Adaptation au changement climatique : sols et eau, une symbiose essentielle

Atlas des sols 2024

Alors que la crise climatique s’intensifie dans le monde, les tempêtes et les inondations sévères deviennent de plus en plus fréquentes. Des sols sains sont susceptibles d’atténuer les effets de ces conditions météorologiques extrêmes. C’est pourquoi leur protection est plus importante que jamais. Et pourtant, elle est souvent négligée.

Contribution aux nappes phréatiques
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Des sols profonds et bien constitués permettent de stocker de grandes quantités d’eau, une partie de cette eau s’infiltrant plus profondément pour former des nappes phréatiques.

Des sols sains dotés d’une structure de pores bien équilibrée agissent comme une éponge en absorbant l’eau et en la restituant lorsque cela est nécessaire. Les sols filtrent donc les matières polluantes, maintenant et améliorant ainsi la qualité de l’eau souterraine. Les organismes présents dans les sols tels que les champignons et les bactéries décomposent certains polluants et les transforment en composants non toxiques. Les sols sont mieux à même de remplir ces fonctions lorsqu’ils sont correctement entretenus.

Sans la capacité des sols à stocker de l’eau, l’agriculture serait impossible. Environ 80 % des surfaces cultivées dans le monde ne sont pas irriguées de façon artificielle ; elles dépendent uniquement des précipitations. La capacité de stockage de l’eau par les sols joue un rôle vital dans l’agriculture, car elle permet aux cultures de surmonter les périodes de sécheresse. La protection des sols et la pratique d’une agriculture durable sont donc primordiales afin que la plus grande quantité d’eau de pluie possible puisse s’infiltrer dans les sols pour être ensuite assimilée par les végétaux. Si les sols sont compactés par des machines lourdes, les infiltrations d’eau sont moindres et les pluies abondantes peuvent provoquer des inondations locales. Les cultures de couverture, telles que le trèfle et le lupin, permettent d’éviter que les sols ne soient emportés par les averses et de réduire l’évaporation d’eau par temps chaud. Dans les régions vallonnées, les terrasses - des paliers creusés à flanc de colline - réduisent le ruissellement de surface et contribuent à retenir l’eau au sol. 

Les infrastructures urbaines denses peuvent aussi empêcher les sols de jouer leur rôle de réserves d’eau. Lorsque de vastes zones urbaines sont recouvertes d’asphalte ou de béton, l’eau de pluie doit être canalisée vers les égouts. De fortes pluies peuvent alors submerger le système d’évacuation et provoquer des inondations. L’Europe est le continent qui présente le taux d’artificialisation des sols le plus élevé. Entre 1990 et 2006, la superficie des terres de l’Union européenne (UE) consacrée au développement urbain a augmenté de 1,5 million d’hectares, soit une superficie égale à la moitié de celle de la Belgique. Si cette tendance se poursuit, la superficie de terres artificialisées sera équivalente à celle de la Hongrie d’ici au siècle prochain.

Face à la crise climatique, il est important de mettre en œuvre un développement urbain plus durable. La ville de Copenhague est devenue pionnière en la matière. En réponse à plusieurs inondations graves survenues au cours de la décennie passée, la ville s’est transformée en ce qu’elle qualifie de “ville éponge”. Une partie importante de ce processus a consisté en la végétalisation et la désartificialisation des zones bâties et bitumées. Les sols désartificialisés jouent un rôle primordial dans le contrôle des inondations. Lors d’abondantes précipitations, ils absorbent l’eau, réduisant ainsi la pression exercée sur les zones environnantes. Outre les villes éponges, des paysages éponges sont également nécessaires. Les zones de basse altitude et les zones humides, telles que les plaines inondables et les tourbières, servent de remparts naturels contre les inondations et permettent de rafraîchir leurs abords par évaporation lors des vagues de chaleur. Toutefois, elles ont été sérieusement endommagées par les activités humaines. Dans l’Union européenne, près de la moitié des tourbières sont aujourd’hui dégradées, la plupart ayant été asséchées pour l’agriculture, la sylviculture ou l’extraction de la tourbe. À ce jour, seuls 120 000 hectares, soit moins de 1 % de la superficie totale asséchée, ont été réhydratés.

 

menace phénomènes extrêmes
À l’avenir, les sécheresses et les mauvaises récoltes seront plus fréquentes. Les sols sains doivent être protégés et les sols dégradés doivent être restaurés

 

Des objectifs juridiquement contraignants pour une exploitation, une protection et une régénération durables des sols sont tout aussi essentiels que des réserves d’eau vitales. L’agriculture, qui représente plus de 40 % de l’utilisation des sols au sein de l’UE, a un rôle essentiel à jouer. Les fonds de la politique agricole commune pourraient être mobilisés afin d’encourager la transition vers une agriculture plus respectueuse des sols. En juin 2024, le Conseil européen a adopté la loi sur la restauration de la nature (LRN), qui oblige les États membres à restaurer les paysages dégradés en Europe. La loi prévoit de restaurer au moins 30 % des tourbières asséchées d’ici à 2030, et 50 % d’ici à 2050, un tiers au moins de ces tourbières devant être réhydratées. Toutefois, la loi sur la restauration de la nature prévoit une clause d’exemption pour les agriculteur·rice·s et les propriétaires terrien·ne·s privé·e·s, pour lesquels la réhydratation des tourbières se fera sur la base du volontariat. De plus, les objectifs de restauration des écosystèmes agricoles pourront être momentanément suspendus en cas de circonstances exceptionnelles, par exemple si l’on constate qu’ils réduisent de manière significative les terres indispensables à une production alimentaire suffisante.

 

Déséquilibre
La crise climatique impacte sérieusement l’agriculture. En Europe, les récoltes de maïs, de riz, de soja et de blé devraient être particulièrement touchées.


Cet article, publié à l'origine en anglais sur boell.de, a été traduit en français par Pascal Pierron et édité par Maud CigallaVoxeurop