Le chauffage, le refroidissement et le transport consomment d’énormes quantités de carburants fossiles. Passer aux énergies renouvelables dans tous ces secteurs est donc un défi, mais c’est aussi une opportunité. Le couplage des secteurs répond notamment à la problématique de la variabilité.
Les dix dernières années ont vu un remarquable essor de l’électricité renouvelable. Sa parta crû en moyenne de 5,5 % par an entre 2005 et 2015, soit 71 % en 10 ans. En 2016, quasiment 90 % de la capacité électrique installée avait pour sources énergies renouvelables, provenant éolienne et solaire. Le pétrole, charbon et gaz dominent néanmoins toujours les secteurs du transport, du chauffage et du refroidissement ; les efforts visant à développer les énergies renouvelables y ont connu un succès limité. Pour que l’UE atteigne son objectif – à savoir une réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 – des progrès beaucoup bien plus significatifs sont indispensables.
Malgré la considérable croissance de la production d’énergies renouvelables, le rendement des centrales électriques conventionnelles demeure pratiquement inchangé. Celles-ci fonctionnent comme des unités de production de base, elles dominent toujours le mix énergétique dans la majorité des Etats membres. Cette situation pose un sérieux défi à l’heure où l’Europe aspire à évoluer vers un système presque exclusivement basé sur les énergies renouvelables. La plupart des centrales électriques conventionnelles pêchent au niveau de la flexibilité, n’ayant pas été conçues pour être rapidement mises hors tension. Parallèlement, le solaire et l’éolien produisent une quantité d’énergie variable, étant donné qu’ils sont soumis aux caprices de la météo et que les panneaux solaires sont improductifs la nuit. En raison de la part croissante de l’énergie issue de ces sources, la flexibilité dans le reste du système énergétique a pris de plus en plus de place. La réactivité rapide face aux fluctuations de l’offre et de la demande, afin de maintenir un réseau stable, est primordiale.
Le « couplage sectoriel » répond à ces enjeux en permettant de relier le secteur de l’électricité à ceux des transports, chauffage et refroidissement. Les interconnexions permettraient d’utiliser l’électricité excédentaire pour chauffer les maisons, stocker la chaleur dans les réseaux de chauffage urbain, refroidir les procédés industriels et charger les batteries des véhicules électriques, aidant ainsi à remplacer le charbon et le gaz et à réduire les émissions. L’électrification de 80 % des véhicules à l’orée 2050 permettrait de réduire les émissions de 255 Mt supplémentaires. De telles démarches limiteraient également les frais de maintenance des centrales conventionnelles vieillissantes et les coûts liés à de nouvelles constructions. Pour que le couplage sectoriel soit commercialement viable, les prix de l’électricité pour le consommateur doivent refléter la réalité de l’offre et de la demande. Les prix de l’électricité doivent rester bas lorsque la production est excédentaire et plus élevés en période de pénurie. Ce n’est toutefois souvent pas le cas. De nos jours, les ménages paient en général les mêmes sommes pour leur électricité, qu’importe que les évolutions de la demande ou de la production. En cas de surproduction, les prix de l’électricité sur le marché de gros chutent. Le plus sensé serait alors de fermer certaines centrales électriques ; les grandes centrales nucléaires ou fonctionnant au charbon ne sont cependant pas conçues pour cesser rapidement leur production.
Une approche plus « intégrée » de ces problématiques et des secteurs énergétiques semble toutefois se dessiner. Dans le transport, les excédents électriques pourraient être emmagasinés dans les batteries de véhicules électriques, réduisant ainsi les besoins en carburant classique. Le couplage chauffage/refroidissement avec le secteur électrique se manifeste de deux façons : l’électrification du chauffage, et des innovations technologiques. Dans la plupart des régions du monde, les habitations individuelles sont chauffées au charbon, au gaz ou par le biais de combustibles de médiocre qualité. L’électrification est une alternative, surtout lorsque l’accès au gaz est restreint et que la construction d’un réseau de chauffage n’est pas rentable. Quant aux nouvelles technologies, citons par exemple le power-to-heat, système hybride qui permet d’utiliser l’électricité couplée aux méthodes traditionnelles de chauffage, en fonction de la production électrique. L’utilisation de ces techniques pour chauffer les habitats est une approche qui commence à faire son chemin dans les pays ensoleillés et venteux.
Le couplage sectoriel est une étape indispensable sur la voie d’un mix 100 % renouvelables. La flexibilité du système, au même titre que la sécurité énergétique, s’en trouveront renforcées. Enfin, ce couplage évitera la construction de nouvelles centrales et permettra la fermeture progressive des plus anciennes et plus polluantes.