„Es ist ernst. Nehmen Sie es auch ernst“: « c’est sérieux, prenez-le au sérieux ». Dans son allocution du 18 mars, Angela Merkel rappelle aux Allemands la gravité de la situation et les gestes essentiels à suivre. Pas d’autre mesure que celles annoncées le lundi 16 mars, pour faire face « au plus grand défi qu’ait connu le pays depuis la Seconde Guerre mondiale ». Les restrictions mises en place sont « difficiles », a rappelé la chancelière, et « affectent nos vies et notre image de démocratie ».
Préférer la persuasion à la contrainte
Les mesures prises en Allemagne ne sont pas encore aussi strictes qu’en France ; ni confinement ni couvre-feu ; les Allemands sont bien appelés à rester à la maison, à renoncer à leurs vacances (en Allemagne ou à l’étranger), les restaurants ont ordre de fermer à 18h. En accord avec les ministres-présidents des Länder allemands, le gouvernement fédéral a appelé les citoyens à réduire leurs contacts avec autrui au strict minimum. La plupart des commerces non nécessaires, bars, boîtes de nuits, cinémas et musées doivent rester fermés. Cependant, pas encore de mesure de confinement, alors que l’épidémie continue sa progression ; des « coronapartys » ont même lieu dans des parcs et des places publiques. L’Allemagne préserve encore sa liberté de mouvement, réticente, même face à la gravité de la situation, à prendre des mesures allant à l’encontre des libertés individuelles. Angela Merkel, dans son discours, fait référence à sa jeunesse en RDA : « Pour des gens comme moi, qui savent à quel point la liberté de voyager est un droit chèrement acquis, de telles restrictions ne peuvent être justifiées qu’en cas d’extrême nécessité ». La chancelière exprime ainsi sa vision de la démocratie et d’un savoir, d’une responsabilisation partagés.
Dans ce discours, compris comme un dernier avertissement („Letzte Warnung“, titrait le lendemain le Tageszeitung), la chancelière a bien agité la menace du confinement, mais compte d’abord sur le respect des règles par les Allemands pour l’éviter. Un discours grave, se référant plusieurs fois à l’histoire du pays, mais hors du champ lexical de la guerre comme celui d’Emmanuel Macron deux jours plus tôt. Le lendemain, alors qu’on observe à Berlin des efforts insuffisants, et parfois un non-respect des gestes barrière, le maire de Berlin agite la menace du confinement « si cela continue comme ça ». Berlin qui recense aujourd’hui, le 20 mars 2020, son premier mort du Coronavirus.
Demi-mesures et repli
Les autorités locales agissent, du fait du système fédéraliste, en ordre dispersé. Sur l’éducation, compétence propre aux Länder, les ministères régionaux concernés ont déjà dans la majorité des régions décidé de fermer crèches et écoles pour les 15 prochains jours. Fait marquant pour l’Allemagne, la plupart des grands groupes automobiles allemands ou présents en Allemagne, comme PSA Peugeot-Citroën ou encore Volkswagen ont fermé leurs usines. Mardi 17 mars, le ministre fédéral des Affaires étrangères Heiko Maas a annoncé le rapatriement des citoyens allemands actuellement à l’étranger, résidents ou vacanciers bloqués par les limitations transports et vols. La Bavière et la Sarre, particulièrement touchés par le virus, ainsi que la ville de Freiburg, ont annoncé, vendredi 20 mars, le confinement de leur population.
Le Rhin est à nouveau une frontière : l’Allemagne s’est barricadée, en fermant ses frontières avec la France, l’Autriche, le Luxembourg et la Suisse – sauf pour les travailleurs transfrontaliers. Des contrôles à sens unique, par l’Allemagne. Certes coordonnée avec Paris, cette mesure est néanmoins critiquée par l’Elysée, ferme sur la protection de l’espace Schengen et sur le fait que les contrôles intérieurs aux frontières ne sont pas une échelle d’action efficace, l’épidémie frappant toute l’Europe. Les contrôles entre la France et l’Allemagne sont rétablis depuis le 15 mars. L’Allemagne se calfeutre. Dans la crise que doit gérer la région Grand Est, on assiste à un retour de la solidarité franco-allemande, la Sarre et la Rhénanie-Palatinat étant sur le point d'accueillir des malades français.
« Prenez la situation au sérieux ! »
La prise de conscience de la situation est grandissante chez les Allemands. Selon un sondage DeutschlandTrend pour l’ARD, 29 % se déclarent très inquiets et 19 % inquiets, soit presque deux fois plus que lors d’un dernier sondage le 5 mars. Les Allemands sont également globalement satisfaits de la gestion de la crise par le gouverment (65 %).
Ce week-end sera décisif, alors que malgré cette prise de conscience trop d’Allemands sont encore de sortie ; le confinement général du pays pourrait être annoncé dimanche. Les politiques allemands continuent d’appeler les citoyens à la raison pour éviter le confinement forcé. Le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, le martelait encore ce vendredi 20 mars, remerciant « les millions de personnes qui respectent les restrictions », tout en insistant encore : « mon appel à tous les autres : prenez la situation au sérieux ! ».
Coronavirus – une exception allemande : au 20 mars 2020, l’Allemagne compte presque 17 000 cas confirmés et 44 décès liés au Coronavirus, avec un taux de mortalité faible par rapport à l’Italie, la France ou l’Espagne : 0,18 % seulement, contre 2,9 % en France et 8,3 % en Italie. Cela s’explique notamment par la mise en place de tests précoces et une forte capacité de dépistage par de nombreux laboratoires indépendants présents sur l’ensemble du territoire, l’absence de tests post-mortem et le fait que la population touchée par le virus est essentiellement jeune. Les hôpitaux allemands sont également mieux équipés, avec 25 000 lits de soins intensifs avec assistance respiratoire (contre 7 000 en France).
Le 22 mars 2020, Angela Merkel annonce l'interdiction des rassemblements de plus de deux personnes dans l'espace public, dans l'ensemble du pays et avec une distance minimale de 1,5 mètres, et la fermeture des restaurants, cafés et salons de coiffure.