Shu Zhang : "Pandobac permet simplement de fournir une solution alternative au jetable et meilleure pour tout le monde, du fournisseur au restaurateur."

Interview

Dans la lutte pour la réduction des emballages et produits plastique à usage unique, le secteur de l’agro-alimentaire est incontournable. Mais si l’accent est souvent mis sur les produits que les consommateurs individuels peuvent se procurer en magasin, un aspect du problème est moins connu : celui de la logistique au niveau des grossistes et fournisseurs.

Shu Zhang pendant le lancement de l'Atlas du Plastique

Shu Zhang est la co-fondatrice et directrice de Pandobac, une jeune start-up qui propose un service pour remplacer les emballages jetables conventionnels du secteur agroalimentaire comme les cagettes, cartons ou boites en polystyrène par des emballages réutilisables. Ceux-ci prennent la forme de bacs en plastique lavables. Pandobac fournit aujourd’hui ces bacs à des grossistes et fournisseurs de restaurants du marché de Rungis, et propose ainsi une solution logistique zéro déchet qui invite les grossistes à revoir leurs pratiques internes. Ce service est particulièrement pertinent quand on sait que les déchets plastiques qui proviennent des emballages représentent plus de 45 % des déchets plastiques en France. Chaque année à Rungis, les grossistes dépensent 52 millions d'euros d'emballages jetables.

Pandobac se charge de collecter les bacs, de les laver et de les remettre à la disposition de leurs clients. Ce système est pensé pour faciliter au maximum la livraison pour les clients, Pandobac proposant notamment un suivi des stocks pour s’adapter aux flux de marchandises de leurs clients. Cette initiative a valu à Shu Zhang de gagner le Prix de l'Entrepreneure responsable 2019 décerné par PWN (Professional Women's Network).

Qu’est-ce qui vous a amenée et motivée à créer Pandobac ?

SHU ZHANG : Sortie en 2011 d’une école d’ingénieur, je souhaitais ouvrir un restaurant. En 2014, j’ai ouvert le restaurant Maguey à Paris, où j’ai travaillé pendant 4 ans. Au cours de cette expérience, un aspect m’a beaucoup marquée : les marchandises et produits alimentaires qui étaient livrés au restaurant étaient systématiquement emballées dans des emballages jetables. C’est cette expérience à la fois professionnelle et personnelle qui a été le point de départ de Pandobac : je pensais que l’on pourrait remédier assez facilement à la création de tant de déchets, et ce au quotidien.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? Des commerçants réfractaires ?

Pandobac s’est créé à l’initiative de trois associés. Avant de vraiment lancer ce projet, nous avons consacré beaucoup de temps en amont à interroger beaucoup d’acteurs qui pourraient être concernés, pour vérifier que la baisse de la quantité de déchets était un vrai sujet pour les acteurs du secteur et répondait à une certaine attente. De ces entretiens est ressortie une envie véritablement partagée et la confirmation de l’existence d’un marché pour une telle initiative. Quand Pandobac a été lancé, nous savions donc qu’il y avait une attente de nos futurs clients et un marché potentiel. On s’est lancés car tous les différents acteurs de la chaine de distribution voyaient le jetable comme quelque chose de non-optimal.

En outre, le mode de fonctionnement de Pandobac ne représente pas de contrainte rajoutée à l’un des acteurs de la chaine de distribution pour apporter des bénéfices à un autre : cette initiative permet simplement de fournir une solution alternative au jetable et meilleure pour tout le monde, du fournisseur au restaurateur. Le concept étant partagé, il va dans le sens de l’histoire.

Quels sont les avantages pour les grossistes d’adopter Pandobac ?

Ayant vécu cette situation en tant que restauratrice, il y a pour les commerçants et les restaurateurs un premier gros avantage : le fait d’avoir moins de  déchets à gérer – ce qui permet à la fois d’éviter les coûts liés à cette gestion de déchets et d’y passer moins de temps – pour moi, c’est le principal avantage.

En ce qui concerne les fournisseurs on propose un service qui, s’il est bien utilisé, est moins cher que l’emballage jetable. Le fournisseur y gagne aussi un autre atout : son client, le restaurateur a un intérêt à se fournir chez ce fournisseur, qui lui épargne le fait de devoir gérer les déchets provenant des emballages plastiques. Pandobac permet donc aux fournisseurs d’avoir un avantage concurrentiel : son service est plus satisfaisant pour le client, et en termes de communication, le fournisseur peut mettre en avant le fait que son service est plus respectueux de l’environnement.

Enfin, Pandobac permet de libérer de l’espace de stockage dans les entrepôts parce qu’en nous choisissant, le fournisseur n’a pas d’emballages jetables à stocker, c’est nous qui nous chargeons de gérer les stocks de bacs.

Pourquoi avez-vous choisi de fabriquer ces contenants en plastique ?

Nous nous sommes lancés dans un secteur particulier : celui de l’alimentaire, avec des contraintes spécifiques à ce secteur. Les aliments étant mis directement dans des bacs, le choix du matériau était limité pour Pandobac : il fallait respecter la norme et être conforme pour le contact alimentaire. Très peu de matériaux étaient conformes : il y avait le plastique, mais aussi le verre et l’inox. Mais pour le transport des marchandises, ils présentent des désavantages qui ont freiné leur utilisation : leur lourdeur et le risque de casse pendant le transport pour le verre.

Le plastique au contraire est un matériau optimal pour le transport, léger et robuste, il est facilement lavable et certifié. Nous avons réalisé une analyse de cycle de vie avec une agence qui nous a aidé à aller au bout du raisonnement : ainsi, on s’est rendu compte qu’en choisissant le plastique on pouvait obtenir un impact plus faible que tous les autres matériaux disponibles, et bien plus faible que le jetable. De plus le plastique qui nous avons choisi pour fabriquer les bacs est 100% recyclable.

Au niveau de l’hygiène, est-ce que c’est aussi efficace ?

Nos clients posent forcément la question avant de s’engager. On utilise des machines professionnelles, qui sont adaptées pour traiter des contenants dans le secteur de l’agroalimentaire. Les bacs sont lavés à 80 degrés pour tuer toutes les bactéries. Le processus de lavage a été certifié notamment par les services vétérinaires. Aujourd’hui assez régulièrement on réalise des tests en laboratoire pour vérifier que les bacs sont bien propres, et qu’aucune bactérie ne subsiste à la fin du lavage.

Depuis le début du confinement, est-ce que Pandobac est fermé ?

En ce moment nous ne sommes pas ouverts car nos clients sont principalement des grossistes qui livrent dans des restaurants qui ont eux-mêmes cessé tout activité depuis le 17 mars. Actuellement on cherche de nouveaux acteurs à contacter, parce que si on se focalise habituellement sur l’alimentaire et les grossistes, nous essayons de profiter de cette période pour contacter des industriels de l’agroalimentaire, ou pour chercher à entrer dans le secteur des livraisons de pharmacie. On cherche des informations sur d’autres secteurs même si ce n’est pas prioritaire aujourd’hui.

Pandobac est aujourd’hui principalement actif à Paris au marché de Rungis : est-il dans votre objectif d’étendre votre zone d’action ?

On souhaite d’abord étendre géographiquement dans le même secteur : marché de gros et commerçants et seulement par la suite à d’autres secteurs. Nous voulons d’abord nous focaliser sur le domaine dans lequel on a déjà une expertise, pour nous étendre à d’autres régions ; une fois que nous serons sera bien positionnés là-dessus on pourra étudier plus sérieusement l’idée de s’étendre à d’autres secteurs.

On a pour objectif cette année d’ouvrir dans au moins une autre région, et on a engagé une responsable développement France afin qu’elle prenne contact avec différents marchés de gros, des grossistes sur place pour voir s’il y a un intérêt pour notre service et un potentiel pour se développer sur place. Nous avons déjà plusieurs régions dans notre viseur, il faudra choisir et ensuite lancer l’implantation dès que ce sera possible.

Shu Zhang pendant le lancement de l'Atlas du Plastique