A quelques jours des 60 ans du Traité de l’Elysée et d’un sommet gouvernemental franco-allemand à Paris, la Fondation de l’Écologie Politique et la Fondation Heinrich Böll présentent les résultats d’une étude menée par IPSOS auprès de deux échantillons représentatifs en France et en Allemagne.
- 8 Français et Allemands sur 10 estiment que le moteur franco-allemand est important pour l’avenir de l’Union européenne.
- Rénovation énergétique des bâtiments, développement des énergies renouvelables et mesures de sobriété arrivent en tête des mesures jugées prioritaires pour la transition écologique, en France comme en Allemagne.
Démocratie et relation franco-allemande : « Un appel à vraiment penser ensemble les politiques »
Pour Marc Berthold, directeur du bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll, ce sondage « montre que les Allemands et les Français veulent que les deux pays coopèrent étroitement sur les grandes questions qui ne peuvent être résolues qu’au niveau européen: la crise énergétique (et climatique), la sécurité et la défense et la lutte contre les inégalités sociales ».
Mathieu Gallard, directeur d’études chez IPSOS, confirme : « les opinions publiques des deux pays estiment qu’une réponse coordonnée au niveau européen est incontournable. Du point de vue des Français aussi bien que des Allemands, cette réponse européenne doit s’exercer à travers une action volontariste du duo franco-allemand, une opinion qui transcende les clivages politiques dans les deux pays ».
« La similitude des regards, des inquiétudes et des attentes est frappante, alors qu’on ne cesse de parler d’éloignement et d’étrangeté entre les deux pays. C’est un appel à vraiment penser ensemble les politiques » note Hélène Miard-Delacroix, professeure à Sorbonne Université. Elle relève cependant « de vrais sujets d’inquiétude : le parallélisme des réponses des sympathisants de la droite populiste dans les deux pays qui montre une fausse « harmonie » ; et le décrochage, chez les jeunes Français, de la conviction que le moteur franco-allemand est nécessaire aux avancées de l’UE ».
« Près de quatre Allemands sur dix jugent que la démocratie fonctionne mal dans leur pays, ce qui n’est pas négligeable. Toutefois, le niveau atteint en France (52%) est nettement plus inquiétant » souligne Mathieu Gallard. La montée de la violence et la hausse des inégalités sont perçues comme les plus grandes menaces pour la démocratie en France et en Allemagne.
Interrogés sur la guerre en Ukraine, les Français (60 %) et les Allemands (62 %) approuvent le soutien à l’Ukraine et les sanctions à la Russie, même si cela contribue à ce que les prix de l’énergie augmentent - un soutien néanmoins moins marqué chez les jeunes que chez les plus âgés.
Énergie et climat : « Face à la crise énergétique, Français et Allemands demandent du volontarisme »
« Loin des tensions récentes entre les dirigeants du couple franco-allemand, les citoyens de ces deux pays partagent une vision largement commune des solutions à apporter à la crise énergétique : le développement des transports collectifs et des pistes cyclables, la sobriété et le développement des énergies renouvelables sont plébiscités » souligne Anne Bringault, du Réseau Action Climat. Ainsi, 72 % des Français et 84 % des Allemands sont favorables à la construction de nouveaux parcs éoliens, et une très large majorité y reste favorable y compris à proximité de leur lieu d’habitation.
« Les Français et les Allemands demandent du volontarisme dans la transition et la fin des consommations d’énergies et des pratiques synonymes de gaspillage ou de privilège » note Alice Canabate, présidente de la Fondation de l'Écologie Politique. « Loin des clichés sur le « modèle amish », certaines mesures de sobriété et de partage de l’effort font l’objet d’un soutien populaire important : Français et Allemands sont respectivement 88 % et 74 % à juger acceptable d’interdire l’éclairage des vitrines de magasins la nuit, les panneaux publicitaires numériques (83% et 69 %), la construction de voitures de type SUV (67% en France et en Allemagne) ou encore l’utilisation de jets privés pour des motifs personnels (83 % en France et 77 % en Allemagne) ».
Les personnes interrogées sont plus mitigées quant aux mesures qui portent sur la voiture individuelle. « La sortie des voitures thermiques dépend du développement d’alternatives crédibles et fiables dans les territoires. Ce que les Allemands comme les Français ont bien compris puisqu’ils plébiscitent le développement de l’offre de transports en commun et du transport ferroviaire » affirme Marc Berthold.
Enfin, « si les Allemands font confiance à leur Gouvernement comme premier acteur pour lutter contre la crise climatique, c'est loin d'être le cas en France où les citoyens font d'abord confiance aux mouvements citoyens et aux associations » souligne Anne Bringault. « Les renoncements d'Emmanuel Macron à reprendre les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat alors qu'il s'y était engagé ont probablement accentué une fracture qu'il est urgent de combler afin d'engager les transformations nécessaires ».