Le recyclage ne permettra pas à lui tout seul de résoudre la crise du plastique. Nous avons besoin d’idées nouvelles qui prennent le problème à la racine. Un mouvement en plein essor montre actuellement la voie et séduit un certain nombre de villes pionnières.
Un mouvement baptisé « Zéro déchet » vient de naître dont le but est d’endiguer la marée de déchets à la source. Cela signifie que produits, emballages et matériaux doivent être fabriqués, consommés et recyclés de manière responsable. Aucun déchet ne doit être incinéré et aucune substance toxique ne doit finir dans le sol, dans l’eau ou dans l’air. Des communautés, des décideurs visionnaires et des entrepreneurs innovants nous montrent actuellement qu’il est possible d’utiliser les ressources de façon efficace, de préserver un environnement sain, de consommer de façon soutenable et, dans le même temps, de créer des emplois au niveau local.
Les approches zéro déchet se multiplient à travers le monde. Certaines villes combattent la crise du plastique depuis le début du troisième millénaire.
Près de 400 municipalités en Europe et un nombre croissant d’autres dans le monde adoptent des stratégies zéro déchet. Il s’agit pour elles d’éliminer progressivement les déchets, non pas en les brûlant ni en les mettant en décharge, mais en commençant par instaurer des systèmes qui n’en génèrent pas. Cette lutte doit en effet cibler la source du problème et pour cela, il faut éliminer les plastiques à usage unique et favoriser des systèmes de distribution et de livraison différents. Il faut également tirer parti de l’intérêt grandissant que suscite le mode de vie zéro déchet.
Capannori, dans le nord de la Toscane, en Italie, a été la première ville d’Europe à adopter une stratégie zéro déchet en 2007. Son objectif est de n’en avoir plus aucun à éliminer d’ici 2020. Pour l’atteindre, la ville a mis en place une approche holistique qui consiste à maximiser la récupération des matériaux en collectant séparément les différents types de déchets et à octroyer des incitations économiques pour diminuer leur quantité à la source. La municipalité a adopté différentes méthodes pour réduire les déchets résiduels. Elle a notamment ouvert des magasins sans emballage qui vendent des produits locaux et elle a installé des fontaines d’eau potable pour supprimer les bouteilles en plastique. Elle a également ouvert un centre de seconde-main qui récupère les vêtements, chaussures et jouets dont les habitants ne veulent plus, les remet en bon état, puis les vend à des personnes à faibles revenus. Elle subventionne en outre les couches pour bébés lavables. Elle organise enfin des concours zéro déchet pour faire accepter ces initiatives par ses habitants et leur faire adopter de nouvelles habitudes.
Les résultats ont été spectaculaires. Entre 2004 et 2013, la quantité de déchets générés à Capannori est passée de 1,92 à 1,18 kg par personne et par jour, soit une baisse de 39 %. Plus impressionnant encore, la quantité de déchets résiduels par habitant est passée de 340 kg par an en 2006 à seulement 146 kg en 2011, ce qui équivaut à une chute de 57 %. La même année, au Danemark, un habitant jetait en moyenne 409 kg de déchets.
La ville de San Fernando a compté la quantité de déchets qu’elle générait par jour et s’est servie de ces données pour concevoir son programme zéro déchet ; elle est passée de la réduction des déchets à l’amélioration du tri.
Dans les pays en développement, la multiplication d’approches semblables est indispensable pour assurer une transition juste vers une économie sans plastique. La ville de San Fernando, aux Philippines, est ainsi parvenue en 2018 à faire en sorte que 80 % de ses déchets ne finissent pas en décharge, mais soient recyclés par une coopérative.
La ville a également pris une série de mesures pour réduire encore son empreinte plastique. Elle a notamment interdit les sacs destinés aux courses, ce qui a eu des répercussions sur 9000 commerces. Elle a mis en place une taxe sur les emballages à usage unique tout en s’assurant que des solutions alternatives soient mises à disposition. 85 % de ses habitants se sont montrés coopératifs, et ce grâce à un travail ininterrompu d’explication de la démarche qui a pris la forme de visites informatives à domicile, d’une émission radio régulière, de dialogues avec des professionnels et de meetings, notamment avec les centres commerciaux qui sont de gros producteurs de déchets.
Cette évolution a également fait du bien aux finances de la ville. Les coûts annuels liés au transport des déchets solides jusqu’à la décharge située à 40 km ont chuté de 82 %. Les sommes économisées ont été allouées à l’embauche de nouveaux employés pour gérer les déchets et à l’amélioration des infrastructures existantes.
Les exemples de Capannori et de San Fernando montrent qu’une stratégie zéro déchet doit associer mesures « de fond » et mesures « de forme ». Les premières concernent le système de gestion en lui-même et portent sur le traitement des déchets organiques, la collecte séparée des différents types de déchets, la mise en place de modèles décentralisés et low-tech et d’incitations économiques, l’interdiction de certains matériaux et l’adoption de politiques et de mesures en faveur d’une réduction des déchets. Les mesures « de forme » consistent à impliquer les particuliers et les professionnels à tous les stades de l’élaboration des politiques. C’est ainsi que peuvent naître de nouveaux modèles économiques et que les municipalités peuvent économiser de l’argent qu’elles réinjectent ensuite dans la communauté.
Les plastiques sont tellement omniprésents dans nos sociétés que nous n’allons pas pouvoir nous en débarrasser d’un coup de baguette magique, mais bien en adoptant une approche holistique. Une fois que celle-ci est identifiée, le processus fait boule de neige. Et lorsque, sur les réseaux sociaux, des citoyens postent des photos de fruits et de légumes emballés dans du plastique avec le hashtag #DesnudaLaFruta (« Déshabillez les fruits » en espagnol), ils œuvrent pour une nouvelle façon de vivre sans plastique. De leur côté, les professionnels portés sur l’innovation peuvent contribuer à généraliser ces modèles de consommation zéro déchet. Car c’est bien à nous tous qu’il incombe de bousculer ce que nous avons fini par considérer comme normal.