Au delà de l’objectif chiffré de réduction des émissions pour 2030, les Etats membres doivent se répartir l’effort collectif.
« Selon les promesses de l’accord de Paris pour le climat, l’Union européenne s’est engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro pour l’année 2050. (…) Nous engageons donc les chefs d’Etat du Conseil européen à se donner le but d’une réduction au moins équivalente à 60% des émissions de CO2 pour 2030 (par rapport à 1990) ».
A la veille du sommet européen qui doit entériner, ce vendredi 11 décembre, un nouvel objectif climatique, la tension monte. Et les injonctions, à l’instar de cette lettre ouverte d’associations de jeunes et plus anciens, se font plus pressantes à l’égard des dirigeants européens pour qu’ils prennent des décisions courageuses.
Enjeu de méthode
Pour l’heure, on le sait, le Parlement européen milite pour une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, en lieu et place de 40% aujourd’hui, tandis que la Commission, elle, défend une baisse d’au moins 55%. Ce dernier objectif, selon nombre d’experts, devrait néanmoins être celui qui sera retenu par le Conseil. Et ce, au grand dam du groupe écologiste au Parlement européen qui – compte tenu des données du GIEC et du devoir d’exemplarité de l’UE – prône un objectif d’au- moins – 65%. « Cette baisse correspond à un objectif pragmatique, car plusieurs études ont démontré sa faisabilité », insiste-t-on chez Europe Ecologie Les Verts (EELV), jugeant illusoire l’idée de pouvoir atteindre la neutralité climatique en 2050 sans réduire drastiquement nos émissions dans la prochaine décennie. « Reporter les efforts à plus tard nous obligera à parier sur des technologies incertaines et risquées (le nucléaire, la capture et le stockage du CO2, etc.) ».
Répartition de l’effort
Fixer des horizons ambitieux pourrait avoir un effet stimulant. Même si, ce cap une fois fixé, tout reste encore à faire en terme de trajectoire à suivre pour parvenir au but. A ce titre, « il est encore trop tôt pour dire aujourd’hui quelles options seront privilégiées en Europe, et quels sont par exemple les secteurs auxquels il sera demandé le plus d’efforts », explique Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors. «La politique européenne climatique va principalement s’articuler autour de deux piliers, celui du marché carbone (ETS) qui touche essentiellement les secteurs de l’électricité et de l’industrie, puis la directive du partage de l’effort qui concerne en partie les autres émissions », résume-t-il. La France, elle, compte a priori mettre davantage l’accent sur le marché ETS et sur le prix du CO2 payé par les électriciens et les industriels ; et moins sur le reste, comme le bâtiment par exemple ». Un choix éminemment politique, en partie guidé par la très forte désindustrialisation de l’hexagone, et un biais nucléaire plus marqué.
Des mécanismes de solidarité
Dès l’an prochain, en effet, les promesses vont se retrouver confrontées au principe de réalité et aux intérêts nationaux. « Pour surmonter les réticences de certains États, il va falloir prévoir des mécanismes de solidarité entre États-membres et réviser l’ensemble des législations pertinentes. Voire, en prévoir de nouvelles, notamment sur un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières », ajoute-t-on chez EELV. De leur côté, Oxfam et l’Institut de l’Environnement de Stockholm (SIE) appellent l’UE à « s’attaquer aux inégalités en matière de CO2 tant entre les Etats membres riches et pauvres qu’au sein des Etats membres eux-mêmes». Dans son rapport, l’ONG formule à cette fin plusieurs recommandations. Notamment « mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles », « améliorer l’efficacité énergétique de l’habitat » et introduire des taxes sur la consommation carbone dans le secteur du luxe. Affaire à suivre donc.
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll