La France et le nucléaire : l'heure des choix

Atlas de l'énergie

La France a longtemps compté sur le nucléaire. Renoncer à sa dépendance et franchir le pas des énergies renouvelables s’avère difficile.

Flux énergétiques en France
Teaser Image Caption
Flux énergétiques en France

Réputée pour son attachement aux réacteurs nucléaires qui génèrent jusqu’à 75 % de l’électricité consommée sur le territoire, la France a néanmoins récemment adopté un virage sur les questions des énergies renouvelables. Un débat national sur la transition énergétique, organisé par le gouvernement, s’est d’ailleurs tenu entre novembre 2012 et juillet 2013. Tous les intervenants étaient priés de s’interroger et réfléchir à un avenir postnucléaire et pauvre en émissions de CO2.

Le pays a adopté son premier projet de loi sur la transition énergétique en 2015. Les objectifs s’y avèrent ambitieux sur le long terme, prévoyant des réductions de 75 % des émissions de gaz à effet de serre (par rapport aux niveaux de 1990), une réduction de moitié de la consommation d’énergie d’ici 2050, une proportion espérée de 32 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale et de 40 % dans la production d’électricité d’ici 2030.

Un tel engagement national en faveur des énergies renouvelables n’est pas chose nouvelle. La France avait déjà massivement investi dans l’hydroélectricité dans les années 1940. Ce sont les chocs pétroliers des années 1970 qui ont modifié le cap et ont conduit le pays à développer l’un des plus grands parcs nucléaires au monde, comprenant 58 réacteurs en mesure de produire 63 gigawatts (GW). L’hydroélectricité est actuellement première pourvoyeuse d’énergie renouvelable avec une capacité de production totale de 25 GW. Le stockage par pompage lui octroie la flexibilité nécessaire pour faire face aux pics de consommation hivernaux ; un tiers des bâtiments est chauffé à l’électricité. La biomasse, principalement le bois, joue un rôle important dans le secteur du chauffage, couvrant plus de 40 % de la consommation totale d’énergie renouvelable.

La France tend à atteindre les 23 % desdites énergies dans sa consommation finale brute d’ici 2020. Toutefois, et malgré de récents progrès, les efforts devront être intensifiés dans l’optique d’une concrétisation des objectifs. Un plan énergétique s’étalant sur plusieurs années a été adopté en 2016, celui-ci prévoit plusieurs étapes intermédiaires dans sa mise en pratique, notamment une augmentation de 70 % de la capacité de production générale et de 36 % de la production de chaleur.

L’Hexagone possède un des plus hauts potentiels européens en énergie renouvelable. En 2016, l’Ademe, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, a publié une étude démontrant qu’un système électrique 100 % renouvelable et abordable serait possible d’ici à 2050. En 2017, négaWatt, une association de spécialistes de l’énergie a exposé un scénario sur le long terme présentant les modalités à suivre pour que le pays puisse profiter d’un système énergétique à 100 % renouvelable, universellement neutre en émission de carbone, y compris dans les transports, à l’horizon 2050.

Solaire et éolien sont les secteurs connaissant la croissance la plus dynamique ces dernières années. Entre 2010 et 2016, la capacité éolienne terrestre a doublé pour finalement atteindre 12 GW ; l’objectif affiché est la barre des 22–26 GW d’ici à 2023. La production d’énergie solaire a quant à elle été multipliée par huit dans le même laps de temps, tout en partant de bien plus loin. Fin 2016, le solaire a produit en France près de 7 GW ; l’objectif fixé pour 2023 est de 18 à 20 GW. Les coûts de production ont grandement chuté ces dernières années : de presque 90 % en 10 ans pour le photovoltaïque !

Les problèmes de réglementation ont cependant entravé le déploiement de l’énergie renouvelable. Des tarifs de subventionnement ont été mis en place au début des années 2000, ils ont toutefois souffert de nombreux va-et-vient politiques, tandis que des obstacles administratifs retardaient la délivrance de permis et les connexions au réseau. À l’instar d’autres pays européens, la France a depuis 2014 évolué vers des dispositifs d’aides davantage orientés vers le marché. Ceux-ci comprennent des primes et des appels d’offres compétitifs (plus particulièrement pour l’énergie solaire, la biomasse et l’éolien offshore).

La concurrence farouche avec l’énergie nucléaire est un obstacle majeur. En 2017, la majeure partie des réacteurs nucléaires de l’Hexagone aura une moyenne d’âge de 32 ans, sur une durée de vie initialement fixée à 40. Cette limite sera donc prochainement atteinte. Électricité de France (EDF), opérateur sous contrôle gouvernemental, prévoit cependant de prolonger la période d’exploitation des centrales à 60 ans, de manière à profiter au maximum des très faibles coûts de production de celles-ci. Cette décision ne prend pas en compte les incertitudes sur la faisabilité technique et économique d’une telle entreprise. Le coût de la rénovation des réacteurs a été estimé à 55 milliards d’euros ; cet argent proviendrait de fonds publics et pourrait plus durablement être investi dans les énergies renouvelables.

France - une croissance tardive

Faire passer la production d’énergie nucléaire de 75 à 50 % est l’objectif le plus débattu du plan énergétique et l’échéance de 2025 a déjà été repoussée par le gouvernement. Si la consommation d’électricité devait rester stable, prolonger la durée de vie des réacteurs serait inutile. A contrario, maintenir le nucléaire tout en accélérant le déploiement des énergies renouvelables pourrait entraîner une surproduction et une baisse conséquente des prix de gros de l’électricité.