La Politique Agricole Commune a deux « piliers ». Le premier, qui consiste essentiellement en des paiements directs aux agriculteurs, a fait l’objet de nombreuses réserves. Le deuxième, qui soutient la politique de développement rural, intervient de manière plus ciblée. Mais, à mesure que le budget de l’agriculture se réduit, c’est le deuxième pilier qui subit les plus fortes baisses.
La Politique Agricole Commune (PAC) ne concerne pas uniquement l’agriculture. Son deuxième pilier vise à promouvoir les « bonnes pratiques », telles que la coopération entre producteurs ou des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et du bien-être animal. Le deuxième pilier peut être considéré comme le volet social et environnemental de la politique agricole de l’Union européenne (UE), contre un premier pilier économique. Il doit être cofinancé par les États membres, contrairement au premier pilier dont la totalité des subventions provient directement du budget européen. Moins du quart du budget total de la PAC (409 milliards d’euros sur la période 2014-2020), soit environ 100 milliards, ont été affectés au deuxième pilier. L’efficacité de ces fonds dans la promotion du développement rural durable dépend des programmes que les gouvernements nationaux choisissent de soutenir et de la part de leur budget de la PAC qu’ils y consacrent. L’Autriche consacre 44 % de son budget de la PAC au deuxième pilier, tandis que la France n’y alloue que 17 %. On peut en déduire que le deuxième pilier a des résultats mitigés selon les pays.
Le deuxième pilier est actuellement supposé poursuivre trois objectifs : la compétitivité, la durabilité et l’action climatique, ainsi que le développement équilibré au niveau régional. Ces priorités globales se traduisent en six domaines prioritaires : transfert de connaissances et innovation ; viabilité et compétitivité des exploitations agricoles ; organisation de la chaîne alimentaire, bien-être animal et gestion des risques ; conservation des écosystèmes ; préservation du climat et résilience de l’agriculture et de la foresterie ; et développement économique des zones rurales.
Un cinquième de la population européenne vit en zones rurales. Celles-ci sont très diverses, de sorte que l’approche flexible du deuxième pilier est judicieuse pour élaborer des programmes adaptés aux besoins locaux. Cela permet aux gouvernements nationaux et régionaux de choisir parmi un large éventail d’options. On peut citer par exemple l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, un soutien à la plantation d’arbres pour l’agroforesterie, un soutien à la coopération ou au transfert de connaissances entre agriculteurs, ou encore une aide à l’assurance récolte. Les mesures les plus fréquentes sont l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (conditions climatiques difficiles, pentes abruptes, qualité des sols), les aides à l’investissement, ainsi que les mesures agro-environnementales et climatiques. Certaines mesures du deuxième pilier ne sont quant à elles pas directement liées au secteur agricole. Il en va ainsi des aides aux zones forestières et des investissements en service de base ou de rénovation des villages (haut débit, infrastructures touristiques, etc.). Les mesures choisies doivent répondre à au moins un des objectifs principaux. De plus, au moins 30 % du deuxième pilier doit être consacré à des objectifs environnementaux et climatiques.
Chaque pays choisit une approche différente. L’Irlande, par exemple, soutient l’agriculture biologique car elle contribue à la protection de la biodiversité, à la diminution de la pollution de l’eau et des sols, etc. La Lituanie, avec plus de 40 % de ruraux mais une population paysanne vieillissante, encourage la modernisation et le soutien économique des petites et moyennes fermes qui ont du mal à être compétitives sur le marché européen. Elle encourage également la création d’emplois en milieu rural et le développement économique. Aux Pays-Bas, seulement 0,6 % de la population totale est classée comme rurale. Les financements se concentrent donc d’avantage sur la stimulation de l’innovation et la durabilité environnementale de l’industrie agricole intensive, spécialisée et axée sur l’exportation.
Malgré les différences entre les pays, l’Europe partage certaines tendances et défis majeurs. Les zones rurales se vident et les personnes qui y demeurent tendent à être plus âgées. Les jeunes agriculteurs sont rares ; les potentiels futurs installés peinent à acquérir des terres. Les petites et moyennes fermes sont en train de disparaître à mesure que d’autres s’agrandissent. Les services numériques y sont peu développés. C’est à ces défis que le deuxième pilier de la PAC doit répondre.
À l’été 2018, la Commission européenne a proposé que le budget du deuxième pilier soit réduit d’environ 27 %. De plus, la Commission souhaite que les Etats membres apportent plus de contributions financières nationales pour pouvoir bénéficier du FEADER ; autrement dit, elle veut augmenter la part de cofinancement des États membres. Pourtant, certains États membres ont déjà du mal à utiliser tous les crédits du deuxième pilier qui leur sont alloués, faute de disponibilité financière au niveau national. Cela aurait donc pour effet de priver encore davantage les zones rurales les plus pauvres d’un apport budgétaire de l’UE. Une telle réforme maintiendrait la dynamique actuelle, en préservant les paiements directs aux agriculteurs, tout en diminuant globalement les financements au secteur agricole. Cette proposition n’est pas vu du bon œil par les partisans d’une PAC adaptée aux besoins locaux et accordant de l’importance aux objectifs d’intérêt général. Si l’Europe souhaite résoudre les nombreux problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels sont confrontées les zones rurales, le deuxième pilier doit être protégé.