Le défi des transitions professionnelles dans le cadre de la transition écologique : trouver un équilibre entre les composantes sociales, environnementales et économiques.
Les politiques publiques liées à la transition écologique visent à changer notre système de production et de consommation. Ces mutations du système économique entraînent des transformations des métiers. Certains emplois se développent, d’autres disparaissent ou évoluent. Il y a aujourd’hui 3,8 millions de personnes qui travaillent en France dans des professions liées à l’économie verte, soit 14% des emplois dans l’ensemble des professions.
Le bilan global concernant les emplois de la transition écologique est positif : les évaluations de l’impact sur ’emploi des scénarios de transition énergétique pour la France démontrent une création nette d’emplois par rapport aux scénarios énergétiques tendanciels. Les secteurs directement concernés par la transition (rénovation énergétique, énergies renouvelables etc.) créent en effet plus d’emplois pour le même niveau d’investissement que les secteurs en mutation (centrales thermiques etc.).
Cependant, négliger la fragilisation de certains secteurs d’activités signifie sous-estimer l’importance d’une transition écologique juste pour les salariés et les territoires. D’une part, les salariés doivent faire face à la menace pesant sur leur avenir personnel et familial ainsi qu’au sentiment d’être dépossédé d’un corps de métier pour lequel ils peuvent ressentir un attachement fort. D’autre part, les territoires doivent affronter une baisse de leurs recettes fiscales relative au déclin d’une activité économique dont ils peuvent être très dépendants.
Même si à l’échelle nationale, plus d’emplois sont créés que détruits, ces emplois ne requièrent pas forcément le même niveau de formation, ni la même expérience. Ils peuvent être moins bien rémunérés et rimer avec la perte d’avantages sociaux. La mobilité géographique implique aussi le déménagement du ménage, pouvant engendrer la perte d’emploi du conjoint.
La seule solution socialement acceptable pour faire face à la fragilisation de certains secteurs économiques est d’anticiper l’évolution des branches d’activités et les éventuelles fermetures de sites suffisamment en avance pour co-construire de nouvelles activités économiques et adapter les parcours individuels. Une condition sine qua non pour parvenir à cet objectif est un calendrier politique stable. Le ballet autour de l’annonce de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en est un mauvais exemple.
Quand on parle de transition juste dans le secteur de l’énergie en France, il faut souligner une particularité : le personnel des industries électriques et gazières dépend d’un statut particulier. En cas de fermeture d’un site, ces salariés trouveront un travail dans la même entreprise ou dans une autre également rattachée à ce statut. Cependant, même si cela peut tempérer les craintes des salariés, cela ne règle pas les problématiques de nouvelles qualifications, ni de mobilité géographique. Par ailleurs, ce statut ne concerne que les salariés directement rattachés à l’entreprise et non les sous-traitants, vacataires et encore moins les emplois induits sur le territoire par les revenus créés de l’activité économique.
D’autre part, la question des contours des projets de reconversions de site et leur acceptabilité environnementale se pose aussi, comme en témoignent le cas d’Uniper à la centrale à charbon de Gardanne. Une unité de cette centrale a été reconvertie en unité biomasse calibrée pour brûler 850 000 tonnes de bois par an. Même si la moitié était composée de déchets, il faudrait prélever 35% du gisement forestier disponible dans un rayon de 250 kilomètres pour l’approvisionner. Ces projets de reconversion sont insoutenables écologiquement mais aussi injustes socialement car précaires.
D’autres cas de reconversion se heurtent quant à eux à des enjeux d’incertitude économique. Face à l’objectif du gouvernement français d’interdire la vente des véhicules diesel et essence à partir de l’année 2030, l’industrie automobile doit par exemple rapidement s’orienter vers des projets de reconversion viables. L’usine Bosch à Vénissieux produisait jusqu’en 2010 des composantes de voitures diesel. Après plusieurs plans sociaux, l’option de reconversion en usine de production de panneaux photovoltaïque a été retenue. 450 emplois sur 600 ont pu être maintenus sur le site grâce à un accord entre les différentes parties prenantes. Néanmoins, la concurrence chinoise et les changements et hésitations dans la politique de soutien au photovoltaïqueont finalement entraîné la fermeture du site.
La puissance publique a un rôle à jouer pour favoriser les reconversions dans les différents secteurs. La construction d’une véritable politique industrielle de la transition écologique est un élément clé, afin d’établir un climat de confiance pour les acteurs économiques, les territoires et les salariés, pour donner un cadre clair, et un avenir à la filière.