Alternatives aux pesticides: les territoires qui sèment essaiment

Atlas des pesticides

Si la France est loin d’être sortie des pesticides, malgré leur impact négatif sur l’environnement et la santé, de nombreuses initiatives sur les territoires visent à réduire ou supprimer l’utilisation des pesticides, menées par différents types d’acteurs à des échelles diverses : agriculteurs, entreprises, collectivités territoriales, associations, organismes de recherche…

Carte des alternatives aux pesticides

Les agriculteurs sont les premiers acteurs concernés. L’Agriculture biologique, seul label qui garantit la non-utilisation de pesticides de synthèse, progresse, avec 13,4% de fermes bio fin 2021 (près de 60 000). La surface en agriculture bio est passée de 2% de la surface agricole française en 2005 à 10,34% en 2021. Et 8 départements sont à 30% ou plus de surface en bio (Var et Hautes-Alpes 43%, Bouches-du-Rhône 40%, Pyrénées Orientales 39%, Drôme et Alpes de Haute-Provence 32%, Vaucluse et Gard 30%). La moyenne européenne est autour de 9 % de surface agricole bio, loin de l’objectif de 25% pour 2030. D’autres agriculteurs réduisent leur utilisation de pesticides sans passer en bio, avec des pratiques agroécologiques diverses. Le réseau de fermes Dephy, lié au plan Ecophyto, rassemble environ 250 groupes d’agriculteurs, et plus de 1900 exploitations engagées dans la baisse des pesticides.

La suppression des pesticides ne peut se faire durablement sans un changement de système agricole, car il est nécessaire de combiner un ensemble de pratiques : cultures plus diversifiées, rotations plus longues, cultures associées, couverts végétaux, voire agroforesteries ou haies, lutte biologique... Aussi, des régions ont misé sur la formation, comme le Centre Val de Loire, avec le lycée agricole de Montloire-sur-Cher : la région a racheté une ferme d’application pour en faire un lieu d’apprentissage de l’agriculture biologique. Des expérimentations de systèmes agricoles innovants sans pesticides sont également menées par divers acteurs, comme le verger circulaire agroécologique de Gotheron, porté par l’Inrae (Institut national de recherche agronomique et en environnement), qui crée une biodiversité maximale limitant maladies et ravageurs, comme alternative aux pesticides. D’autres acteurs proposent des produits alternatifs pour les agriculteurs : semences biologiques, starts up proposant des substances alternatives non toxiques …

Un autre enjeu concerne la poursuite de la culture des sols dans des zones contaminées aux pesticides, comme les Antilles. En Martinique, des initiatives permettent de recultiver des terres polluées, tandis que la culture de l’igname « koko milé » hors sol permet d’éviter la contamination. Dans d’autres régions, des agences de l’eau financent la conversion en agriculture bio, pour réduire la pollution de l’eau.

Les pesticides sont aussi utilisés en dehors du secteur alimentaire, pour produire des fleurs ou des plantes décoratives, et là aussi des initiatives émergent. Par exemple, l’association Sapins bio de France regroupe des producteurs de sapins dans 6 régions françaises. La tige locale, en Mayenne, produit des fleurs coupées sans pesticides, alors que beaucoup de fleurs sont importées et produites avec de nombreux traitements chimiques.

Les alternatives concernent également les espaces verts publics (forêts, jardins publics, cimetières, etc.). La loi Labbé y interdit depuis 2017 l'usage de pesticides chimiques. Ils sont interdits dans l’entretien des forêts publiques en 2019. Depuis juillet 2022, l’interdiction s'étend aux propriétés privées, aux lieux accueillant du public ou à usage collectif. Pour les stades, l’interdiction ne sera effective qu’en 2025. Certaines municipalités ont été pionnières : la ville de Rennes, depuis déjà 2011, n’utilise plus de pesticides sur ses 23 terrains de sport. De nombreuses communes en France se sont engagées vers le « zéro phyto ». Certaines sont très actives, comme Langouët en Bretagne, qui a fait un arrêté pour interdire l’usage de pesticides à moins de 150 m d’une habitation. Depuis janvier 2019, les pesticides chimiques sont interdits pour les particuliers (vente et usage). Seuls les produits de biocontrôle, à faible risque, ou permis en agriculture biologique restent autorisés dans tous ces usages. Là encore, certains ont devancé l’appel, comme les jardineries Botanic, qui ont cessé de vendre des pesticides dès 2008, et qui collectent depuis 2014 les pesticides auprès des jardiniers amateurs, en leur proposant des alternatives.

Carte des alternatives aux pesticides
Les alternatives aux pesticides sont variées et nombreuses sur le territoire, regroupant des acteurs diversifiés, qui n'ont pas pu tous être cités.

Un des principaux leviers d’action pour les collectivités est la restauration collective dans les cantines, de la crèche au lycée. Des plateformes, souvent coopératives, initiées par différents acteurs, mettent en contact les établissements scolaires avec les producteurs ou transformateurs locaux. À cela, certains territoires rajoutent une incitation financière pour les établissements qui proposent plus de produits bio, comme les collèges de la Drôme. D’autres communes ont encouragé des agriculteurs bio à s’installer sur leur territoire pour produire pour les cantines de la ville…

Pour qu’une agriculture sans pesticide puisse être viable, il faut aussi penser l’ensemble de la filière, incluant le stockage et la transformation, garantissant un débouché aux agriculteurs et à leurs produits. La demande citoyenne a « tiré » le développement de l’agriculture bio, mais les transformateurs et distributeurs ne savent pas toujours où s’approvisionner. La Fnab (fédération nationale des agriculteurs bio) travaille depuis 2017 avec Picard pour faire le lien avec des producteurs de légumes bio et créer des filières durables et équitables de légumes surgelés. Ces initiatives sont souvent « multi-acteurs », avec des groupements d’agriculteurs bio et des coopératives ou transformateurs, à l’exemple d’un silo dédié au stockage de céréales bio à La Rochelle, ou d’une nouvelle filière d’orge de brasserie bio en Franche Comté.

C’est toute cette panoplie d’initiatives, souvent en avance sur les lois, associant des acteurs locaux qui, si elles continuent à essaimer et sont soutenues par les politiques publiques à différentes échelles, pourra permettre de dessiner une France sans pesticides.

 

Sources :

p.62 : Agence bio, juin 2022, les chiffres 2021 du secteur bio, dossier de presse, https://bit.ly/41S2bc9. Toutes les autres sources concernant les projets sont consultables sur https://fr.boell.org/fr/alternatives-aux-pesticides.