dans l’Atlantique Sud, à 2 600 kilomètres du Cap de Bonne Espérance. La France a également vu sa superficie marine grandir grâce à de nombreuses dépendances insulaires lointaines dans le but de pouvoir exploiter les trésors dont regorge le sol océanique.
En traitant ces revendications, la Commission des Nations unies sur les limites de la plateforme continentale joue un rôle important. Les Etats y assurent leurs droits sur les réserves des matières premières, matières dont l’existence n’est parfois que partiellement vérifiable - des chances inconnues de futures richesses potentielles. Il n’est pas seulement question de carburants fossiles, de minerais, de métaux et du pouvoir émanant de leur contrôle. Il s’agit également d’intérêts stratégiques mondiaux des Etats qui étendent légalement leurs sphères d’influence. La « région » restant non réclamée se réduit. Elle est déjà passée de plus de 70 % des fonds marins à seulement 43 %. Aussi, 57 % des fonds océaniques ont déjà été morcelés et à mesure que la zone internationale rétrécit, la capacité d'influence internationale décline aussi. Il faut rappeler que cette capacité d'influence est importante pour s’assurer que tous les Etats ont la possibilité de participer et que les ressources sont équitablement partagées.
Ces réglementations sont uniquement liées aux fonds océaniques, mais les masses d’eau qui les surplombent et tout ce qui se passe dans, et dessus, sont aussi soumis à des réglementations légales. Au sein des zones économiques, les lois nationales s’appliquent pour ce qui est de l’exploitation des ressources et de la protection de l’environnement. En outre, la loi sur la Haute Mer (faisant partie du droit international) s’applique. Elle comporte cependant des lacunes : les pirates peuvent ainsi être arrêtés par quiconque les attrape, mais pas les pollueurs, les flottes de pêche illégales, les terroristes, les marchands d’armes, les trafiquants de drogue ou d’êtres humains. Ils ne peuvent être poursuivis que par les pays dont ils sont originaires. Il est souvent bien difficile de savoir quels sont les organismes internationaux responsables. En termes de territorialité, la Haute Mer n’appartient à personne, donc son exploitation appartient à tout le monde. Il est de ce fait compliqué de faire avancer la protection de l’océan par rapport aux problèmes mondiaux; mais ce n’est pas impossible, comme le prouvent les négociations actuelles au niveau européen qui visent à créer des zones protégées dans la Haute Mer.
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