Les objectifs climat pour 2030 se déclineront pays par pays. L’Allemagne se prépare à un objectif plus ambitieux que la moyenne.
Alors que l’Europe se prépare à revoir sa politique climatique lors du dernier Conseil européen de l’année, les 10 et 11 décembre, la plupart des Etats-membres vont devoir faire évoluer drastiquement leur stratégie vers plus de décarbonation. Ce sera notamment le cas de la France et de l’Allemagne. « Ensemble, et depuis le Brexit, les deux pays ont les moyens de tirer les propositions européennes au plan climatique vers le haut, comme elles l’ont fait pour le plan de relance », explique Murielle Gagnebin, chargée de projet Politique énergétique France-Allemagne chez Agora Energiewende. « Mais ce ne sont guère leurs plans de relance nationaux respectifs, compte tenu des montants alloués, qui vont permettre de faire bouger les lignes », ajoute-t-elle.
Nouveaux objectifs allemands
Quelle serait, par exemple, la nouvelle feuille de route pour 2030 de l’Allemagne pour envisager la neutralité carbone d’ici à 30 ans? Selon ce même centre de réflexion, si l’UE fixait à -55% d’ici à 2030 le cap de la baisse des émissions de CO2, Berlin, de son côté, devrait sans doute à amender le sien de dix points, pour atteindre les -65%. Un défi de taille dans la mesure où le géant européen est déjà loin d’être en ligne avec les objectifs actuels. « Il faudra, pour ce faire, prendre des décisions courageuses, notamment au niveau de la réglementation, des investissements dans le secteur de l’électricité, des énergies renouvelables, des voitures électriques ou du bâtiment», souligne Andreas Graf, également en charge de politique énergétique chez Agora Energiewende, mais à Bruxelles.
Quelle énergie pour 2050 ?
Outre-Rhin, le secteur de l’énergie constituera la pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique. Il pourrait permettre une réduction annuelle des émissions de CO2 de 207 millions de tonnes, soit la moitié de la réduction de 420 millions de tonnes nécessaire chaque année d’ici à 2030. L’objectif serait de remplacer le charbon, le pétrole et le gaz par de l’électricité et de l’hydrogène vert. Et notamment, de tripler la capacité installée d’éolien et de solaire. A ce titre, la part attribuée aux renouvelables, attendue dans le mix énergétique à 65% d’ici à 2030, contre 50,8% actuellement, pourrait déjà être dépassée. Rien qu’en tenant compte de nouveaux usages, comme la voiture électrique ou les pompes à chaleur, la consommation d’électricité sera en effet amenée à augmenter.
Plus de renouvelables
« Le scénario d’ensemble qui porte l’objectif de réduction des émissions à -65% est à mon sens réaliste », estime Michael Bloss, porte-parole des Verts allemands sur les enjeux climatiques.
Le Pacte vert « a le mérite de montrer la voie en termes d’investissements aux entreprises, parfois sceptiques, surtout en temps de crise», ajoute-t-il, même si l’Allemagne, selon lui, pourrait aller encore au-delà en baissant ses émissions de 68%. A cet égard, la part des renouvelables – qui a mécaniquement augmenté cette année en raison de la baisse de la consommation d’électricité – pourrait encore gagner encore du terrain. « Selon la loi, dès l’an prochain, dans le Bade-Wurtemberg, les nouveaux bâtiments non résidentiels ( supermarchés, entreprises, etc..) devront impérativement installer des panneaux photovoltaïques sur les toits», rappelle Michael Bloss : « Mais nous aimerions aller plus loin pour que cette obligation concerne également les nouvelles maisons », insiste-t-il, en ajoutant que la priorité doit être donnée à l’efficacité énergétique.
L’impact éphémère de la pandémie
Les débats vont donc bon train. Même si les risques de rétropédalage sont légion. « Des freins pourraient surgir, met en garde l’expert en énergie Maxence Cordiez, car le fait de fermer des capacités en charbon et en nucléaire d’ici à 2022 et 2023 va peser sur les réseaux électriques et risque de limiter la marge de manœuvre du pays dans sa route vers la décarbonation, en arrêtant davantage de centrales à charbon si la situation est tendue ». De surcroît, « la stratégie allemande s’appuie sur le gaz, qui reste une énergie fortement émettrice de gaz à effet de serre (CO2 et méthane) ». L’Allemagne ne doit pas non plus se laisser bercer d’illusions au vu des résultats engrangés en 2020. Contrairement à la France, elle serait proche de ses objectifs de réduction d’émissions cette année, mais en grande partie du fait des restrictions liées à la pandémie de covid-19. « On consomme moins d’électricité, on en produit moins, et les déplacements ont été réduits », ajoute Murielle Gagnebin, précisant que le pays a abaissé ses émissions d’au moins 4% au premier semestre 2020. Soit plus de la moitié de la réduction requise pour atteindre l’objectif de 2020. « Mais l’an prochain cela peut tout aussi bien rebondir, comme cela avait été le cas après la crise de 2008-09 ».
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll