Fin du nucléaire en 2022 et du charbon d’ici à 2038 : la transition énergétique allemande tient ses promesses. L’électricité est depuis 2020 majoritairement d’origine renouvelable.
C’est une idée reçue largement répandue sur l’Allemagne. En choisissant de fermer ses centrales nucléaires, une décision définitivement prise après la catastrophe de Fukushima, le pays a relancé ses vieilles centrales à charbon et aggravé le changement climatique. Cette supposition est tout simplement fausse. En dix ans, la production nucléaire a été divisée par un peu plus de deux, celle de charbon d’autant, et dans le même temps la production d’électricité d’origine renouvelable a été multipliée par près de 2,5.
Une bascule importante a eu lieu en 2018, où la production d’électricité renouvelable a dépassé, pour la première fois, celle issue du charbon. Lors de l’année 2020, avec une baisse de la consommation du fait des confinements, l’électricité a même été majoritairement renouvelable, à 50,9%.
Energiewende toute !
Cette transition énergétique (Energiewende, en allemand), est le fruit d’une politique mise en place il y a plus de vingt ans. La coalition entre les sociaux-démocrates et les Verts a débouché sur la loi EEG en 2000. « Cette loi a créé un cadre réglementaire très stable pour les énergies renouvelables, qui n’a pas été modifié par les gouvernements successifs, offrant une bonne visibilité sur les revenus pendant de longues années et permettant ainsi de convaincre les banques et financeurs », explique Sven Rösner, directeur de l’Office franco-allemand pour la transition énergétique (0FATE).
Une des principales mesures de soutien est le prix garanti d’achat, un mécanisme par lequel un producteur d’énergie renouvelable est certain de vendre son électricité à un prix fixé à l’avance et stable, peu importe les fluctuations du marché. Cette politique est financée via les factures d’électricité, mais elle est acceptée, entre autres parce que les populations y sont largement associées. « La moitié des capacités installées de production d’électricité renouvelable sont la propriété de particuliers, indique Sven Rösner. Que ce soit une famille avec un panneau photovoltaïque sur le toit de la maison ou des coopératives citoyennes qui possèdent un parc éolien sur le territoire de la commune ». Une partie de la population perçoit donc directement les bénéfices financiers de cette transition.
Au cours de la dernière décennie, le mix électrique allemand a donc subi une profonde transformation. Le charbon et le nucléaire étant passés respectivement de 43 et 25 % à 24 et 12 % entre 2010 et 2020. Ceci est la conséquence d’un double objectif : sortir du nucléaire en 2022 et du charbon en 2038 et si possible dès 2035. Le tout devant être remplacé dans une large mesure par les renouvelables.
Un basculement du mix éléctrique
Evolution du mix éléctrique allemand, en %
Quelques ratés
Derrière la réussite allemande, se cache cependant quelques échecs. Si le charbon a fortement reculé, l’effort a surtout reposé sur les centrales fonctionnant à base de houille. Celles au lignite ont moins décliné et fournissent aujourd’hui les deux tiers de la production à base du charbon (et 16% du mix électrique total). Or le lignite est davantage émetteur de gaz à effet de serre que la houille.
"Le pays dispose de grandes mines de lignite à ciel ouvert, contrairement à la houille qui est importée. C’est un atout économique pour l’Allemagne mais aussi un piège environnemental », explique Robin Girard, professeur à MINES Paris Tech. Le lignite étant disponible à une faible profondeur sous la terre, il est donc moins coûteux à extraire. Surtout l’exploitation de cette ressource est pourvoyeuse d’emploi et notamment dans les Lander de l’Est, les régions les plus pauvres du pays.
L’autre grand défi à relever pour l’Allemagne est celui de son réseau électrique. « La poursuite de la transition suppose un déploiement massif de lignes haute tension du nord vers le sud, ajoute Patrick Criqui : le nord venteux et marin accueille la plupart des éoliennes du pays, mais la consommation se situe principalement dans le sud, et notamment avec la Bavière très peuplée et industrielle » « C’est l’un des ratés de la transition allemande, toute nouvelle installation de capacité de production d’électricité d’origine renouvelable est soumise à cette difficulté », poursuit Robin Girard.
Malgré cela, la transition allemande a démontré la possibilité d’un mix électrique où les renouvelables sont de plus en plus dominants. Et surtout en investissant tôt et massivement sur ces technologies, cette politique a permis à des filières de se monter et de faire diminuer les coûts. Facilitant ainsi la transition pour les autres pays, grâce à un savoir-faire et un retour d’expérience.