Marcher dans Londres : population, espace et gouvernance

Atlas des Mobilités

La marche est indispensable pour que les villes soient habitables et elle constitue un droit fondamental pour chaque citadin. Toutefois, elle a longtemps été reléguée au second plan dans la pratique comme dans les travaux de recherche, une situation à laquelle Londres entend remédier. La capitale britannique souhaite capitaliser sur ses avancées en matière d’accessibilité piétonnière pour remodeler les comportements individuels, les inégalités spatiales et la gouvernance.

Walking in the streets of London
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Londres fait beaucoup de choses bien en termes de convivialité pour les piétons. Pourtant, un tiers des trajets effectués par ses habitants en tant que conducteur ou passager pourraient être effectués à pied en moins de 25 minutes.

Comparée à quelque 1000 autres villes, Londres est l’une des grandes villes les plus accessibles à pied selon l’Institute for Transportation and Development Policy (ITDP). Certaines villes européennes comme Munich, Paris ou Bristol font mieux, mais elles sont nettement moins étendues et moins peuplées. Anvers, Naples et Liverpool, à l’inverse, sont moins bien classées. Des paramètres déterminants tels que la proximité des habitants vis-à-vis des zones sans voiture, l’emplacement des services publics et la brièveté générale des trajets ont été pris en compte pour effectuer ce classement.

Chacun marche dans sa vie quotidienne. Il s’agit d’une activité gratuite, saine et soutenable qui multiplie les chances d’interactions sociales et contribue à consolider les communautés. L’amélioration de l’accessibilité piétonnière parallèlement à la réduction de l’utilisation de la voiture fait baisser la pollution atmosphérique et sonore et accroît la possibilité d’activités en extérieur et d’aménagement d’espaces verts. L’augmentation de piétons qui s’ensuit renforce la sécurité des rues et soutient l’économie locale.

Et pourtant, chaque jour, les Londoniens effectuent environ 1,5 million de trajets courts en voiture, taxi ou bus, alors qu’ils pourraient les faire à pied. À Londres, la marche représente 24 % de tous les déplacements quotidiens et seuls 60 % des habitants effectuent les 150 minutes d’activité recommandées par semaine. Avec des niveaux de pollution régulièrement au-dessus des limites indicatives et une population qui devrait compter 2,1 millions de personnes en plus d’ici 2041, l’amélioration de l’accessibilité piétonnière est essentielle dans la stratégie de lutte contre les problèmes de santé et de pollution mise en place par la ville. Cette stratégie doit intégrer les modes de transport actifs (marche et vélo) en tant que priorités, c’est-à-dire accroître l’espace qui leur est consacré tout en réduisant les zones réservées aux voitures comme les voies routières et les parcs de stationnement.

Avec pour objectif de faire de Londres la ville la plus accessible au monde pour les piétons et de limiter l’utilisation de la voiture à 20 % des trajets d’ici 2041, le maire a lancé, ces quatre dernières années, six plans qui ont un impact direct sur l’accessibilité piétonnière. Ils témoignent d’une volonté politique de changement et vont enfin intégrer les piétons, de façon à la fois ferme et souple, à la stratégie de la capitale en matière de transports. Le but est de prioriser l’expérience pédestre tout en faisant de la marche le moyen de transport le plus évident, le plus agréable et le plus attrayant pour les trajets courts.

Les mesures ne concernent pas que les piétons ou le paysage urbain. Réduire l’utilisation de la voiture peut inciter les individus à marcher et améliorer leur santé. Des mesures telles que la Congestion Charge[1] ou l’Ultra-Low Emission Zone[2], déjà en vigueur, ont fait baisser le nombre de trajets en voiture et d’accidents, ainsi que les niveaux de pollution. Elles se limitent toutefois au centre de Londres, même si elles sont en cours d’extension.

La gouvernance joue ici un rôle important. La plupart des rues sont administrées par les arrondissements, qui sont incontournables dans la mise en œuvre de la stratégie du maire à travers Transport for London (TfL). Il s’agit de l’organisme chargé de la gestion des transports publics et des principales voies terrestres de l’agglomération. Au côté de TfL et des arrondissements, les communautés locales et les associations en lien avec les transports ont elles aussi été déterminantes dans l’évolution de la situation (Living Streets et Sustrans, par exemple).

Il reste toutefois de grandes disparités en termes d’accès aux rues praticables à pied. Le centre de Londres, principalement construit avant l’avènement de la voiture, est dense, bien relié et à usage mixte – des caractéristiques qui font le bonheur des piétons. La proximité des équipements, commodités et lieux de travail, ainsi que le caractère direct et continu des voies de communication incitent à marcher. En outre, les trottoirs bien entretenus, larges et non encombrés procurent une expérience positive à ceux qui les empruntent. Parmi les mesures prises pour faciliter le déplacement des piétons, citons les passerelles surélevées de la City (années 1950), le nouvel agencement des passages cloutés sur Oxford Circus (2009) destiné à donner la priorité aux piétons, et le partage de l’espace sur Exhibition Road (South Kensington, 2012).

Dans les arrondissements périphériques (zone 2 et au-delà), majoritairement résidentiels avec quelques commerces locaux, l’accessibilité piétonnière est beaucoup moins développée. Dans certains, 26 à 28 % seulement des voies de circulation font plus de 3 mètres de large, un aménagement clairement favorable aux voitures. Des passages cloutés plus sûrs, des trottoirs améliorés et plus larges et une planification urbaine davantage diversifiée s’imposent donc toujours pour rendre les déplacements à pied plus séduisants. Dans de nombreux lotissements, la connectivité entre les rues est insuffisante, et des voies ferrées interrompent souvent la continuité piétonnière ou empêchent l’accès direct aux magasins et arrêts de bus.

Avec la pandémie de Covid-19, certains de ces problèmes se sont accentués. Dans Londres, en effet, seuls 36 % des trottoirs mesurent plus de 3 mètres de large, dimension nécessaire à la distanciation sociale. En conséquence, certains arrondissements les ont temporairement fait déborder sur la chaussée et TfL a augmenté le nombre de voies de circulation réservées aux cyclistes et aux piétons.

Outre la conception des rues, l’information et sa lisibilité jouent un rôle fondamental dans l’accessibilité piétonnière. Les panneaux et les cartes du système d’orientation Legible London, intégrés à des centres intermodaux, aident les habitants comme les visiteurs à rallier leur destination rapidement et en toute sécurité. Les applications pour smartphones et la technologie de la mobilité à la demande[3] fluidifient la mobilité urbaine quotidienne, et des itinéraires Walk London sont proposés par TfL dans le centre de la capitale et dans le Grand Londres pour améliorer la qualité des promenades.

En résumé, Londres a beaucoup investi dans différentes politiques, ainsi que dans l’amélioration des infrastructures et de l’information à l’intention des piétons, ces dix dernières années. Mais le travail n’est pas terminé. Cette stratégie doit être étendue pour inclure certains périmètres suburbains du Grand Londres et certaines zones du Royaume-Uni où la voiture domine toujours. La gouvernance, l’aménagement du territoire et les communautés auront tous un rôle déterminant à jouer dans cette évolution.

 

[1] Taxation des comportements sources de congestion ; elle s’applique aux véhicules circulant entre 7 h et 22 h dans l’hypercentre. [N.d.T.]

[2] Zone à très faibles émissions : zone couvrant tout le centre de Londres dans laquelle les véhicules ne respectant pas la norme européenne d’émission doivent payer une somme forfaitaire selon le carburant qu’ils utilisent. [N.d.T.]

[3] Système offrant, sur une seule plateforme et à partir d’une seule application mobile, toutes les offres de transport disponibles dans une ville. [N.d.T]