La pression monte pour verdir les plans de relance

Les appels se multiplient pour que le gouvernement ne finance pas l'économie telle qu'elle existe. Au niveau européen, les Etats rechignent à accepter que 30 % des financements européens soient réellement dédiés au climat.

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Champ de panneau solaire, éoliennes dans le fond

Les différents ministres du gouvernement, ainsi que le président Emmanuel Macron, égrènent peu à peu des éléments sur « France Relance », le plan de relance français qui doit être présenté le 3 septembre. Ce sera donc 100 milliards, dont 40 venant de l’Union européenne.

Mais des voix s’élèvent pour dénoncer le manque d’ambition verte de ce plan. « Il faut une radicalité du changement dans le système économique lui-même. C’est une transition structurelle et systémique qu’il faut, pas progressive » a dénoncé Laurence Tubiana, présidente de la Fondation Européenne pour le climat, lors de l’Université d’été de l’économie de demain, le 27 aout à Paris. La négociatrice des accords de Paris prévient que le plan de relance est un pas important : « On n'aura pas 100 milliards d’euros à mettre plusieurs fois, ensuite on sera endetté », estimant « criminel » de maintenir le secteur automobile tel qu’il est, plutôt que de favoriser sa transition.

Contrairement à l’Allemagne, qui ne subventionne que les voitures électriques, la France devrait inclure des voitures thermiques dans son plan.

 

Les députés du groupe Ecologie Démocratie solidarité se sont eux aussi alarmés du manque de conditionnalités vertes, dans une tribune signée par l’élue Emilie Cariou. « Nous ne pouvons continuer à perfuser indifféremment les industries polluantes. (…). Nous ne pouvons supprimer les « impôts de production » sans toucher aux mécanismes d’optimisation fiscale qui atomisent l’imposition des bénéfices » insistent les élus. Un des moteurs du mouvement, Matthieu Orphelin, s’inquiète du fait que les multinationales touchent les trois-quarts du plan de relance, notamment par le biais de suppression des impôts de production, qui seront éliminés sans prise en compte des secteurs d’activités, et qui ne bénéficieront aux PME que pour un quart du total, comme l’a souligné Bruno Le Maire lors d’une interview au journal Sud-Ouest.

Côté entreprises, la prise de conscience avance. Le PDG par interim d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu, a appelé lors de l'université d'été du Medef à « saisir l'opportunité du plan de relance pour devenir plus résilients face à la prochaine crise, qui sera climatique. »

 

La Commission européenne veut des conditionnalités solides sur le climat

Vif au printemps, le débat sur les éco-conditionnalités des plans de relance n’a pas perdu de sa vigueur au niveau européen. Alors que le Conseil européen proposait fin juillet de consacrer 30 % des fonds aux financements climat, le débat porte aujourd’hui sur la répartition entre les différentes sources de financement, et à la contrainte liée à ce critère. La Commission européenne a proposé, le 27 août, un point de vue plus ambitieux que prévu, en réclamant que 37 % du Fonds de relance et de résilience et 25 % de l'initiative React-EU soient fléchés sur le sujet climat. Président de la commission Environnement du Parlement européen, le Français Pascal Canfin réclame que ce soit le cas pour 40 % du fonds de relance. « La Commission a une proposition courageuse. Mais la mauvaise nouvelle, c’est le manque de soutien des Etats habituellement moteurs sur le sujet climat » note Markus Trilling, coordinateur des enjeux de finance au Réseau Action Climat.

Les Etats membres sont en effet divisés non pas tant sur les chiffres, que sur le fait de rendre contraignant, donc obligatoire, la contrainte climat dans le design des plans de relance. Selon nos informations, l’Allemagne, qui occupe la présidence tournante du conseil européen, ne veut pas proposer le sujet à l’agenda faute de consensus : une majorité d’Etats s’y opposent, à commencer par les pays de l’ancien bloc de l’Est, alors qu’au contraire les quatre « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark) et la France, sont pour. L’Italie et l’Espagne, qui sont les principaux récipiendaires du plan, ne se sont pas prononcés sur ce sujet délicat.

Et « à la fin, ce qui comptera c’est la façon dont la Commission européenne contrôle l’allocation des fonds. Ou pas. » prévient le chargé de plaidoyer. Les ONG militent aussi pour un liste d'exclusion de certains secteurs du plan de relance, dont les énergies fossiles, voire le nucléaire, et les infrastructures polluantes. Un sujet qui pour l'heure n'a pas la faveur des chefs d'Etat.

 

Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll