Une alimentation saine dans un environnement sain

Atlas de la PAC

Nombre d’Européens déclarent vouloir consommer des aliments sains, c’est-à-dire bons pour leur santé, pour celle des paysans qui les produisent, respectueuses de celle des animaux d’élevage et écologiques. En parallèle, les Européens ingurgitent d’énormes quantités de sucre, d’amidon et de matières grasses, produits à bon marché avec peu d’attention pour la santé, au bien-être animal ou à l’environnement.

Les Européens se soucient beaucoup de leur santé. Selon l’enquête Eurobaromètre de 2018, c’est la deuxième préoccupation la plus importante pour leurs pays (après le chômage). Dans une enquête distincte, les répondants ont déclaré que la principale priorité de la Politique Agricole Commune (PAC) devrait être de privilégier des aliments sûrs, sains et de bonne qualité.

En particulier dans les pays voisins de la Méditerranée, le souci de la santé est loin derrière la peur du chômage

L’agriculture et la santé sont intimement liées. L’agriculture produit de la nourriture, un besoin humain fondamental, mais le système agricole actuel a aussi de nombreux effets négatifs. L’un d’eux est la sur-utilisation d’antibiotiques : plus de 7 700 tonnes sont utilisées dans le monde chaque année pour les animaux qui se retrouvent dans nos assiettes. C’est presque le double de la quantité utilisée pour traiter les humains. La persistance d’un niveau élevé d’antibiotiques dans la production animale et leur utilisation inappropriée en médecine humaine constituent la cause principale de résistance aux antimicrobiens. En 2050, 390 000 personnes pourraient mourir chaque année en Europe en raison de la résistance aux médicaments.


L’agriculture contribue également significativement à la pollution atmosphérique. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, plus de 90 % des émissions d’ammoniac en Europe proviennent de l’agriculture, endommageant l’environnement et contribuant à la formation de particules en suspension dans l’air, nuisibles à la santé humaine. La majeure partie de l’ammoniac provient du fumier animal et des engrais azotés inorganiques. Bien que les émissions d’ammoniac dans l’Union européenne ont baissé de 23 % entre 1990 et 2016, elles demeurent encore importantes.


Les niveaux de résidus de pesticides, de bactéries ou de champignons dans la nourriture sont règlementés par des normes de sécurité sanitaire. Des tests réguliers effectués par l’Autorité européenne de sécurité des aliments montrent que les résidus de pesticides ne constituent pas une menace immédiate pour la santé des consommateurs. Parallèlement, les effets des expositions persistantes à faible dose, en particulier sur les hormones, suscitent des inquiétudes. Les conséquences liées à la santé - y compris celles concernant les pesticides - figurent parmi les principales raisons pour lesquelles les consommateurs choisissent d’acheter des aliments biologiques.


Un des sujets les plus controversés reste néanmoins la relation entre la production agricole et les régimes alimentaires. Une mauvaise santé est souvent liée à la consommation alimentaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de la moitié des Européens sont en surpoids et près du quart sont obèses. La World Obesity Federation (Fédération mondiale de l’obésité) prédit que, sans politique efficace, le surpoids et l’obésité chez les enfants augmenteront encore dans de nombreux pays de l’UE. La charge financière est considérable. Une étude menée en 2016 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montre qu’environ 10 % du PIB de l’UE est consacré aux soins de santé. Jusqu’à 80 % de ces dépenses sont consacrées au traitement des maladies non transmissibles, beaucoup étant la conséquence d’habitudes alimentaires malsaines et à la consommation d’alcool. Pourtant, il existe un manque surprenant de consensus scientifique sur la manière dont la politique agricole façonne les modèles de consommation.

Publicité pour le vin, culture du tabac, plus de viande, sucre moins cher, la santé est la grande oubliée des financements de la PAC


La nouvelle Politique Agricole Commune, qui entrera en vigueur en 2021, pourrait pour la première fois inclure la santé comme objectif, vingt-cinq ans après que les États membres ont introduit l’obligation de respecter un niveau élevé de protection de la santé dans toutes les politiques de l’UE. Néanmoins, cet objectif se révèle une tâche ardue pour les décideurs politiques. Les acteurs de la santé doivent être impliqués dans la conception et la mise en œuvre des politiques agricoles afin de garantir que ces mesures améliorent effectivement la santé publique.


La santé publique est intimement liée à d’autres valeurs sociétales, notamment l’environnement, le bien-être animal et la justice sociale. Un meilleur bien-être animal conduit à des animaux en meilleure santé et à un moindre besoin d’antibiotiques. De meilleurs revenus pour les paysans réduisent le risque d’exclusion sociale, améliorent le tissu socio-économique des zones rurales et donc l’accès de ces populations aux soins.  Tout est lié. Une nourriture saine est aussi souvent de meilleure qualité gustative. La montée en gamme de la qualité de la production agricole est souvent synonyme de meilleurs revenus pour les paysans. La diminution de l’usage des pesticides est favorable à la santé des producteurs comme des consommateurs, mais également aux pollinisateurs, essentiels à la sécurité alimentaire. Se tourner vers un élevage à l’herbe (pour les ruminants) libère du foncier agricole pour des productions déficitaires, telles que les légumineuses et les légumes, et diminue le volume total de viande produite, dont les consommateurs européens mangent en excès pour leur santé.


La Politique Agricole Commune, qui devrait distribuer 365 milliards d’euros au cours des sept prochaines années, peut soutenir de telles évolutions, à condition qu’elle intègre pleinement l’alimentation et la santé dans ses considérations et dans ses objectifs. Pour évoluer vers une agriculture saine, les paysans européens doivent être soutenus par une demande accrue en produits locaux, de saison et produits dans le respect de l’environnement comme du bien-être animal.