Comment les 36 partis membres de la coalition du Parti vert européen (PVE) s’en sont-ils sortis lors des 213 élections nationales ou locales qui ont eu lieu en 2023 ? Bien que certains aient été évincés de leurs fiefs, d’autres sont parvenus à maintenir voire renforcer leur maigre influence ailleurs. Et cela grâce à des compromis signés avec les grands partis.
Le Parti vert européen (PVE) regroupe tous les partis écologistes d’Europe. Légalement, il dispose du même statut que les partis politiques européens, ce qui signifie qu’il est officiellement reconnu par l’Union européenne, qui lui envoie des fonds en vue de soutenir la démocratie des partis au niveau européen. Et si le PVE ne se présente pas directement aux élections, ses membres oui.
Législatives, présidentielles : au coeur de la démocratie électorale
Les élections législatives sont capitales. Leur impact est double : elles influencent la politique gouvernementale d’un paus, mais aussi la composition du Conseil européen.
En Bulgarie, le Mouvement vert (“Zeleno dvizhenie”, ZD) fait partie du PVE. Lors des élections anticipées du 2 avril 2023, il s’est présenté au sein de la coalition centriste “Nous continuons le changement” ce qui lui a permis – comme en 2022 – de remporter trois sièges sur les 240 de l’Assemblée nationale bulgare. La ministre du Tourisme Zaritsa Dinkova représente le parti vert au sein du gouvernement mené par le Premier ministre Nikolaï Denkov, également membre du Conseil européen. C’est la première fois que le parti ZD obtient un ministère.
Même chose en Pologne, où le Parti des verts (Partia Zieloni, PZ) a défendu le 15 octobre 2023 ses trois sièges (sur les 460 de la chambre basse du Parlement) en signant un accord avec les centristes de la Coalition civique (Koalicja Obywatelska, KO). Le parti n’a toujours aucun siège dans la chambre haute de Pologne, le Sénat. On s’attend pourtant à ce qu’il joue un rôle dans la formation du prochain gouvernement du leader centriste Donald Tusk, qui représenterait également le pays au Conseil européen.
En Espagne, aucun des trois membres du PVE n’ont pu obtenir une représentation lors des élections sénatoriales du 23 juillet 2023. Cependant, le parti Sumar (Parti unioniste, SMR), qui conserve de bonnes relations avec les verts européens et dirige la coalition de gauche pro-environnement éponyme, a gagné dix des 350 sièges au Congrès des députés. Un autre membre du PVE, Catalogne en commun (Catalunya en Comú, CatComú), a quant à lui remporté cinq sièges. Ernest Urtasun, membre de CatComú, a été nommé ministre de la Culture au sein du gouvernement formé le 21 novembre 2023 par le Premier ministre – également membre du Conseil européen – Pedro Sánchez. D’autres ministères ont également été distribués à certains membres de la coalition Sumar.
Le 11 juin 2023, le parti membre du PVE au Monténégro, le Mouvement civique Action réformiste unie (Građanski pokret Ujedinjena reformska akcija, URA), a remporté quatre des 81 sièges du Parlement, plus qu’il n’en a jamais gagné depuis sa création en 2015. Cela grâce à une alliance multipartite nommée Aleksa et Dritan – Comptez sur la bravoure ! (Aleksa i Dritan – Hrabro se broji!). Pourtant, l’URA a décidé de rejoindre les rangs de l’opposition après avoir appartenu à – et même dirigé – un gouvernement de coalition très instable entre 2020 et 2023.
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La Ligue verte (Vihreä liitto, Vihr.) représente le PVE en Finlande. Aux dernières élections, il a dévissé de 11,5 à 7 % – son pire résultat depuis 1995. C’est le plus fort recul d’un parti à avoir été constaté lors de l’élection du 2 avril 2023. Un échec qui a joué un rôle majeur dans la défaite du rassemblement de partis de centre-gauche dirigé par l’ex-Première ministre Sanna Marin, qui a également perdu le siège finlandais au Conseil européen au profit d'un gouvernement de centre-droit. Le 15 octobre 2023, les électeurs et électrices de la province autonome finnoise d’Åland ont également élu leurs députés. Le parti membre du PVE, Initiative durable (Hållbart initiativ, Hi), y a dégringolé de 3,2 points, pour ne représenter que 5,1 % des votes.
Catastrophe similaire au Luxembourg avec la chute des Verts (déi gréng), les écologistes passant de 15,1 % à 8,6 % lors des élections du 8 octobre 2023. Les Verts de Suisse sont passés de 13,2 à 9,4 % au Conseil national (chambre basse) et de cinq à trois sièges au Conseil des Etats (chambre haute).
Aux Pays-Bas, la Gauche verte (GroenLinks, GL), a réussi quant à elle à contrecarrer la morosité ambiante en faisant liste commune avec le parti travailliste (Partij van de Arbeid,PvdA, centre gauche). À priori, cette manœuvre lui permettra d’obtenir 13 sièges, près du double de ce qu’elle avait obtenu en 2021 (sept sièges). Lors des élections sénatoriales, le parti vert a pu obtenir sept sièges sur 75.
Les Verts sont encore plus mal en point dans d’autres pays. Le 5 mars 2023, en Estonie, le Parti vert estonien (Erakond Eestimaa Rohelised, EER), est passé de 1,8 % à 1 % des voix en échouant à remporter un siège de plus au parlement monocaméral du pays. En Grèce, les Verts écologistes (Oikologoi Prasinoi, OP) ont tenté de faire cavalier seul lors des dernières élections législatives, après s’être présentés sur la liste SYRIZA aux élections de 2015 et 2019. Le parti a remporté 0,6 % des votes en mai 2023, et 0,4 % en juin, lors des élections anticipées. Vert et Mauve (Prasino+Mov), une alliance multipartite reconnue par le PVE, a quant à elle remporté 0,3 % des votes en juin.
Il est toutefois important de garder en mémoire les succès électoraux de la fin des années 2010 quand on évoque les pertes électorales d’aujourd’hui. Lors des élections européennes de 2019, les membres du PVE ont en effet connu des victoires historiques un peu partout sur le continent, un sentiment de victoire qui a rapidement été douché par la pandémie de Covid-19 en 2020, puis par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la montée de l’inflation.
En Turquie, le Parti de la gauche verte (Yeşil Sol Parti, YSP) souhaite devenir membre du PVE. Avec ses alliés, il a dû faire preuve de créativité pour participer aux élections législatives nationales du 14 mai 2023, face à un environnement politique de plus en plus oppressif. Le fait de faire liste commune avec le Parti démocratique des peuples (Halkların Demokratik Partisi, HDP), célèbre opposant au président de la république Recep Tayyip Erdoğan dont l’existence est aujourd’hui menacée, n’a pas simplement assuré la victoire des candidats HDP : cela a été un très gros coup de com’. L’Alliance du travail et de la liberté (Emek ve Özgürlük İttifakı, EÖI), dirigée par l’YSP , a pu faire son entrée au parlement monocaméral turc avec 8,8 % des votes. Après les élections, le Parti de la gauche verte a été rebaptisé Parti de l'égalité et de la démocratie des peuples, (Halkların Eşitlik ve Demokrasi Partisi, HEDEP) afin de fournir une plateforme continue pour les activités politiques du HDP.
La Serbie devrait tenir des élections législatives le 17 décembre. Le Front de la gauche verte (Zeleno-levi front, ZLF) a déposé une candidature pour appartenir au PVE.
En France, 170 des 348 sièges que compte le Sénat devaient être pourvus lors des élections du 24 septembre. Le groupe Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (EST) a gagné cinq sénateurs de plus, passant de 12 à 17 sièges – dont 12 élus du parti Europe Écologie Les Verts (EÉLV), qui devrait bientôt être renommé Les Écologistes – Europe Écologie Les Verts.
Du reste, aucun membre du PVE n’a été élu lors des dernières élections législatives en Andorre (2 avril 2023), à Gibraltar (15 octobre), à Monaco (5 février) et en Slovaquie (30 septembre),
Au-delà des parlements nationaux
Les membres du PVE n’ont pas présenté de candidats aux élections présidentielles de 2023. Ni en République tchèque en janvier, ni à Chypre en février, ni au Monténégro en mars et avril, ni en Turquie en mai, ni en Lettonie en mai. La république de Saint-Marin a connu deux élections capitales en mars et en septembre, mais les Verts n’ont aucun représentant dans le micro-État.
Des élections législatives régionales se sont également tenues en Autriche (Carinthie, Basse Autriche et Salzbourg), en Grèce, en Italie (dans le Latium, la Lombardie, Molise, Trentin et le Tyrol du Sud), aux Pays-Bas, Norvège et Portugal (Madère), en Espagne (Aragon, Asturies, Baléares, Canaries, Cantabrie, Castille, Estrémadure, la Rioja, Madrid, Murcie, Navarre et Valence) et en Suisse (Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Campagne Genève, Lucerne, Tessin et Zurich). La province de Voïvodine, en Serbie, devrait élire son parlement le 17 décembre.
Le graphique ci-dessous montre que c’est dans les régions où les partis membres du PVE ont connu les meilleurs résultats en se présentant sur des listes individuelles lors des différents scrutins qu’ils ont connu les plus grosses défaites ensuite, comme le montre le grap. Étonnamment, ceux-ci n’ont obtenu de meilleurs résultats (tout en maintenant une liste individuelle), que dans les régions où leur adhésion était très faible à la base, ce qui pourrait indiquer une convergence intéressante entre fiefs écologistes et pâturages électoraux moins accueillants.
Des élections locales se sont également tenues dans plusieurs capitales européennes. Dans plusieurs d’entre elles, comme Berlin, Luxembourg ou Oslo, les partis affiliés au PVE avaient une influence notable mais ont tout de même perdu en termes d’adhésion populaire.
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Au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur a récemment connu des défaites historiques, mais les écologistes n’ont pas tiré leur épingle du jeu. Malgré le fait qu’ils ont candidaté à chaque élection, ceux-ci n’ont remporté aucun siège – mais ont néanmoins amélioré leurs performances. En France, Géorgie et Italie, les Verts n’ont pas présenté de candidats aux élections législatives partielles. Les Verts européens n’ont pas de représentants en Lituanie et ne se sont donc jamais présentés à quelque élection que ce soit.
De nombreuses irrégularités ont entaché les élections parlementaires régionales et nationales russes du 10 septembre 2023. Les partis d’opposition comme Russie verte (Zelenaya Rossia), le parti membre du PVE, n’avaient aucune chance de remporter les élections. En Ukraine, les élections ont été repoussées à cause de l’invasion russe.
Certaines parties de cet article ont été vérifiées par plusieurs experts de Europe Elects : Jakub Rogowiecki (Pologne), Matías Pino (Espagne), Mihail Murgashanski (Montenegro, Serbie), Julius Lehtinen (Finlande, Åland), Roman Broszkowski (Luxembourg), Gert Armand Valgerist (Estonie), Polychronis Karampalas (Grèce), Emre Türker (Turquie), Matthias Troude (France), Linus Folke Jensen (Lettonie), Jan Jakob Langer (Allemagne), Harry Hayfield (Royaume-Uni) and Tidjani Saleh (Andorre).
Les opinions et points de vues énoncés dans cet article ne reflètent pas nécessairement ceux de la fondation Heinrich-Böll.
Cet article, publié originellement sur le site eu.boell.org, a été traduit de l'anglais par Anne Laure Pineau | Voxeurop