Le littoral français face au changement climatique

Atlas de l'océan

Le littoral français, espace remarquable et vulnérable, est aux premières loges des effets du changement climatique: la montée des eaux pourrait avoir des effets majeurs sur l'érosion des côtes et le risque de submersion. Comment et avec quels outils le littoral peut-il s'adapter à ces enjeux ?

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Etendu sur plus de 7 500 km, le littoral français est un espace à la fois remarquable et vulnérable car il réunit sur une mince bande littorale, entre terre et mer, une biodiversité particulièrement riche et précieuse, et plus de 7,6 millions d’habitants, en métropole et Outre- mer. L’accord de Paris a remis au centre des préoccupations la question du changement climatique et, avec elle, celle de l’élévation du niveau de la mer. Le rapport du climatologue Jean Jouzel « Changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises », publié en 2015, est particulièrement alarmant sur le sujet. En effet, ce rapport souligne que la montée des eaux sera vraisemblablement la cause principale de l’aggravation de l’aléa de submersion et pourra avoir des effets majeurs sur l’érosion côtière dans les prochaines décennies. D’après le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), l’élévation du niveau marin global est estimée à 20 cm depuis la fin du XIXe siècle et de 50 cm à 1 m d'ici à 2100. Si ces données ne constituent que des prévisions dont l’ampleur et le rythme sont à préciser, nul doute que cette élévation se produira dans les prochaines années. La limite entre la terre et la mer, appelée « trait de côte », évolue donc déjà : un quart des côtes françaises reculent chaque année du fait de l’érosion. La mer gagne et gagnera davantage de terrain sur nos littoraux, transformera nos paysages et la biodiversité et ses habitats exceptionnels qui s’y déploient, modifiera nos activités.

Il est urgent de prendre d’ores et déjà cette réalité en considération car, dans le même temps, l’attractivité du littoral est de plus en plus forte. Les communes littorales ont une densité de population 2,5 fois supérieure à la densité moyenne métropolitaine et la croissance de la population littorale ne devrait pas s’essouffler. Selon l’Insee, près de 40 % de la population française devrait s’agglutiner sur ces territoires en 2040. Le littoral connaît donc un dynamisme particulièrement important qui expose d’autant plus ses habitants aux phénomènes d’érosion côtière, de submersion marine et de montée du niveau de la mer. La multiplication d’évènements climatiques tels que la tempête Xynthia de 2010, particulièrement dévastatrice, les tempêtes de fin 2013 et début 2014 et tout récemment encore l'ouragan Irma ont conduit chacun à prendre conscience de cette situation et de la nécessité d’anticiper le risque plutôt que de le gérer dans l’urgence.

Pour faire face à ces évènements climatiques, l’Europe et la France se sont dotées d’un important arsenal législatif: stratégie nationale, évaluations préliminaires, plans de gestion, stratégies locales, plans d’action et de prévention, définition de la compétence de Gestion des Milieux Aquatiques et de Prévention des Inondations (GEMAPI). En France, une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral a été adoptée en 2012, accompagnée d’un plan d’action sur trois ans. Pour assurer le suivi de cette stratégie, un comité a été mis en place et « 40 mesures pour l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte » ont été formulées en octobre 2015. Les territoires ont besoin d’outils d’intervention capables de prendre en compte la temporalité très spécifique du risque lié à l’érosion et à l’élévation du niveau de la mer. Continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver la qualité de la biodiversité et des paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités, implique aussi de vivre différemment et de s’adapter très rapidement au phénomène de recul du trait de côte. Il est nécessaire de le prévenir et de le réduire, notamment en préservant les espaces naturels de façon à permettre aux écosystèmes côtiers de s’ajuster naturellement aux nouvelles conditions climatiques.

Aujourd’hui, l’outil de référence qui permet de résister à la fois aux assauts de l’érosion et des submersions marines et à ceux de l’urbanisation, c’est la loi « Littoral », adoptée en 1986. Cette loi est en effet le premier outil d'aménagement durable des territoires littoraux et des grands lacs. Sans aucunement porter atteinte au développement des communes littorales (lesquelles accueillent 10 % de la population française sur 4 % du territoire national, auxquels s'ajoutent 7 millions de lits touristiques et connaissent un rythme de construction trois fois plus élevé que la moyenne nationale), la loi « Littoral » assure la protection des sites remarquables, des espaces proches du rivage, de la bande naturelle inconstructible des 100 mètres, prescrit l'aménagement en profondeur ou en prolongation des villes et villages existants. Elle ne néglige pas l'aspect social du développement durable avec la création du sentier du littoral, aujourd'hui long de plus de 5 000 kilomètres et garantit l’accès gratuit du public aux plages et leur non-accaparement par des établissements payants. Surtout, elle assure les possibilités de développement à l’agriculture littorale et aux activités économiques qui exigent la proximité immédiate de la mer comme l'ostréiculture.

Complétée par l'action du Conservatoire du littoral et des départements, la loi « Littoral » recueille 91 % de soutien de l'opinion (IFOP, 2014) qui demande sa pleine application. L'application de cette loi n'a pas été sans difficultés : il a fallu beaucoup de dialogue, de vigilance et nombre de décisions de justice. Sur le terrain, l'administration de l'Etat s'est efforcée de clarifier les règles de l'aménagement en explicitant les règles et la jurisprudence. Évidemment, bien des intérêts sont remis en cause par cette loi, notamment les intérêts de ceux qui prétendent accaparer le littoral à des fins privatives ; mais la beauté des côtes françaises, leur attractivité en font un atout majeur de nos régions, un bien commun qu’il s’agit de gérer comme tel tout en ménageant les droits des communes à un développement durable.

 

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