La production d’énergie conventionnelle se concentre entre les mains de quelques grandes et puissantes entreprises. Pour la production d’énergies renouvelables, une approche décentralisée, qui redonne aux citoyens et aux collectivités le contrôle de leur énergie, se révèle à la fois plus cohérente, mais aussi plus efficace et mieux acceptée.
En tête du peloton européen des pays ayant installé le plus de capacités de production à base d’énergies renouvelables depuis 2009, on retrouve le Danemark et l’Allemagne. Ces deux leaders sont également ceux qui donnent aux citoyens la plus importante part dans la transition énergétique. En Allemagne, de nombreux modèles de propriété existent et seuls 5 % des capacités renouvelables appartiennent aux principaux fournisseurs traditionnels. Au Danemark, les projets éoliens ne sont autorisés que si les communautés locales en sont propriétaires à hauteur de 20 % minimum.
L’opposition des riverains et du public a ralenti, voire parfois bloqué le développement des énergies renouvelables dans de nombreux pays. Il est aisé de comprendre que les projets menés pas de grands opérateurs dont tous les bénéfices sortent du territoire et sur lesquels les citoyens n'ont pas leur mot à dire suscitent l'opposition. Le phénomène NIMBY (Not in my backyard, « pas dans mon jardin ») est ainsi particulièrement présent au Royaume-Uni mais aussi en Belgique, en France et ailleurs en Europe. Or, lorsque les citoyens deviennent propriétaires ou copropriétaires des installations en question, ils sont beaucoup plus enclins à accueillir ces projets et moins susceptibles d’y opposer leur veto. Il est en ce sens essentiel de placer tout à la fois les populations et les collectivités locales au cœur de la transition énergétique sur l’ensemble du territoire européen.
La transition énergétique est un défi à relever à tous les niveaux de la société. Les dispositions de la directive sur les énergies renouvelables adoptées en 2018 ont pour objectif de faire reconnaître l’apport des projets d’énergie citoyens à la politique énergétique globale. Les citoyens voient cependant bien que la plupart des systèmes de production énergétique restent centralisés, et entre les mains de quelques grandes entreprises.
L’énergie citoyenne existe cependant déjà et sous de multiples formes. Les coopératives et les communautés qui en sont propriétaires font le lien entre l’échelon local et l’échelon européen, rendant ainsi la « transition énergétique européenne » tangible, et proche des citoyens.
Il y a de nombreuses raisons pour un collectif d’investir dans un projet énergétique au niveau local. De tels projets génèrent ainsi localement en moyenne jusqu’à huit fois plus de bénéfices que si leur équivalent est mené par entreprise transnationale. Cela profite à l’économie locale, mais cela permet aussi de procurer aux collectifs constitués une certaine fierté – produire sa propre énergie - et des bénéfices tangibles. Un rapport publié en 2016par le cabinet d’expertise néerlandais CE Delft estime que 264 millions de citoyens et citoyennes pourraient générer jusqu’à 45 % des besoins en électricité de l’UE d’ici 2050. Les coopératives et autres projets collectifs pourraient, à l’horizon 2050 alimenter le réseau à hauteur de 37 %. Ce sont ces projets qui ont, la plupart du temps, l’impact le plus positif sur l’économie locale.
Afin de concrétiser ce mouvement d’appropriation, de bonnes politiques sont et seront nécessaires ; dans de nombreux pays, malheureusement, elles demeurent faibles ou inexistantes. Un obstacle notable est la surcapacité actuelle du marché énergétique : la quantité produite dépasse la demande. La raison en est simple : les énergies fossiles et le nucléaire bénéficient de subventions, au motif qu’il faut assurer la « sécurité énergétique », étouffant le marché des projets citoyens d’énergies renouvelables
La directive sur les énergies renouvelables du paquet « Energie propre » octroie de nouveaux droits sur l’autoconsommation, et reconnait le rôle des projets citoyens dans la transition énergétique. Ces dispositions doivent désormais être pleinement mises en œuvre par les gouvernements européens, appelés à saisir l’opportunité que représente une meilleure implication des citoyens et citoyennes dans la transition énergétique européenne.