Près de la moitié de la planète est couverte par des zones maritimes situées en dehors des périmètres de juridictions nationales. Ces zones sont parmi les endroits les moins protégés et les moins bien gérés au monde. Compte tenu de l’importance de l’océan pour nos approvisionnements alimentaires, pour la prévention du changement climatique et pour la préservation de la biodiversité, nos actions ne sont pas responsables.
Le changement de nos pratiques est nécessaire et urgent.
Le fait de reconnaître que l’océan et ses ressources font partie du patrimoine commun de l’humanité en tant que ressource mondiale partagée reste un vieux rêve. En 1967, Arvid Pardo, ambassadeur de Malte auprès de l’ONU, et Elisabeth Mann Borgese, ont proposé une gestion de l’océan « pour le bien commun de l’humanité tout entière », en opposition à la soi-disant « doctrine de liberté des mers ».
Le principe juridique de l’océan en tant que « patrimoine commun de l’humanité » est partiellement inscrit dans la Convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer (UNCLOS), car elle s’applique aux fonds marins situés au-delà des limites des juridictions nationales. La Convention sur le droit de la mer est la constitution de l’océan. Elle permet d’établir un système de plusieurs zones océaniques ainsi que des règles régissant les droits d’utilisation et les obligations de protection et de conservation, tout en fournissant aussi un cadre institutionnel.
Néanmoins, la gouvernance de l’océan, sous la forme d’un système de gestion et d’utilisation durable, est insuffisante. Les cadres institutionnels, comprenant divers accords sur le transport maritime, la pêche, la chasse à la baleine, le forage et la protection de l’océan, sont fragmentaires. Il n’y a pas assez d’accords internationaux, et trop peu de consensus et de coopération. En outre, bien souvent, les règles et les objectifs convenus ne sont pas mis en œuvre ou ne sont pas appliqués efficacement. Par exemple, nous sommes encore loin d’atteindre l’objectif de désigner 10 % de l’océan comme zones de protection naturelle d'ici à 2020. Il y existe trop peu de mécanismes de sanction pour pallier le non-respect des accords. Il n’existe pas de stratégies globales de gouvernance intégrée répondant à la complexité de l’écosystème océanique, même si la Convention sur le droit de la mer souligne à juste titre que « les problèmes de l’espace océanique sont étroitement liés et doivent être considérés comme un tout ». Il est urgent de mettre en place des changements pour que la gouvernance internationale de l’océan puisse assurer une gestion de l’océan et de ses ressources qui garantisse sa prospérité, sa productivité et sa sécurité, que cela soit pour les générations actuelles ou futures.
UN NOUVEL ESPOIR – L’ODD 14, UN OBJECTIF DE DURABILITÉ POUR LES OCÉANS
L’Agenda pour le développement durable de 2030, ratifié en 2015 par les Nations unies représente une occasion importante pour l’adoption d’une approche plus globale de la protection de l’océan. La protection et le développement durable de l’océan, des mers et des ressources marines sont abordés dans un objectif propre : l'Objectif de développement durable (ODD) 14. Les sept sous-objectifs de l’ODD 14 visent à prévenir la pollution de l’océan, à protéger l’écosystème océanique, à mettre fin à la surpêche et à lutter contre les effets de l’acidification. La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) doit également être arrêtée. Outre les sous-objectifs de l’ODD 14, les liens croisés avec d’autres objectifs, tels que le travail décent et la croissance économique (ODD 8) ou la consommation et la production responsables (ODD 12), sont importants pour protéger l’océan et ses ressources.
Les suggestions et les mesures concrètes pour atteindre les objectifs de l’ODD 14 n’ont jusqu’à présent pas été suffisantes. Comme pour l’accord sur le climat, les pays devraient signaler les mesures prises pour atteindre l’ODD 14 dans un registre géré de manière centralisée. Cela permettrait d’obtenir une transparence ainsi qu’une vérifiabilité à long terme. En outre, une coopération inter-industrielle et régionale dans le domaine de la préservation de l’océan et des ressources doit être renforcée. L’ODD 14 est un excellent point de départ pour sortir des vieux schémas et développer des stratégies pour une protection plus efficace de l’océan. Des réévaluations régulières des objectifs pourraient renforcer cette cohérence et détecter d’éventuels conflits avec d’autres ODD afin de promouvoir une mise en œuvre intégrée. Mais les objectifs de durabilité pour l’océan manquent encore de mordant. Une première opportunité en juin 2017 lors de la Conférence des Nations unies sur l’océan, a vu le jour, et les participants ont pu s’entendre sur des mesures concrètes pour la mise en œuvre de l’ODD 14. En outre, en octobre 2017, l’UE tiendra la quatrième conférence « Notre Océan » à Malte, suivie par l’Indonésie en 2018 et la Norvège en 2019.
PROTECTION ET USAGE DURABLE DES ZONES DE HAUTE MER
Il manque un cadre complet pour la protection et l’exploitation durable de la biodiversité dans les zones océaniques situées au-delà des juridictions nationales. Un nouvel accord, conclu dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) permettrait de combler les lacunes réglementaires en ce qui concerne la protection et la gestion équitable des ressources génétiques marines, par exemple, ainsi que l’amélioration de la gestion des zones protégées de l’océan. Une conférence internationale initiera le processus de négociation en 2018.
LE FORAGE EN HAUTE-MER
L’exploitation minière en haute mer représente un défi supplémentaire pour la gouvernance de l’océan. Nous sommes toujours dans une phase d’exploration et les fonds marins et les mers profondes n’ont pas été assez étudiés scientifiquement. L’exploitation des ressources dans des zones situées au-delà des juridictions nationales n’a pas encore débuté. On estime que les risques environnementaux posés par l’exploitation minière sont très élevés. Des réglementations environnementales mondiales pour l’exploitation minière en haute mer sont à l’étude. Cela soulève une question éthique fondamentale : l’humanité devrait-elle vraiment se lancer dans des activités d’exploitation minière à haut risque ? À l’heure actuelle, ces ressources ne sont pas indispensables. Les mers profondes devraient être protégées, étudiées et administrées pour le bien commun dans le cadre du patrimoine commun de l’humanité. Refuser les exploitations minières en haute mer montrerait clairement que nous prenons enfin au sérieux la protection de l’océan.
L’océan doit faire l’objet d’accords internationaux efficaces et contraignants. L’ONU et l’UE explorent actuellement de nouvelles approches. La mise en œuvre des ODD peut renforcer la coopération en matière de protection océanique et encourager le développement de nouvelles idées permettant de combler les lacunes observées dans la protection de l’océan.
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