Phosphorer pour moins de chimie

Atlas de la PAC

La PAC manque d’instruments pour limiter l’usage d’intrants chimiques de synthèse dans l’agriculture. En conséquence, les quantités de pesticides utilisées restent constantes depuis des années. Pourtant, la PAC représente un levier potentiel d’action majeur pour inciter à la diminution, voire à l’absence totale de pesticides.

 

De grandes quantités de produits chimiques sont utilisées chaque année par l’agriculture européenne. Aucune donnée précise n’est collectée par l’UE à ce sujet. Il est fait mention d’environ 391 000 tonnes de matières actives pour l’année 2015, mais ces données incluent également le dioxyde de carbone - qui est utilisé pour protéger les stocks – et les ventes hors secteur agricole, par exemple pour la sylviculture. Les données les plus récentes ne sont pas non plus disponibles à l’échelle de l’Union.  Les principales catégories vendues sont : les fongicides (contre les champignons), suivis par les herbicides, qui sont utilisés contre les « mauvaises herbes ». Ensemble, ces deux groupes représentent plus de 80 % des ventes dans la plupart des pays de l’UE. Enfin viennent les insecticides qui luttent contre les insectes nuisibles aux plantes, aux différents stades de leur développement. 

 

Les ventes de pesticides sont proportionnelles au nombre de fermes. Les produits les plus consommés luttent contre les champignons et les mauvaises herbes

Les ventes de pesticides sont restées relativement constantes dans de nombreux pays de l’UE au cours des quinze dernières années. Les valeurs extrêmes se situent en Pologne et au Danemark. En Pologne, les ventes de pesticides ont triplé depuis son adhésion à l’UE. Au Danemark, les ventes ont diminué de moitié entre 2013 et 2015 à la suite d’un ajustement de la taxe sur les pesticides. Toutefois, la portée de ces chiffres est limitée. En Grande-Bretagne, par exemple, la consommation de pesticides a presque diminué de 50 % au cours des dernières décennies. Cependant, la superficie traitée a doublé alors que la superficie agricole reste la même et l’utilisation de pesticides hautement toxiques a été démultipliée depuis 2007. 

 

Les conditions météorologiques entraînent des fluctuations à court terme de la demande en pesticides. Mais il n’y a aucune tendance de fond quant à leur baisse

La plupart des zones traitées le sont par des herbicides. Presque toutes les fermes en agriculture dite conventionnelle les utilisent au moins une fois par an. Les dépenses les plus importantes par unité de surface sont en revanche à attribuer aux fongicides en arboriculture et en horticulture. Dans celles-ci, une zone peut être pulvérisée plus de trente fois par an. Les effets de l’utilisation intensive des pesticides sont multiples. La surveillance des résidus dans les aliments et la purification des eaux souterraines pour le traitement de l’eau potable entraînent des coûts élevés pour le grand public. Des concentrations trop élevées de pesticides sont mesurables dans de nombreuses eaux et certaines espèces sensibles sont en train de disparaître. L’utilisation généralisée d’herbicides décime les « mauvaises herbes » et détruit ainsi les habitats et la nourriture des insectes comme des oiseaux. Le contrôle biologique des parasites par des insectes auxiliaires est également menacé. Toutefois, l’UE a récemment restreint sévèrement l’utilisation de trois insecticides. Ils sont soupçonnés d’être particulièrement nuisibles pour les abeilles et responsables de la disparition de nombreuses populations d’insectes. 

L’usage de pesticides est aussi symptomatique d’un modèle agricole qui cause d’autres dommages écologiques. Par exemple, il est lié aux monocultures ou à l’agrandissement de la taille des parcelles, réduisant la diversité des cultures présente sur un territoire donné. Dans la dernière réforme de la PAC en vigueur depuis 2015, l’UE a introduit un paiement vert, les fermes de plus de dix hectares de terres arables doivent être cultivées avec au moins deux types de cultures différentes et au moins trois à partir de 30 hectares. Toutefois, l’Agence fédérale allemande pour l’environnement considère que cette mesure est inefficace, car les critères de mise en œuvre de cette mesure en ont totalement dilué la portée. D’une part, une même culture peut encore être cultivé sur jusqu’à 75% d’une ferme. D’autre part, des plantes aussi similaires que le blé tendre et le blé dur sont considérées comme répondant à cette obligation de diversité.

Dans la PAC actuelle, il n’existe aucune mesure visant à réduire de manière significative l’utilisation des pesticides. Toujours depuis 2015, dans le cadre du paiement vert, les fermes de plus de 15 hectares doivent consacrer 5 % de leur superficie à des surfaces d’intérêt écologiques. Or la plupart des fermes ont déclaré cultiver des plantes fixatrices d’azote ou des cultures dérobées (implantées entre deux cultures principales), considérées comme répondant à cette exigence. Or ce n’est qu’à partir de 2018 qu’il a été interdit d’épandre des pesticides sur ces surfaces dites d’intérêt écologique!

L’utilisation de pesticides ne diminuera que si les exploitations agricoles modifient leurs systèmes de culture. Cela passe par exemple par la diversification des cultures ou encore la restauration des habitats naturels de la faune auxiliaire (c’est-à-dire les animaux naturellement prédateurs des nuisibles). Mais pour mettre en place des mesures incitant à la réduction, il faut d’abord définir des échéances et des objectifs clairs, ce dont l’UE n’est aujourd’hui pas dotée.