Une part des coûts des transports est supportée non par le pollueur, mais par les citoyens. Cette externalisation empêche une juste concurrence dans le secteur. L’introduction d’une taxe carbone favoriserait le développement des modes les plus respectueux de l’environnement.
Les transports génèrent des coûts élevés qui sont supportés par les citoyens : dégâts causés par le changement climatique, pollution atmosphérique, accidents de la circulation, nuisances sonores etc. Ces coûts, qualifiés d’externes, ne figurent ni sur la facture de carburant ni sur le billet d’avion et varient selon le moyen de transport. Il y a donc un transfert des coûts externes contraire au principe du pollueur-payeur selon lequel tout dommage doit être endossé par celui qui l’a causé. Dans l’Union européenne (UE) des 28 (Royaume-Uni compris), ces coûts s’élevaient à près de 716 milliards d’euros en 2016, les accidents arrivant largement en tête avec 282 milliards d’euros.
Comment sont calculés les coûts externes? Les experts se sont mis d’accord sur certaines règles. Concernant les dommages résultant d’un accident, le « Manuel des coûts externes du transport » de la Commission européenne fournit un barème. Pour chaque État membre, il fixe des sommes en cas de décès ou de blessure, légère ou grave, qu’il ajuste au niveau des prix du pays en question. Ce barème prend notamment en compte les soins médicaux, l’intervention de la police et d’ambulances et l’absence au travail, de même qu’il tente d’évaluer la douleur et la souffrance des victimes d’accidents et de leur famille.
Les coûts climatiques des transports, essentiellement dûs au réchauffement planétaire, sont, eux-aussi, convertis financièrement conformément à un barème. En 2016, ils s’élevaient à environ 140 milliards d’euros dans l’UE-28. Pour les calculer, le manuel évoqué plus haut s’appuie sur les coûts d’évitement et détermine quelle est l’option de moindre coût pour satisfaire à l’objectif de limitation du réchauffement de l’accord de Paris (+2 °C). Il préconise un tarif à 100 euros par tonne d’équivalent CO2.
Sur le plan économique, l’externalisation des coûts empêche une juste concurrence entre les modes de transport. Certains imputent une partie de leurs coûts sur l’environnement et les populations, tandis que d’autres tentent d’éviter cela en optant pour des mécanismes soutenables. C’est ce qui fait dire à nombre d’économistes que l’État devrait intervenir et faire en sorte que les coûts externalisés soient internalisés.
En Europe, la plupart des utilisateurs de transports motorisés paient des taxes et autres frais. Les taxes sur l’énergie et les taxes liées à l’achat ou à la possession d’un véhicule sont très répandues, et tous les services de transport sauf l’aérien international sont assujettis à la TVA. Certains pays ont fait le choix de taxes supplémentaires comme les péages basés sur la distance parcourue, les vignettes fondées sur la durée ou encore les péages routiers urbains et les droits de stationnement. Toutefois, lorsqu’on compare les revenus tirés de ces taxes et autres frais à l’ensemble des coûts externes et d’infrastructure liés au transport routier de passagers, on constate que seuls 45% sont couverts dans l’UE-28. Ce ratio varie fortement d’un État membre à l’autre, en raison notamment de taux de taxation différents : il va de 17% au Luxembourg à 99% au Danemark.
En matière de protection du climat, le système d’internalisation du coût des transports, jusque-là externalisé, est décisif. On peut opter soit pour une taxe carbone directe, soit pour un échange de quotas d’émissions avec certificats de CO2, ce qui est techniquement et juridiquement compliqué. Il faudrait en outre plusieurs années pour ancrer cette solution dans le secteur – autant de temps de perdu dans la protection du climat. Sans compter que le prix potentiellement faible des certificats n’inciterait guère à passer à des technologies respectueuses du climat. L’économie comme les citoyens en paieraient le prix fort, car le lien avec les avancées technologiques à l’échelle mondiale serait rompu.
Les échanges de quotas d’émissions étant difficiles à mettre en œuvre, de nombreux spécialistes considèrent qu’une taxe carbone serait préférable. Elle serait introduite à court terme à l’échelle nationale et viendrait s’ajouter aux autres taxes énergétiques. L’essence, le diesel et les autres carburants d’origine fossile deviendraient vite sensiblement plus chers. Il faudrait que cette taxe carbone soit très élevée et qu’elle augmente fortement au fil des ans; ainsi, l’industrie automobile serait sans cesse poussée à innover et cela permettrait aux consommateurs de planifier leurs investissements et de choisir leurs moyens de transport en fonction de prix qui auraient aussi une dimension écologique.
Tous les citoyens ne pourraient pas se permettre de renoncer rapidement à la voiture individuelle, qui serait devenue nettement plus onéreuse, si bien que de nombreux dispositifs de tarification du CO2 prévoient une compensation sociale. Les revenus fiscaux pourraient être redistribués aux citoyens via un versement par habitant ou un fonds de compensation. Certains estiment toutefois que les revenus de la taxe carbone devraient être consacrés aux réseaux ferroviaire et cyclable ainsi qu’à d’autres infrastructures afin d’assurer la transition vers un autre système de transport. Reste qu’une taxe carbone efficace est une composante centrale d’une politique de la mobilité respectueuse du climat.
Les répercussions sur le climat ne constituant qu’un des coûts externes, d’autres incitations à un changement des comportements s’imposent. Dans l’UE-28, 24 pays appliquent déjà des péages ou des vignettes basés sur la distance parcourue. Ce sont les dispositifs les plus justes du fait que les plus gros utilisateurs sont ceux qui sont le plus mis à contribution et que la tarification peut être adaptée en fonction du type de route, de la densité du trafic, de l’heure ou du niveau d’émissions afin d’encourager les comportements économes. Sept villes de l’UE ont d’ores et déjà mis en place des péages routiers urbains, solution astucieuse pour réduire le trafic et les encombrements et améliorer la qualité de l’environnement et la qualité de vie.
L’objectif d’une augmentation du coût des transports n’est pas de punir les individus, de générer des rentrées d’argent ou d’entraver la mobilité. Le système de transport actuel est inefficace, car artificiellement tarifé, ce qui se traduit par un degré de congestion élevé et de graves répercussions sur l’environnement. Avec des tarifs représentatifs, les modes de transport plus respectueux de l’environnement séduiront davantage de personnes, qui y verront une alternative bienvenue à nombre de trajets en voiture.