La loi sur les énergies renouvelables (EEG) allemande a 20 ans. Votée en 2000, elle a permis un développement rapide des énergies renouvelables et lancé une forte dynamique dans le secteur.
« Permettre un développement durable de l'approvisionnement en énergie dans l'intérêt de la protection du climat et de l'environnement et d'augmenter sensiblement la contribution des énergies renouvelables à l'approvisionnement en électricité afin de doubler au moins la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie d'ici 2010, conformément aux objectifs de l'Union européenne et de la République fédérale d'Allemagne ». Tel était l’objectif fixé par la « EEG » (loi sur les énergies renouvelables), qui a tout juste fêté les 20 ans de son entrée en vigueur, le 1er avril 2020.
Objectif atteint, sans aucun doute : les énergies renouvelables représentaient 6,89 % de la production électrique en 2000, et cette part a désormais atteint 46,1 % en 2019, et même 53,9 % sur les premiers mois de l’année 2020.
Cette loi, votée sous le gouvernement de coalition des sociaux-démocrates et des Verts dirigé par Gerhard Schröder, est d’abord belle réussite parlementaire qui atteste de la force du Bundestag dans la vie politique allemande. Elle fut en effet portée par un quatuor de députés (Hans-Josef Fell et Michaele Hustedt pour Les Verts, Herman Scheer et Dietmar Schütz pour les sociaux-démocrates) et soutenue par le Ministre de l’Environnement Jürgen Trittin (Bündnis 90/Die Grünen) qui réussirent à faire voter cette loi en dépit des réticences du Ministère fédéral de l’économie et des finances.
Un cadre clair et durable qui encourage les investissements
Si la loi EEG a permis un tel essor des énergies renouvelables, c’est d’abord parce qu’elle a permis de donner un cadre stable qui a permis de sécuriser les investissements, en offrant aux producteurs d’énergies renouvelables une rémunération fixe et garantie sur 20 ans et en donnant la priorité sur le réseau à ces énergies renouvelables. Si ces rémunérations prennent, selon la taille du projet et avec les réformes successives, des formes différentes et des conditions d’attribution différentes (tarifs de rachats ou compléments de rémunération), elles demeurent conformes au principe initial de la loi de stabilité sur 20 ans.
C’est notamment ce que souligne journaliste et expert pour la transition énérgetique, Vincent Boulanger : « La loi EEG a donc produit les effets qui étaient attendus d’elle à sa création. Elle a permis le développement de technologies qui sont aujourd’hui en mesure de produire assez d’électricité pour remplacer progressivement les centrales conventionnelles, à commencer par les centrales nucléaires. En outre, elle a donné lieu à l’émergence de filières industrielles qui ont réussi à diminuer leurs coûts de production pour rendre ces nouvelles énergies compétitives. Ceci a en grande partie été possible grâce aux économies d’échelle qu’autorisait le marché intérieur des énergies renouvelables, soutenu de façon continue par les différents gouvernements allemands. Une continuité de l’action politique en faveur des énergies renouvelables que la France n’a pas connue pendant la même période. »
Une révolution industrielle et démocratique
La loi EEG a ainsi lancé une très forte dynamique dans le secteur, amorçant une véritable révolution industrielle, mais aussi démocratique. Les « Quatre » ou « Die Großen Vier » - les 4 grands producteurs « historiques » (EON, EnBW, RWE, Vattenfall) d’électricité – ont été littéralement dépassés par l’irruption d’une multitude de nouveaux producteurs d’énergies renouvelables. Ce sont en effet d’abord les citoyens, les agriculteurs, ou encore les communes qui se sont en effet saisies de l’opportunité de produire leur propre énergie, à partir de sources renouvelables, sur leur territoire. Ce faisant, les « Quatre » se sont vus concurrencés directement par des milliers de petits producteurs d’énergie renouvelable – on estime à près de 150 000 le nombre de coopérateurs et coopératrices à travers le pays. La loi a permis de faire naître ainsi une « démocratie énergétique » : il est devenu possible pour les citoyens, agriculteurs et communes qui en ont les moyens, d’investir directement dans les énergies renouvelables, et de tirer des bénéfices solides de leur production. Le déploiement des énergies renouvelables a également permis de créer plus de 200 000 emplois dans le secteur.
Mais cette loi n’a pas seulement eu des effets qu’en Allemagne. Le déploiement massif des énergies renouvelables à l’échelle d’une des plus grandes économies mondiales a entrainé une forte dynamique dans le secteur au niveau global. La loi qui a permis ce déploiement a inspiré de nombreux pays dans la mise en place de leurs dispositifs de soutien aux énergies renouvelables : l’agence allemande pour les énergies renouvelables estime ainsi que 84 pays ont mis en place des dispositifs de soutien similaires à ceux de la loi EEG.
20 ans après son adoption, la loi est-elle toujours efficace ?
Elle semble être en quelque sorte victime de son succès. Si elle est en effet restée la pierre angulaire de la politique allemande de soutien aux énergies renouvelables, elle a subi plusieurs réformes successives pour limiter l’ampleur de la dynamique, qui a dépassé toutes les espérances, et toutes les prévisions.
Son mécanisme de financement, qui repose sur les consommateurs, est régulièrement pointé du doigt par la presse et par certains partis politiques. La rémunération des producteurs est en effet financée directement par une contribution, la « EEG Umlage ». Le problème ne réside toutefois pas tant dans le fait que les consommateurs sont tous mis à contribution – la forte adhésion à la transition énergétique a conduit à une acceptation assez large de cette contribution – mais dans l’inégale répartition de sa charge. En effet, les grandes industries en ont été exemptées – et ces exemptions élargies lors des dernières réformes. La rendre plus équitable n’est donc pas mission impossible : revenir sur ces exemptions permettrait de mieux répartir sa charge.
Les dernières réformes ont limité son ambition initiale et mis un coup d’arrêt à l’énergie citoyenne en privilégiant une attribution de la rémunération par le biais d’appels d’offres, dans le but de limiter le développement des énergies renouvelables. Si l’Allemagne a atteint ses objectifs en la matière pour 2020, elle devra se montrer plus ambitieuse non seulement pour atteindre son objectif à l’horizon 2030, mais aussi et surtout pour le dépasser et accélérer ainsi la sortie du charbon - prévue, pour le moment, trop tardivement, en 2038.
Que souhaiter, donc, à cette loi de 20 ans ?
Alors qu’à la crise climatique s’adjoint une crise économique, il semble plus que jamais essentiel de continuer à investir dans les secteurs qui permettent de répondre au défi de la lutte contre le dérèglement climatique, de créer des emplois durables et d’engendrer des revenus qui bénéficient souvent en premier lieu aux territoires et à leurs habitants. Il paraît donc plus que jamais nécessaire de redonner son élan à cette loi, en s’assurant de son caractère équitable, afin qu’elle se montre à la hauteur des défis cruciaux de ces prochaines années. A 20 ans, rien n’est impossible !