Réforme de la PAC post 2020: l’ambition perdue ?
La politique agricole commune (PAC) est l’une des politiques les plus importantes de l’Union européenne. En 2018, la Commission européenne a fait une proposition de réforme de la PAC incluant, entre autres, un nouveau modèle de mise en œuvre, requérant de chaque État membre qu’il prépare un Plan Stratégique National (PSN) dans lequel il décidera des grandes lignes de la mise en œuvre de la réforme de la PAC sur son territoire. Pour la Commission, ce nouveau modèle de mise en œuvre est compatible avec les objectifs ambitieux qu’elle a elle-même fixés dans le Pacte vert. Mais le système des PSN ne va-t-il pas être le fossoyeur de cette ambition ?
C’est la question à laquelle l’association ARC 2020, en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll s’est attelée à répondre en analysant le long processus de cette réforme au niveau européen mais aussi dans l’élaboration des Plans Stratégiques Nationaux (PSN) de plusieurs États membres, dont la France. Pour une autre PAC a édité la version française de la publication d’ARC 2020, élaborée à l’issue d’un projet s’étant étalé sur toute l’année 2020.
Le nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC est-il apte à répondre à l’urgence climatique et environnementale ?
Le nouveau modèle de mise œuvre donne aux États membres une marge de manœuvre plus importante dans le niveau et le type de réponses qu’ils comptent apporter à l’urgence climatique et environnementale. Cette flexibilité permise dans l’élaboration des PSN, ainsi que le manque de critères clairs pour permettre à la Commission d’en évaluer le résultat, ne garantissent aucune hausse de l’ambition climatique et environnementale des États membres. Face à ce constat, les revendications citoyennes et les apports des scientifiques doivent faire office de garde-fou pour assurer une hausse significative des mesures à portée environnementale et climatique dans la prochaine PAC.
Réformer la PAC par le biais de PSN permettra-t-il de prendre en compte des enjeux souvent négligés comme l’impact sur les agricultures des pays du Sud ou le développement des zones rurales ?
Si la PAC s’est en théorie intéressée au développement des zones rurales depuis la création de son second pilier, ce dernier est en réalité plutôt consacré au développement des exploitations agricoles. En parallèle, d’autres enjeux, tels que l’impact de la PAC sur les pays du Sud, sont, eux, complètement ignorés. C’est la raison pour laquelle ARC2020 s’est intéressé au traitement réservé à ces enjeux considérés comme de second plan au travers des PSN.
L’élaboration des PSN par les États membres se fait-elle de manière inclusive et transparente ?
Qu’en est-il en France ?
Les textes européens imposent de rendre la définition de ce PSN transparente et inclusive, impliquant de mettre en place un processus de consultation des parties prenantes. Le rapport analyse et compare donc les différentes approches des États membres pour mener à bien (ou non) cet exercice.
En comparaison des autres États membres, la France fait partie des bons élèves depuis le début du processus. L’organisation d’un débat public, le débat ImPACtons, est par exemple inédit. Pour préparer l’élaboration de la première partie de son PSN, elle a ainsi consulté de nombreuses parties prenantes sur la PAC entre fin 2019 et début 2020, comme des acteurs agricoles, des syndicats, ou encore des ONG dont Pour une autre PAC. Cette consultation a donné lieu à un état des lieux de l’agriculture française, sous forme de diagnostic, posant de solides bases de réflexion sur vers quoi faire évoluer la PAC. Toutefois, alors que la France a mis en pause la consultation sur la quasi-totalité de l’année 2020, d’autres États membres ont mis en place des modalités de consultation des parties prenantes à distance, si bien qu’ils ont offert plus de temps de co-construction aux diverses parties prenantes mobilisées.
La consultation des parties prenantes a justement repris début 2021 en France. Forte de ses 45 organisations membres, la plateforme Pour une autre PAC sera présente pour porter sa vision de la politique agricole auprès du gouvernement.