Des deux côtés du Rhin, les citoyens voient dans la lutte contre le changement climatique une opportunité pour la relance. Les politiques sont à la traîne.
Alors que l’ONU appelle à ce que tous les pays de la planète déclenchent l’urgence climatique, où en sont les opinions publiques françaises et allemandes face à cet enjeu ? Pléthore de sondages ont été publiés ces derniers jours. Et nombre d’entre eux présentent des conclusions convergentes : si la pandémie s’invite au rang des priorités, la nécessaire lutte contre le changement climatique s’enracine dans les consciences. Selon Kantar, Français et Allemands sont une majorité – à respectivement 54 et 63% – à penser que la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique sont avant tout une opportunité pour leur pays. A leurs yeux, elles seraient à la fois un facteur d’innovation et de création d’emplois . « Plus des deux tiers des sondés (de part et d’autre du Rhin) ont bien compris l’intérêt économique de la transition écologique et que la course à la neutralité climatique a bel et bien commencé », souligne Audrey Mathieu, experte chez Germanwatch, pour les politiques climatiques allemandes et européennes. « Les champions de cette course jouiront d’un avantage compétitif important ».
Des politiques à la traîne sur les attentes
Un constat étayé par un autre sondage, de la Banque européenne d’investissements (BEI). Qui met en évidence le fait que 61% des Français souhaitent combiner relance et écologie. « L’année 2020 a été très difficile. Il n’est pas surprenant que la pandémie de COVID-19 soit désormais la principale préoccupation des citoyens », relève Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI. Mais, en dépit de ce résultat, ajoute-t-il : « Les Français réclament une relance économique verte. Il s’agit là d’un signal fort et d’un appel à l’action à destination des institutions concernées ». Comme les Français, les Allemands interrogés par Kantar estiment pour plus des trois-quarts que l’ensemble des pouvoirs publics doivent « aller plus loin » en matière de transition énergétique. Et ce, même si les deux pays divergent sur les objectifs.
Les Français plus favorables aux renouvelables qu’au nucléaire
« La France fait face à un choix décisif pour sa politique énergétique dans les prochaines décennies et le gouvernement semble vouloir privilégier l’énergie nucléaire. Alors même que, lorsqu’ils sont interrogés sur les investissements futurs, 64 % des Français estiment qu’il faut privilégier les énergies renouvelables – 43 % « dans les énergies renouvelables » et 21 % « en priorité dans les énergies renouvelables mais aussi en partie dans le nucléaire » » précise Jens Althoff, directeur du bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll.
Des parlementaires de droite plus sceptiques
Les citoyens semblent donc devancer les politiques dans leurs desiderata. « Une des principales divergences entre les attentes du public et celles des parlementaires porte sur les priorités économiques », constate Patrick Jolivet, directeur des études socio-économiques à l’Ademe qui, depuis 20 ans, publie chaque année un baromètre sur l’attitude du grand public face à l’environnement.
« Cette année, 57% des Français interrogés pensent que la priorité du gouvernement devrait être réorientée en profondeur en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale. Alors que pour 72% des parlementaires, l’économie doit être relancée par tous les moyens afin de renouer au plus vite avec l’activité ». A priori pressés de recourir aux remèdes du passé, les parlementaires français ne s’en disent pas moins conscients – et c’est paradoxal – à 61% du fait que les actions mises en œuvre depuis la COP 21 ne sont pas à la hauteur des objectifs climatiques. Certains se montrent toutefois nettement sceptiques vis-à-vis des climatologues. A droite, surtout, ils sont 44% à estimer que « les scientifiques exagèrent les risques du changement climatique » contre 5% à gauche et 1% dans la majorité présidentielle.
La taxe carbone retrouve les faveurs
Enfin, autre tendance forte démontrant un basculement sociétal en train de s’opérer : les citoyens exhortent dans leur très grande majorité les politiques à mettre en place des mesures strictes pour préserver le climat. Selon l’Ademe, les trois-quarts des Français seraient ainsi pour que « l’on mobilise au niveau mondial les mêmes moyens pour le climat que pour la pandémie ». Par exemple, ils se disent en accord avec le fait une taxation plus lourde des véhicules émetteurs (69%) ou des transports aériens . A ce titre, et contre toute attente, 77% des Français seraient en faveur de l’instauration d’une taxe carbone. A condition toutefois qu’elle ne pénalise pas le pouvoir d’achat et que ses recettes aillent à l’environnement. « En effet, on observe parmi les opposants à la taxe carbone, que plus d’un sur deux bascule en sa faveur si ces deux conditions sont remplies ! », relève Patrick Jolivet.
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll