La désinformation genrée : 6 raisons pour lesquelles les démocraties libérales doivent réagir à cette menace

Synthèse

La désinformation genrée (ou la désinformation liée au genre) est une forme de désinformation basée sur l’identité qui menace les droits humains à l’échelle du monde entier. Elle porte atteinte aux droits numériques et politiques, ainsi qu’à la sûreté et à la sécurité des personnes qu’elle cible. Ses effets sont considérables : la désinformation genrée est employée pour justifier les violations des droits humains et renforcer la répression à l’encontre des femmes et des minorités. Cette synthèse donne une définition de la désinformation genrée, explique son impact sur les individus et les sociétés, et identifie les défis qui doivent être relevés pour la combattre, en s’appuyant sur des études de cas en Pologne et au Royaume-Uni. Elle évalue la manière dont le Royaume-Uni et l’UE répondent à la désinformation genrée et présente un plan d’action pour les gouvernements, les plateformes, les médias et la société civile.

Temps de lecture: 24 minutes
Désinformation genrée - femme et like / unlike pouces
  1. La désinformation genrée est une arme
  2. La désinformation genrée menace les individus
  3. La désinformation genrée menace la démocratie
  4. La désinformation genrée menace la sécurité et les droits humains
  5. La désinformation genrée est un perturbateur, elle amplifie les stéréotypes et les préjugés existants
  6. La désinformation genrée peut être difficile à identifier, pour les humains comme pour les machines
  7. Dans quelle mesure l’UE et le Royaume-Uni sont-ils prêts à relever ce défi ?
  8. Un manifeste pour le changement

1. La désinformation genrée est une arme

La désinformation genrée consiste à diffuser des informations manipulées qui utilisent les stéréotypes genrés comme des armes à des fins politiques, économiques ou sociales.[1] Voici quelques exemples de désinformation genrée :[2]

Demos UK

Une campagne de désinformation genrée est une campagne coordonnée et cible des personnes ou des sujets spécifiques. Les campagnes voient le jour et se propagent de différentes manières : elles peuvent s’inspirer de rumeurs ou d’attaques existantes et les amplifier de manière inorganique[3], ou créer des messages que de vrais utilisateurs extérieurs à la campagne diffusent par la suite.[4] Les campagnes peuvent être directement créées par l’État, partager des messages cautionnés par l’État ou être utilisées par des acteurs non étatiques.

La désinformation genrée s’inscrit souvent dans une stratégie politique plus large[5], qui consiste à manipuler des récits liés au genre pour faire taire les critiques et consolider le pouvoir.[6] Elle peut également se recouper avec d’autres formes de désinformation fondée sur l’identité[7], comme celle fondée sur l’orientation sexuelle, le handicap, la race, l’ethnicité ou la religion.[8]

2. La désinformation genrée menace les individus

La désinformation genrée affecte de manière disproportionnée les personnes du genre qu’elle cible : elle rend les espaces, en ligne et hors ligne, peu sûrs. Elle peut être employée comme une arme contre n’importe qui, mais elle est souvent utilisée contre les femmes participant à la vie publique (42 % des femmes parlementaires interrogées en 2016 ont déclaré avoir été confrontées à des images « extrêmement humiliantes ou à connotation sexuelle » diffusées en ligne).[9] La désinformation genrée utilise couramment des stéréotypes tels que : les femmes sont sournoises, stupides, faibles, immorales ou sexualisées, pour les dépeindre comme des personnes indignes de confiance et inaptes à occuper des postes de pouvoir, évoluer dans la sphère publique ou à exercer une influence dans la société.[10]

L’impact psychologique sur ses cibles peut être profond et les prive de la liberté d’exister sur les réseaux sociaux, une présence qui, dans le monde actuel où le numérique est omniprésent, revêt souvent une importance cruciale pour la vie professionnelle et personnelle des individus.[11] Il n’y a pas que la violence en ligne qui pose problème : le volume et la nature des menaces et des insultes font de la sécurité personnelle un sujet de préoccupation ; les personnes qui s’en prennent aux femmes se livrent à un examen public de chaque élément, de leur apparence au travail juqu’à leur vie privée, et l’on constate un niveau inquiétant de détails et de déformation de la réalité.[12]

3. La désinformation genrée menace la démocratie

La désinformation genrée compromet fondamentalement l’égalité de participation à la vie démocratique et réduit l’espace dont disposent les femmes pour s’impliquer dans la vie publique[13], ce qui nuit à l’efficacité, à l’équité et à la représentativité des institutions démocratiques.[14]

Le renforcement des stéréotypes sexistes négatifs en ligne consolide les attitudes misogynes à l’égard du rôle que jouent les femmes dans la sphère publique et dans la société[15] et son impact financier sur la vie publique est conséquent. Les femmes, en particulier, sont évincées de la vie publique : celles qui en faisaient déjà partie s’éclipsent, estimant qu’elle n’est plus tolérable ou sûre pour elles[16],[17],[18],[19], et celles qui restent prennent souvent leurs distances avec le public par le biais des réseaux sociaux.[20] D’autres sont dissuadées d’entrer dans la vie publique parce qu’elles redoutent des violences sexistes.[21] Au Royaume-Uni, les femmes noires qui participent à la vie publique sont 84 % plus susceptibles de subir des abus en ligne que les femmes blanches, et sont plus enclines à se voir refuser toute possibilité de participer à la vie publique de manière disproportionnée.[22]

4. La désinformation genrée menace la sécurité et les droits humains

Les violences sexistes agissent comme un vecteur de mauvaises informations.[23],[24] La désinformation genrée est une tactique reconnue utilisée par les acteurs autoritaires (y compris dans les États démocratiques) destinée à étouffer les menaces qui pèsent sur leur pouvoir, qu’il s’agisse d’un·e opposant·e individuel·le ou de tout un mouvement.[25] Par exemple, au Pakistan, les femmes journalistes qui critiquent le gouvernement font l’objet d’une fausse « vérification des faits » et subissent du harcèlement.[26] Dans de nombreux cas, les droits des femmes et des personnes LGBT+ sont qualifiés de menaces à l’ordre et à l’identité nationale et utilisés pour favoriser les divisions sociales, souvent dans le cadre d’une attaque plus large contre les droits humains.[27],[28],[29],[30] 

La désinformation peut également véhiculer la haine sexiste.[31] L’essor des communautés incel[1] et d’extrême droite en ligne alimente les stéréotypes selon lesquels les femmes cachent des intentions malveillantes ou se servent de leur sexualité pour manipuler les hommes. Ces récits sont ensuite relayés sur des plateformes grand public et gagnent en popularité, alimentant la haine à l’encontre des femmes dans la vie publique.[32] Aussi, la désinformation genrée, qui se fait de plus en plus extrémiste, risque de légitimer la violence hors ligne perpétrée contre les femmes.Aux États-Unis, des théories conspirationnistes en ligne ont alimenté des complots visant à kidnapper une femme gouverneure.[33] L’extrémisme venu de l’extrême droite est une menace croissante au Royaume-Uni[34] : la députée Jo Cox a été assassinée en 2016 par un extrémiste d’extrême droite[35], et des députées se sont exprimées sur les menaces constantes qu’elles reçoivent, y compris des menaces de violences sexuelles.[36],[37] En Afghanistan, des femmes journalistes ont été tuées et ont reçu des menaces, Human Rights Watch a établi un lien entre ce ciblage et le fait que les femmes journalistes « contestent les normes sociales perçues ».[38] Après l’assassinat de Marielle Franco, conseillère municipale et critique de l’État, au Brésil, s’en est suivie une campagne de désinformation sur sa vie qui a largement circulé en ligne.[39],[40],[41],[42]

En dépeignant les femmes ou les personnes LGBT+ comme des menaces qui pèsent sur l’existence, la moralité ou la stabilité de l’État, la désinformation genrée risque de banaliser les actions violentes entreprises pour éliminer ces menaces dans le discours politique public. La désinformation genrée est une forme de « discours dangereux ».[43],[44] Elle s’appuie sur les stéréotypes genrés pour déshumaniser ses cibles (le « hors-groupe » des femmes ou des personnes LGBT+) et crée des réseaux de solidarité parmi les agresseurs.[45],[46],[47] Ce qui en découle, est que des militant·e·s, des journalistes ou des figures politiques se retrouvent arrêté·e·s, détenu·e·s, attaqué·e·s ou même assassiné·e·s.

5. La désinformation genrée est un perturbateur, elle amplifie les stéréotypes et les préjugés existants

La désinformation genrée gagne en puissance en exploitant les stéréotypes et les caricatures existants pour susciter des réactions émotionnelles[48], gagner en crédibilité, trouver un écho et encourager les autres personnes à s’y associer : le public visé n’est pas seulement celui des personnes ciblées, mais aussi celui d’observateurs plus larges. La désinformation genrée qui s’attaque aux femmes utilise souvent plusieurs récits sexistes différents pour ruiner ou dénigrer leur personnalité[49] : elle les dépeint notamment comme des « ennemies » malveillantes ou comme des « victimes » faibles et inutiles.[50] Parmi les clichés classiques utilisés comme des armes à l’encontre des femmes, citons les qualificatifs suivants :[51]

Demos UK

Les mots de l'image dans l'ordre et en français : 

mauvaise,
énervée,
sexuelle,
sournoise, faible,
incompétente,
immorale, laide,
stupide,
folle,
menteuse

Le choix des mots est important et constitue un instrument clé dans la diffusion de la désinformation genrée.[52] Les campagnes de désinformation menées en Pologne ont cherché à se servir des termes sexués dans le discours public comme des armes et à les redéfinir, en assimilant le concept de « droits des femmes » à celui d’« avortement » et celui d’« avortement » à celui de « meurtre » et de « meurtre d’enfants ».[53],[54] Les défenseur·e·s des droits des femmes et des droits reproductifs font l’objet d’attaques en ligne par le biais de la désinformation soutenue par l’État et sont qualifié·e·s de stupides, mauvais·e·s et hypocrites, et le terme « feministka » (féministe, diminutif) est souvent utilisé comme une insulte.[55] Un autre récit que l’État et les institutions publiques emploient couramment consiste à soutenir que « les LGBT ne sont pas des personnes, mais une idéologie », dont les enfants et la société de manière générale doivent être « protégés ».[56]

Le but de ces campagnes de désinformation qui cherchent à redéfinir les termes n’est pas simplement de faire croire des choses erronées, mais d’autoriser implicitement, et essayer de légitimer les agressions perpétrées envers ces groupes et la limitation de leurs droits.[57] En Pologne, dans des villes qui se sont proclamées « zones sans LGBT », les droits des LGBT+ sont rejetés comme une « idéologie agressive » et les personnes LGBT+ sont victimes de discrimination, d’exclusion et de violence.[58],[59],[60] Les défenseur·e·s des droits des femmes, y compris celleux qui ont participé à la grève des femmes pour protester contre les restrictions à l’avortement, ont fait l’objet de détentions et de menaces, qu’iels relient à « la rhétorique gouvernementale et aux campagnes médiatiques visant à les discréditer, [leur personne] et leur travail, qui encouragent la désinformation et la haine ».[61] Ces agressions sont exacerbées et légitimées par la désinformation genrée.[62]

On retrouve dans le discours politique britannique en ligne les mêmes stéréotypes hostiles que ceux présents dans les campagnes de désinformation genrée : les femmes sont sournoises, mauvaises, immorales, superficielles ou stupides.[63],[64] Une femme députée a été prise pour cible, alors qu’elle était enceinte, en raison de sa politique pro-choix, et des affiches anti-avortement ont été placardées dans sa circonscription et sur un site Internet qui réclamait son « arrestation ».[65] D’autres cas ont été rapportés, notamment des théories du complot accusant une députée noire de monter des séquences vidéo et de mentir sur le racisme auquel elle a été confrontée,[66] ou encore un faux compte de la BBC « rapportant » une fausse interview d’un chef de parti sur le sexisme.[67],[68] Au Royaume-Uni, des journalistes prises pour cible en raison de leurs reportages ont été victimes d’abus misogynes en ligne reprenant ces clichés genrés, et cherchant en particulier à saper leur légitimité et leur autonomie : des descriptions telles que « petite fille idiote » ou « marionnette » ont été employées, des commentaires à caractère sexuel ou des menaces ont été prononcés et des motifs malveillants leur ont été affectés.[69] On attribue aux femmes qui jouent un rôle dans la vie publique et particulièrement celles qui travaillent pour l’égalité des femmes des intentions malveillantes, leurs motivations féministes sont même déformées ou inventées. Par exemple, elles sont accusées de chercher à « émasculer les hommes ».[70]

6. La désinformation genrée peut être difficile à identifier, pour les humains comme pour les machines

Bien que le « mensonge, l’intention malveillante et la coordination » soient des indicateurs clés de la désinformation genrée[71], il est difficile, si ce n’est impossible, d’identifier ces facteurs dans des contenus individuels.

Les observateurs humains peuvent rencontrer des difficultés dans l’identification de la désinformation genrée, qui s’apparente souvent davantage à une insulte en ligne qu’à une désinformation « traditionnelle ». La désinformation se définit souvent comme des mensonges ou de fausses allégations, mais la désinformation genrée repose sur des stéréotypes et des jugements sociaux existants relatifs aux attributs ou aux comportements sexistes « appropriés » et peut donc ne pas être clairement fausse. Elle peut utiliser des informations authentiques, présentées de manière trompeuse ou manipulée, des rumeurs non vérifiables ou de simples jugements de valeur (qui ne peuvent être qualifiés de « vrais » ou « faux ») pour attaquer ses cibles.[72] Lorsqu’une campagne n’est pas fiable (par exemple, une fausse amplification à l’aide de trolls ou de robots payés), il peut également être difficile de l’identifier rapidement et définitivement. La désinformation genrée peut échapper à la modération humaine : elle a recours à des plaisanteries et des termes codés qui ne peuvent être compris que par les personnes ayant une connaissance approfondie du contexte politique de la campagne et de ses cibles, mais les plateformes mondiales n’investissent pas dans cette expertise nationale nécessaire.[73],[74]

La technologie se heurte à des défis similaires. La désinformation genrée fait preuve d’une « créativité maligne », en utilisant différentes formes de médias et des images et termes « codés » qui semblent inoffensifs ou dénués de sens sans contexte.[75] L’emploi d’images de boîtes d’œufs pour railler les femmes et les caractériser de « reproductrices »[76], l’utilisation de surnoms ou de termes qui ne sont utilisés que dans le cadre de cette campagne, ou l’interversion de caractères utilisés dans les insultes courantes (comme « s4lope »).[77]. Les campagnes peuvent ainsi échapper à la détection automatique et aux filtres basés sur des mots clés particuliers ou des images connues.[78] La désinformation genrée ne semble pas toujours dénigrer un certain sexe, mais elle renforce tout de même les stéréotypes néfastes : la désinformation qui relaie la perception des femmes comme des êtres « faibles » peut être interprétée comme un discours de protection des femmes, en particulier contre les actes de violence. En tant que telle, la désinformation genrée peut apparaître sous une forme similaire à un contre-discours et la compréhension du contexte plus large, qu’une machine ne peut saisir, est nécessaire pour l’identifier comme de la désinformation.[79]

7. Dans quelle mesure l’UE et le Royaume-Uni sont-ils prêts à relever ce défi ?

Le Royaume-Uni et l’UE se préparent tous deux à mettre en œuvre une réglementation plus stricte des plateformes numériques, afin de tenter de lutter contre de nombreuses formes de préjudices en ligne.[80] La nouvelle législation est un premier pas positif, mais elle ne peut à elle seule empêcher la désinformation genrée.

Les propositions du Royaume-Uni en matière de sécurité en ligne, publiées cette année, ont du potentiel : elles mettront en place un cadre réglementaire permettant un examen plus approfondi des systèmes et processus des plateformes. Cela pourrait contribuer à réduire les lacunes en matière d’application de la loi, aussi bien en ce qui concerne les mesures prises à l’encontre des abus illégaux en ligne que des abus « légaux mais préjudiciables »[81], en demandant aux plateformes de rendre des comptes sur la clarté et la cohérence de l’application de leurs processus de sélection et de suppression de ces contenus.

Toutefois, son efficacité suscite encore des inquiétudes. Premièrement, seules quelques plateformes seront tenues d’apporter des changements systématiques aux contenus « légaux mais préjudiciables » (la catégorie dans laquelle la désinformation genrée est susceptible d’entrer) et de nombreux forums plus radicaux risquent de sortir du champ d’application de ces dispositions.[82] Les changements que même les plus grandes plateformes seront censées apporter visent principalement à faire respecter des conditions de service claires, plutôt qu’à prendre des mesures proactives pour endiguer la désinformation genrée.

Deuxièmement, les propositions visent à protéger les contenus « d’importance démocratique », c’est-à-dire les contenus liés à un débat politique en cours, que les plateformes ont peut-être davantage le devoir de protéger des attaques. La désinformation genrée semble souvent être liée à des questions politiques, telles que les décisions politiques des femmes, ce qui signifie qu’elle pourrait bénéficier d’une protection spéciale contre leur éviction.

En Pologne, la législation gouvernementale ne peut être la solution. Les militant·e·s des droits humains en Pologne[83] et dans le monde entier condamnent farouchement la désinformation genrée, mais celle-ci sert les intérêts du parti au pouvoir. En effet, en janvier (2021), la Pologne a proposé une nouvelle loi qui imposerait des amendes aux plateformes de réseaux sociaux si elles supprimaient tout contenu légal en vertu de la loi polonaise ou si elles bannissaient les utilisateur·trice·s qui le publiaient.[84]

Lorsque l’UE introduira la loi sur les services numériques, il est possible qu’elle impose aux plateformes d’apporter des changements à leurs systèmes afin de réduire la diffusion de contenus qui pourraient inclure des contenus violents tels que la désinformation genrée.[85] Cependant, il devra s’agir d’obligations substantielles pour réduire la désinformation genrée. En l’état actuel des choses, seul le contenu illégal est susceptible d’entrer dans le champ d’application, ce qui limite la mesure dans laquelle des actions significatives peuvent être entreprises.

Les conseils récemment publiés sur le renforcement du Code de bonnes pratiques de l’UE en matière de désinformation sont plus prometteurs.[86] L’élargissement de la portée des « informations fausses ou trompeuses vérifiables » à « toute la gamme des techniques de manipulation » signifie que les informations émotionnelles, abusives ou codées utilisées dans les campagnes de désinformation genrée entrent dans le champ d’application.[87] Ce qui est exigé des plateformes est également plus strict : par exemple, les signataires doivent produire une « liste complète des tactiques de manipulation » qui ne sont pas autorisées. Une plus grande transparence sur la curation du contenu, l’accès indépendant aux données et le pré-test des changements de conception permettent de fournir une base de connaissances itérative cruciale sur laquelle les réponses à la désinformation genrée peuvent être construites. Cependant, les conseils ne reconnaissent pas l’impact disproportionné sur l’égalité des genres d’un grand nombre des « techniques de manipulation » qu’elles décrivent (comme les « deepfakes ») et risquent d’ignorer la nécessité d’entreprendre une action spécifique pour minimiser les dégâts causés par ces tactiques.

Il est nécessaire d’agir pour protéger l’égalité des genres et les libertés à un niveau plus fondamental. L’UE et les autres institutions internationales devraient également résister à la menace de voir les définitions des droits établis pour les femmes et les personnes LGBT+ être modifiées ou changées par des campagnes de désinformation genrée.[88]

8. Un manifeste pour le changement

Pour réduire l’impact de la désinformation genrée, les interventions doivent suivre trois étapes. Les progrès réalisés lors de chacune d’elles renforcent les autres. Les propositions visant à affaiblir la désinformation genrée doivent définir comment elles contribueront à chacun de ces facteurs :

UK Demos

Nous devons passer d’une approche réactive et étroite à une approche proactive et intersectionnelle de la désinformation genrée.[89][90] Les campagnes de haine et de désinformation numériques évoluent sur les plateformes, utilisent un langage codé et intègrent des réseaux formels et informels, ce qui signifie qu’elles peuvent évoluer rapidement en réponse aux mesures réactives.[91] Bien que les plateformes doivent continuer à se développer et à investir dans l’autonomisation et le soutien des utilisateur·trice·s pour contrôler leurs expériences en ligne et signaler les abus ou le harcèlement[92],[93], les réponses à la désinformation genrée ne peuvent se cantonner à ces seules mesures.[94]

Cela signifie qu’il est primordial d’identifier les facteurs qui augmentent le risque de différentes formes de désinformation genrée dans divers contextes et prendre des mesures pour les minimiser, plutôt que d’attendre que les campagnes se produisent et d’essayer ensuite de mettre en place une contre-attaque efficace. Il faut donc passer d’un modèle où il incombe aux femmes de dénoncer les agresseurs à un modèle où les environnements d’information sont repensés pour réduire le risque de désinformation genrée.[95]

Les décideur·se·s politiques, les plateformes et la société civile doivent créer des systèmes d’alerte précoce permettant de signaler et d’identifier les campagnes de désinformation genrée. Des initiatives telles que le système d’alerte rapide de l’UE, qui permet des réponses internationales rapides et coordonnées de la part des gouvernements et des plateformes face à une menace de désinformation en constante évolution, pourraient être déployées en réponse aux campagnes de désinformation genrée nouvellement identifiées.[96] Cependant, la désinformation genrée étant une tactique utilisée par les États autoritaires, nous ne pouvons pas compter uniquement sur les gouvernements pour provoquer un changement.[97]

Vous trouverez ci-dessous une compilation des démarches qui peuvent être entreprises par les différentes parties prenantes pour réduire de manière proactive l’incidence, la diffusion et l’impact de la désinformation genrée. Ensemble, elles constituent un manifeste pour le changement : pour mieux protéger les individus, la démocratie, la sécurité et les droits humains.

PRÉVENTION : comment limiter la désinformation genrée ?

Gouvernements/Institutions internationales

  • Maintenir et défendre les définitions établies des droits et libertés des femmes et des personnes LGBT+, qui risquent d’être utilisés comme des armes contre elleux[98]
  • Légiférer pour s’assurer que les plateformes respectent certaines normes de conception, en veillant à ce qu’elles soient sensibles à la dimension de genre[99]
  • Soutenir les programmes de lutte contre l’inégalité des genres et l’oppression sexiste[100]
  • Les membres des partis politiques doivent veiller à ce que la campagne n’exacerbe pas les stéréotypes sexistes et n’attaque pas les autres candidat·e·s de manière sexiste[101]
  • Introduire des normes sensibles au genre pour les campagnes politiques que les politicien·ne·s doivent respecter[102]
  • Créer des comités pour l’égalité des genres afin d’évaluer la législation concernant tout effet discriminatoire potentiel[103]
  • Réserver une partie des taxes prélevées sur les services numériques pour financer des initiatives de lutte contre la violence sexiste en ligne[104]

Plateformes

  • Tester l’impact des choix de conception sur l’incidence de la désinformation genrée et prendre des décisions en conséquence[105]
  • Rendre les données plus facilement accessibles aux chercheur·euse·s afin de soutenir le suivi et l’identification de la désinformation genrée[106]

Médias

  • Veiller à ce que les reportages sur les personnes participant à la vie publique tiennent compte de la dimension de genre et ne renforcent pas les stéréotypes nuisibles[107]

Société civile

  • Soutenir une plus grande visibilité de la solidarité numérique des hommes pour créer un changement culturel de non-tolérance des abus dans les communautés en ligne[108]
  • S’engager avec les parties prenantes au niveau international pour développer la recherche et la compréhension de la désinformation genrée[109],[110],[111]
  • Veiller à ce que la recherche sur la désinformation et la haine en ligne soit menée en tenant compte de la dimension de genre
  • Accroître la recherche et les enquêtes sur la désinformation genrée dans les pays du Sud afin de contrebalancer le biais de la recherche axée sur les pays du Nord [112]

RÉDUIRE : comment limiter la propagation de la désinformation genrée ?

Gouvernements/Institutions internationales

  • Créer des systèmes d’alerte précoce comme il en existe pour faire face à d’autres risques croissants de violence[113]
  • Investir dans des initiatives d’éducation au numérique et aux médias[114]
  • Reconnaître que la protection des droits en ligne, y compris la protection de la liberté d’expression, nécessite une action contre la désinformation genrée[115]
  • Veiller à ce que la législation soit suffisamment souple pour répondre de manière dynamique à l’évolution des technologies et des menaces[116]
  • Implémenter une surveillance indépendante des changements apportés par les plateformes et de la manière dont elles répondent aux campagnes de désinformation genrée[117]
  • Exiger des plateformes qu’elles fournissent un soutien psychologique complet aux modérateur·ice·s humain·e·s[118]
  • Implémenter des mesures visant à perturber les modèles économiques des plateformes qui tirent profit de la désinformation genrée (par exemple en accordant des allégements fiscaux uniquement aux plateformes qui respecteraient certaines normes de traitement du contenu et de prévention des dommages)[119]

Plateformes

  • Améliorer les processus d’évaluation continue des menaces et les systèmes d’alerte précoce, en faisant appel à des expert·e·s locaux[120],[121],[122],[123],[124],[125]
  • Faciliter le signalement simultané de plusieurs postes et/ou messages[126]
  • Donner aux utilisateur·trice·s la possibilité de fournir un cadre à examiner par les modérateur·trice·s lorsqu’iels soumettent des signalements d’abus ou de harcèlement[127]
  • Améliorer les systèmes de gestion de contenu : apporter des modifications aux systèmes de gestion de contenu afin d’affaiblir la désinformation genrée et de promouvoir la communication visant à perturber les contenus en ligne diffusés par des individus extrémistes (« countermessaging » en anglais)[128],[129],[130],[131],[132],[133]
  • Renforcer les conditions de service pour définir clairement les différentes formes de violence en ligne, interdire la désinformation genrée et faire appliquer ces conditions de manière cohérente[134],[135]
  • Améliorer les systèmes de modération du contenu : renforcer l’application en augmentant et en soutenant la modération humaine[136],[137]
  • Recourir à un examen et à une mise à jour itératifs des outils et pratiques de modération en consultation avec des expert·e·s qui comprennent le contexte concerné[138],[139] et mettre à jour rapidement les processus de modération en réponse aux nouvelles campagnes[140],[141],[142],[143]
  • Partager des données sur la manière dont différentes contributions affectent la diffusion de la désinformation et de la mésinformation sur leurs services[144]
  • Offrir aux utilisateur·trice·s davantage d’informations et de moyens d’actions pour contrôler les réponses lorsque leur contenu est largement partagé et leur permettre de partager ces compétences avec des « contacts de confiance »[145]

Médias

  • Soutenir les initiatives d’éducation numérique et d’éducation aux médias[146]
  • Les reportages sur la désinformation genrée doivent la dénoncer clairement et éviter d’amplifier les récits marginalisants[147],[148]

Société civile

  • S’impliquer dans le countermessaging pour promouvoir l’égalité des genres en tant que principe clé des idéaux utilisés comme des armes, tels que l’identité nationale[149]
  • Travailler à identifier la manière dont le droit international des droits humains peut être appliqué par les entreprises privées dans les décisions de modération de contenu[150]
  • Développer une coordination au niveau international pour tirer la sonnette d’alarme sur les nouvelles campagnes de désinformation genrée et proposer des solutions viables[151],[152],[153]

RÉPONSE : comment réduire les effets néfastes de la désinformation genrée ?

Gouvernements/Institutions internationales

  • Investir dans des programmes qui soutiennent les personnes intervenant dans la vie publique visées par la désinformation genrée
  • Investir dans la formation des forces de l’ordre sur le fonctionnement de l’abus en ligne et sur la manière dont elles doivent réagir aux signalements de menaces ou d’abus[154]

Plateformes

  • Rendre le processus de signalement de la désinformation genrée plus clair et plus transparent et prévoir un soutien et des ressources plus importants pour les personnes visées[155]
  • Veiller à ce que les informations et les outils destinés aux utilisateur·trice·s soient expliqués dans un langage clair et accessible[156]
  • Renforcer les pouvoirs des utilisateur·trice·s pour qu’iels puissent bloquer ou restreindre le contenu ou la manière dont les autres utilisateur·trice·s peuvent les contacter ou interagir avec leurs messages[157],[158]
  • Investir dans des systèmes qui réagissent rapidement pour supprimer des comptes ou du contenu, y compris dans les canaux privés[159]
  • Introduire des systèmes de modération à la fois automatisés mais aussi d’autres gérés par l’humain, spécifiquement conçus pour identifier les incitations probables à la violence en réponse à une campagne ou au discours d’une personne spécifique[160]

Médias

  • S’engager auprès des plateformes à soutenir les initiatives de vérification des faits pour discréditer les campagnes de désinformation genrée

Société civile

  • Mener des recherches longitudinales pour suivre les impacts financiers et politiques à long terme de la désinformation et de ses effets paralysants[161],[162],[163]
  • Soutenir les personnes ciblées par la désinformation genrée par des formations à la sécurité numérique[164]
  • Éviter de présenter les solutions à la désinformation genrée comme étant du ressort de la cible (par exemple, en se contentant de « ne pas s’engager »)[165]

 

Nous remercions Mandu Reid, leader du Parti pour l’égalité des femmes au Royaume-Uni, Eliza Rutynowska, avocate au Forum pour le développement civil (FOR) en Pologne, et Marianna Spring, journaliste spécialisée dans la désinformation et les médias sociaux à la BBC, pour leur contribution.

 


logo DEMOS UK
Ce travail a été réalisé par Demos et a bénéficié de l’appui du bureau de l’Union européenne de la fondation Heinrich-Böll.

Cet article a été publié par le bureau de Bruxelles de la  Fondation Heinrich Böll le 9 juillet 2021, retrouvez-le en langue originale anglaise en cliquant ici.


[1] https://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[2] https://www.disinfo.eu/publications/misogyny-and-misinformation:-an-analysis-of-gendered-disinformation-tactics-during-the-covid-19-pandemic/https://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-aligned-gendered-disinformation-online/https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KWhttps://speier.house.gov/_cache/files/6/c/6c8eec9e-eadf-4aac-a416-38597…

[3] https://demos.co.uk/project/warring-songs-information-operations-in-the-digital-age/https://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[4] https://scholarworks.umass.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1075&context…

[5] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[6] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-u…

[7] See https://protectionapproaches.org/identity-based-violence pour une explication de la violence basée sur l’identité

[8] Entretien avec Mandu Reid

[9] https://www.nytimes.com/2021/06/03/us/disinformation-online-attacks-fem…

[10] https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-…

[11] https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/csw/6…

[12] Entretien avec Marianna Spring

[13] https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-… ; https://www.wilsoncenter.org/publication/malign-creativity-how-gender-sex-and-lies-are-weaponized-against-women-onlinehttps://policyblog.stir.ac.uk/2020/03/23/gendered-misinformation-online-violence-against-women-in-politics-capturing-legal-responsibility/https://mediawell.ssrc.org/expert-reflections/disinformation-democracy-…

[14] Entretien avec Mandu Reid

[15] https://genderit.org/feminist-talk/approaching-fight-against-autocracy-feminist-principles-freedom; entretien avec Mandu Reid

[16] https://www.bbc.co.uk/news/election-2019-50246969

[17] https://www.bbc.co.uk/news/election-2019-50246969

[18] https://www.theguardian.com/politics/2019/oct/18/violent-threats-agains…

[19] https://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-49247808

[20] Entretien avec Mandu Reid

[21] Entretien avec Mandu Reid

[22] https://www.amnesty.org.uk/press-releases/uk-online-abuse-against-black-women-mps-chilling; entretien avec Mandu Reid

[23] https://mediawell.ssrc.org/expert-reflections/disinformation-democracy-…

[24] https://thesentinelproject.org/2021/05/31/gendering-misinformation-mana…

[25] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-u…

[26] https://www.codastory.com/authoritarian-tech/pakistan-harassment-journa…

[27] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-u…

[28] https://www.opendemocracy.net/en/5050/chicago-kiev-women-send-solidarit…

[29] https://www.vice.com/en/article/qj8pqv/poland-far-right-lgbtq-law-and-j…

[30] https://coinform.eu/gendered-misinformation-online-violence-against-wom…

[31] https://mediawell.ssrc.org/expert-reflections/disinformation-democracy-…

[32] Entretien avec Mandu Reid

[33] https://www.nytimes.com/2021/06/03/us/disinformation-online-attacks-fem…

[34] https://www.thenationalnews.com/world/far-right-still-a-growing-threat-five-years-after-uk-politician-jo-cox-s-murder-by-neo-nazi-1.1242642https://www.thenationalnews.com/world/europe/hope-not-hate-far-right-th…

[35] https://www.theguardian.com/uk-news/2016/nov/23/thomas-mair-slow-burnin…

[36] https://blogs.lse.ac.uk/politicsandpolicy/politics-as-usual-rising-viol…

[37] https://www.theguardian.com/technology/2016/jun/18/vile-online-abuse-ag…

[38] https://www.theguardian.com/global-development/2021/mar/09/afghanistan-…

[39] https://rioonwatch.org/?p=63454https://piaui.folha.uol.com.br/lupa/2019/03/25/artigo-fake-news-mariell…

[40] https://demtech.oii.ox.ac.uk/wp-content/uploads/sites/127/2021/03/Case-…

[41] https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/jun/22/jair-bolsonaro-fa…

[42] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[43] https://dangerousspeech.org/to-keep-social-media-from-inciting-violence…

[44] https://www.academia.edu/905194/Genocidal_Language_Games; entretien avec Eliza Rutynowska

[45] https://mediawell.ssrc.org/literature-reviews/hate-speech-information-d…

[46] Voir https://protectionapproaches.org/identity-based-violence pour une explication de la violence basée sur l’identité

[47] https://mediawell.ssrc.org/expert-reflections/disinformation-democracy-…

[48] https://www.disinfo.eu/publications/misogyny-and-misinformation:-an-ana…

[49] https://www.nytimes.com/2021/06/03/us/disinformation-online-attacks-fem…

[50] https://www.disinfo.eu/publications/misogyny-and-misinformation:-an-ana…

[51] https://www.disinfo.eu/publications/misogyny-and-misinformation:-an-analysis-of-gendered-disinformation-tactics-during-the-covid-19-pandemic/https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-FINAL.pdfhttps://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW

[52] Entretien avec Eliza Rutynowska

[53] Entretien avec Eliza Rutynowska

[54] https://www.hrw.org/news/2021/03/31/poland-escalating-threats-women-act…

[55] https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-…

[56] https://www.euronews.com/2020/06/15/polish-president-says-lgbt-ideology-is-worse-than-communism; entretien avec Eliza Rutynowska

[57] https://notesfrompoland.com/2021/06/23/lgbt-deviants-dont-have-same-rights-as-normal-people-says-polish-education-minister/; entretien avec Eliza Rutynowska

[58] https://www.bbc.co.uk/news/stories-54191344

[59] https://www.reuters.com/article/us-poland-lgbt-europe-trfn-idUSKBN2AA20S

[60] https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-53673411

[61] https://www.hrw.org/news/2021/03/31/poland-escalating-threats-women-act…

[62] https://www.hrw.org/news/2021/03/31/poland-escalating-threats-women-act…

[63] https://www.amnesty.org.uk/press-releases/uk-online-abuse-against-black-women-mps-chilling

[64] Une étude récente portant sur les abus à l’encontre de femmes politiques internationales, y compris la ministre britannique de l’Intérieur, n’a pas trouvé de preuves de l’existence de campagnes de désinformation genrée à son encontre, mais a conclu que des travaux supplémentaires étaient nécessaires pour en déterminer la raison et pour révéler ce que cela indique sur la désinformation genrée au Royaume-Uni en général. Les travaux supplémentaires pourraient indiquer que les campagnes de désinformation genrée très médiatisées et coordonnées de manière sophistiquée sont actuellement moins courantes au Royaume-Uni. Cependant, il existe de multiples exemples de désinformation genrée utilisée contre des femmes politiques au Royaume-Uni depuis de nombreuses années. - voir https://www.wilsoncenter.org/publication/malign-creativity-how-gender-s…

[65] https://www.theguardian.com/politics/2019/oct/06/stella-creasy-anti-abortion-group-police-investigate-extremist-targetinghttps://www.theguardian.com/world/2019/oct/03/london-council-orders-ant…

[66] Voir également https://inews.co.uk/news/politics/dawn-butler-video-police-stopped-labo…

 https://firstdraftnews.org/latest/uk-general-election-2019-the-false-mi…

[67] https://firstdraftnews.org/articles/uk-general-election-2019-the-false-…

[68] De même qu’un article satirique devenu viral et considéré comme authentique, affirmant qu’il y avait des images « atroces » d’elle tuant des écureuils  https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/jo-swinson-squirrels-sho…

[69] Entretien avec Marianna Spring

[70] Entretien avec Mandu Reid

[71]https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/document…

[72] https://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[73]https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/documents/Report%20Malign%20Creativity%20How%20Gender%2C%20Sex%2C%20and%20Lies%20are%20Weaponized%20Against%20Women%20Online_0.pdfhttps://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[74] https://www.theguardian.com/technology/2018/aug/16/facebook-myanmar-fai…

[75] https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/document…

[76] https://www.wired.com/story/online-harassment-toward-women-getting-more…

;https://www.mediasupport.org/blogpost/digital-misogyny-why-gendered-dis…

[77] https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/document…

[78]https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/documents/Report%20Malign%20Creativity%20How%20Gender%2C%20Sex%2C%20and%20Lies%20are%20Weaponized%20Against%20Women%20Online_0.pdfhttps://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[79] https://demos.co.uk/project/engendering-hate-the-contours-of-state-alig…

[80] https://www.gov.uk/government/news/landmark-laws-to-keep-children-safe-…

[81] Entretiens avec Mandu Reid et Marianna Spring

[82] https://graziadaily.co.uk/life/in-the-news/online-safety-bill-major-con…

[83] https://notesfrompoland.com/2020/10/30/the-symbols-of-polands-abortion-…

[84] bbc.co.uk/news/technology-55678502

[85] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/QANDA_20_2348

[86] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/guidance-strengthening…

[87] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/policies/code-practice-disinfo…

[88] Entretien avec Eliza Rutynowska

[89] https://carnegieendowment.org/2020/11/30/tackling-online-abuse-and-disi…

[90] https://counteringdisinformation.org/topics/gender/2-current-and-promis…

[91] https://mediawell.ssrc.org/literature-reviews/hate-speech-information-d…

[92] https://webfoundation.org/2021/07/generation-equality-letter/

[93] https://www.dailydot.com/debug/tech-companies-commitment-fight-online-g…

[94] https://weareultraviolet.org/putting-the-onus-on-women-is-a-pr-stunt-th…

[95] https://mediawell.ssrc.org/expert-reflections/disinformation-democracy-and-the-social-costs-of-identity-based-attacks-online/, Entretien avec Marianna Spring

[96] https://www.euractiv.com/section/digital/news/eu-alert-triggered-after-…

[97] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-use-gender-weapon/?utm_medium=social&utm_campaign=wp_opinions&utm_source=twitter; Entretien avec Eliza Rutynowska

[98] Entretien avec Eliza Rutynowska

[99] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[100] https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uplo…

[101] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW

[102] https://issuu.com/migsinstitute/docs/whitepaper_final_version.docx

[103] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-u…

[104] https://glitchcharity.co.uk/tech-tax-campaign/

[105] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/guidance-strengthening…

[106] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/guidance-strengthening…

[107] https://weareultraviolet.org/wp-content/uploads/2021/01/uv-vp-reporting…

[108] Entretien avec Mandu Reid

[109] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[110] https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/csw/6…

[111] https://www.mediasupport.org/news/gendered-disinformation-and-what-can-…

[112] https://mediawell.ssrc.org/literature-reviews/hate-speech-information-d…

[113] https://earlywarningproject.ushmm.org/about

[114] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW

[115] https://www.leaf.ca/wp-content/uploads/2021/04/Full-Report-Deplatformin…

[116] Entretien avec Mandu Reid

[117] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[118] https://www.foxglove.org.uk/news/open-letter-from-content-moderators-re…

[119] https://issuu.com/migsinstitute/docs/whitepaper_final_version.docx; Entretien avec Mandu Reid

[120] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW

[121] https://carnegieendowment.org/2020/11/30/tackling-online-abuse-and-disi…

[122] https://counteringdisinformation.org/topics/gender/2-current-and-promis…

[123] https://docs.wixstatic.com/ugd/f4d9b9_ce178075e9654b719ec2b4815290f00f…

[124] https://counteringdisinformation.org/topics/gender/2-current-and-promis…

[125] https://counteringdisinformation.org/topics/gender/2-current-and-promis…

[126] https://www.mediasupport.org/blogpost/digital-misogyny-why-gendered-dis…

[127] https://uploads-ssl.webflow.com/6059db55178602abe7e34c9c/60dcf9fa401ea0…

[128] https://speier.house.gov/_cache/files/6/c/6c8eec9e-eadf-4aac-a416-38597…

[129] https://www.mediasupport.org/blogpost/digital-misogyny-why-gendered-dis…

[130] https://www.ripoti.africa/site/index

[131] https://www.wired.com/story/online-harassment-toward-women-getting-more…

[132] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW, Entretien avec Marianna Spring

[133] https://carnegieendowment.org/2020/11/30/tackling-online-abuse-and-disi…

[134] https://webfoundation.org/2020/11/the-impact-of-online-gender-based-vio…

[135] https://www.wired.com/story/online-harassment-toward-women-getting-more…

[136] https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-…

[137] https://docs.wixstatic.com/ugd/f4d9b9_ce178075e9654b719ec2b4815290f00f…

[138] https://demos.co.uk/wp-content/uploads/2020/10/Engendering-Hate-Report-FINAL.pdf

[139] https://docs.wixstatic.com/ugd/f4d9b9_ce178075e9654b719ec2b4815290f00f…

[140] https://webfoundation.org/2020/11/the-impact-of-online-gender-based-vio…

[141] https://docs.wixstatic.com/ugd/f4d9b9_ce178075e9654b719ec2b4815290f00f…

[142] https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/media/uploads/document…

[143] https://speier.house.gov/_cache/files/6/c/6c8eec9e-eadf-4aac-a416-38597…

[144] Entretien avec Mandu Reid

[145] https://uploads-ssl.webflow.com/6059db55178602abe7e34c9c/60dcf9fa401ea0…

[146] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW

[147] https://docs.wixstatic.com/ugd/f4d9b9_ce178075e9654b719ec2b4815290f00f…

[148] https://weareultraviolet.org/wp-content/uploads/2021/01/uv-vp-reporting…

[149] https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/06/07/how-authoritarians-u…

[150] https://items.ssrc.org/disinformation-democracy-and-conflict-prevention…

[151] https://www.brookings.edu/techstream/gendered-disinformation-is-a-natio…

[152] https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/csw/6…

[153] https://www.mediasupport.org/news/gendered-disinformation-and-what-can-…

[154] Entretien avec Marianna Spring

[155] https://uploads-ssl.webflow.com/6059db55178602abe7e34c9c/60dcf9fa401ea0…

[156] https://uploads-ssl.webflow.com/6059db55178602abe7e34c9c/60dcf9fa401ea0…

[157] https://www.beautiful.ai/player/-MSj9MbXLfaRfSreqNeL/Womens-Disinfo-KW, Entretien avec Marianna Spring

[158] https://carnegieendowment.org/2020/11/30/tackling-online-abuse-and-disi…

[159] Entretien avec Marianna Spring

[160] https://dangerousspeech.org/to-keep-social-media-from-inciting-violence…

[161] https://www.mediasupport.org/news/gendered-disinformation-and-what-can-be-done-to-counter-it/; Entretien avec Mandu Reid

[162] https://www.mediasupport.org/blogpost/digital-misogyny-why-gendered-dis…

[163]https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/866351/How_to_Guide_on_Gender_and_Strategic_Communication_in_Conflict_and_Stabilisation_Contexts_-_January_2020_-_Stabilisation_Unit.pdf

[164] https://glitchcharity.co.uk/wp-content/uploads/2021/04/Dealing-with-digital-threats-to-democracy-PDF-FINAL-1.pdf

[165] Entretien avec Marianna Spring

 


[1] NdT : « incel » (contraction d’« involuntary celibate », comprenez « célibataire involontaire » en français) désigne des hommes célibataires malgré leur désir d’être en couple.