L’augmentation de la mobilité et du commerce ainsi que la diminution de la durée de vie moyenne des véhicules conduisent à ce qu’un nombre croissant de véhicules atteignent leur fin de vie en Europe.
Gérer ces déchets est un défi à la fois technique et économique, et il est encore courant de les démolir et les déverser illégalement, entraînant des répercussions importantes sur l’environnement et la santé publique.
La croissance économique et la mondialisation ont considérablement fait augmenter le nombre de trains, avions, bateaux et voitures dans le monde. Il devient donc de plus en plus urgent de trouver des moyens rationnels économiquement et écologiquement pour traiter les véhicules arrivés en fin de vie. Ils contiennent certes des pièces et matériaux de valeurs qui peuvent être réutilisés ou recyclés, mais aussi des composantes dangereuses qui peuvent poser des problèmes environnementaux et sanitaires.
Les trains et avions sont d’énormes véhicules, dont la gestion des déchets représente un enjeu technologique. Comme ils nécessitent des infrastructures très spécifiques pour fonctionner et ont généralement une longue durée de vie, ils n’ont pas été considérés comme une priorité absolue en matière de recyclage et d’élimination sûre et efficace des déchets. La situation à l’égard des voitures et bateaux est plus problématique.
Chaque année, environ 12 millions de voitures quittent l’espace routier européen en raison de dommages irréparables suite à un accident, de pertes économiques, de la non-conformité aux nouvelles normes de sécurité ou d’émissions ou encore d’un changement de préférences esthétiques. La législation européenne confie la responsabilité quant à la gestion des voitures hors d’usage aux acteurs qui les placent sur le marché et exige que les véhicules hors service soient débarrassés de toutes leurs substances dangereuses dans un environnement sûr par des démonteurs agréés et que 85% du poids de la voiture soit réutilisé ou recyclé.
En règle générale, la valeur élevée des métaux et pièces réutilisables assure un taux de récupération important. Les fluctuations du prix des métaux et les évolutions dans la composition des véhicules constituent un défi pour les démolisseurs. Les plastiques et nanomatériaux par exemple ont amélioré le rendement énergétique mais ne sont pas recyclables et sont incinérés ou mis en décharge. Il est aussi impératif de trouver des méthodes sûres pour traiter le nombre croissant de voitures électriques, dans la mesure où les terres rares et batteries sont associées à des enjeux environnementaux et humains.
Chaque année, environ quatre millions de voitures sont déclarées en état de « localisation inconnue », ce qui signifie qu’elles sont retirées de la circulation sans que l’on dispose d’informations précisant si le véhicule a été pris en charge dans un centre de recyclage agréée ou s’il a été exporté. La majorité des voitures disparues se perdent dans le marché européen toujours aussi florissant du démantèlement illégal. Ne respectant pas les règles de sécurité et environnementales de l’UE, il fausse les pratiques commerciales équitables des démolisseurs homologués et possède un fort impact environnemental, puisque ce sont chaque année jusqu’à 55 millions de litres de liquides dangereux, tels que l’huile et le fluide des climatiseurs, qui ne sont pas pris en compte. Certaines des voitures dont la localisation est inconnue sont également exportées dans des pays tiers. Les véhicules hors d’usage étant considérés comme des déchets dangereux, leur exportation de l’UE vers des pays non-membres de l’OCDE est interdite. Dans la pratique en revanche, il est difficile de faire la distinction entre un véhicule d’occasion (dont l’exportation est légale) et une voiture hors d’usage. Même si le commerce de ces véhicules peut représenter des avantages économiques, la mise en décharge incontrôlée de véhicules non conformes aux normes et le recours continu aux véhicules à fortes émissions dans des villes toujours plus grandes présentent des risques environnementaux et sanitaires pour les écosystèmes et les communautés locales.
Tout comme les voitures, les navires deviennent, eux aussi, des déchets lorsqu’ils arrivent en fin d’état de fonctionnement. Jusque dans les années 1970, les navires commerciaux étaient principalement démantelés en Europe et aux Etats-Unis, mais à mesure que les lois sur la protection sociale et environnementale devenaient plus strictes, l’industrie s’est déplacée vers des régions où les cadres juridiques sont plus souples. En 2019, près de 90 % du tonnage mondial en fin de vie a été démantelé en Inde, au Bengladesh et au Pakistan, sans les infrastructures, équipements et procédures adéquats pour prévenir les accidents et la pollution. La méthode utilisée pour le démantèlement des navires est appelée « échouage » et implique l’ancrage des navires sur une vasière intertidale à marée haute. Comme les navires contiennent de nombreuses matières toxiques, telles que de l’amiante, des résidus d’huile, des métaux lourds et des peintures toxiques, les écosystèmes côtiers et maritimes se retrouvent pollués. Les communautés locales qui en dépendent se voient affectées. En outre, le démantèlement des navires a été déclaré comme travail le plus dangereux au monde par l’Organisation internationale du travail. Les incendies, la manipulation de déchets dangereux, l’inhalation de fumées toxiques et la chute de plaques d’acier peuvent blesser voire tuer les ouvriers. Parmi les démolisseurs de navires figurent de nombreux migrants et adolescents.
Des méthodes de recyclage des navires plus propres et plus sûres existent. Les compagnies maritimes européennes contrôlent environ 40% de la flotte mondiale et jouent donc un rôle essentiel dans la recherche de solutions durables. Pour empêcher ces compagnies d’utiliser la méthode de l’échouage, peu coûteuse et ne respectant pas les normes, l’UE a adopté une législation qui exige que les navires enregistrés sous le pavillon d’un Etat membre de l’UE soient recyclés dans une infrastructure figurant sur une liste officielle d’établissement se conformant aux normes de recyclage des navires fixées par l’UE. Cependant, plus de deux tiers des navires de propriétaires européens continuent d’être échoués car les navires plus anciens sont souvent vendus ou changent de pavillon pour contourner la réglementation.
Quand on parle de véhicules en fin de vie, il est important de rappeler que les déchets les plus faciles à gérer sont ceux qui ne sont pas générés en premier lieu. La mobilité en tant que service, reposant sur moins de propriété individuelle et plus de systèmes de partage, ainsi que l’utilisation aussi réduite que possible des transports, sont donc des actions primordiales à mettre en œuvre. L’éco-conception des véhicules, et notamment leur longévité, leur réparabilité et leur recyclabilité, l’application et l’amélioration des lois existantes ainsi que la recherche de meilleures technologies de recyclage peuvent également contribuer à réduire les déchets provenant des véhicules en fin de vie.
Sources :
European Aluminium, https://bit.ly/35Z1WCc; NGO Shipbreaking Platform, annual lists of scrapped ships, https://bit.ly/31UoIsu