30 ans d’énergie citoyenne en France

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De la première opération en 1992 à l’annonce de l’objectif de 1 000 nouveaux projets pour 2028, c’est sur quasiment trois décennies que s’est développée l’énergie citoyenne en France. Le pays compte aujourd’hui un peu plus de 500 réalisations avec, comme région phare, l’Auvergne-Rhône-Alpes.

Photovoltaique Alzonne (vue aérienne)

Parc éolien de Sainte-Rose (16 MW en Guadeloupe)
Parc éolien de Sainte-Rose

En matière de projet citoyen en France, le projet fondateur est celui de la centrale solaire Phébus. 10 m2 de panneaux solaires raccordés au réseau électrique et totalisant à peine 1 kW mis en service le 14 juin 1992 à Lhuis, petit village de l’Ain. Ce jour-là, les membres de l’association Phébus, créée en 1991 et qui deviendra Hespul[1] dix ans plus tard, inaugurent la toute première installation photovoltaïque financée par une centaine d’actionnaires citoyens. Il faudra cependant attendre plusieurs années avant que le mouvement de l’énergie citoyenne ne commence réellement à émerger. L’un des tournants intervient en 2008 avec la création du fonds d’investissement Solira (Solaire investissement Rhône-Alpes) qui va permettre la création de trois opérations dans le solaire (les toitures photo- voltaïques de Pic Bois, Giraud Agri Énergie et Biocoop du Mantois) qui deviendront les trois premières réalisations d’Énergie partagée. Le mouvement s’étoffe ensuite et touche l’énergie éolienne avec le projet Bégawatt à Béganne (Morbihan), premier parc éolien citoyen dont la démarche initiée en 2002 débouche sur la mise en service d’un parc de 8 MW en 2014.

En parallèle, au début des années 2010, le modèle des Centrales villageoises se structure. Issu d’une expérimentation menée avec les parcs naturels régionaux de la région Rhône-Alpes, le phénomène prend de l’ampleur et représente aujourd’hui plusieurs centaines de réalisations en France. Au cours des années, ces réalisations et les personnes qui ont fait l’histoire de l’énergie citoyenne en France ont œuvré pour intégrer cette approche dans la législation. Ils ont notamment été associés, via le collectif Énergie citoyenne, à la traduction dans le droit français de la directive européenne de 2018, RED II 2018/2001 introduisant la notion de communauté d’énergie renouvelable. Dans le même temps, un réseau d’outils et d’acteurs soutenus par les organismes publics s’est développé pour accompagner le déploiement de ces initiatives citoyennes en France. En la matière, la mise en œuvre en 2016 du premier bonus participatif dans un appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie a été une étape importante. Ce premier dispositif a pris la forme d’une augmentation de la prime de rémunération pour l’achat de l’électricité des pro- jets à caractère citoyen retenus dans l’appel d’offres. Cette augmentation était comprise entre 1 et 3 euros par MWh pour l’ensemble de la durée du contrat d’achat (vingt ans généralement). Les critères demandés étaient alors : au moins 40 % des fonds propres ou 40 % du financement total du projet apportés par au moins vingt personnes physiques (habitant dans le département d’implantation ou un département limitrophe) et/ou au moins une collectivité locale. Le dernier fait marquant en date reste l’annonce faite en novembre 2021 par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, de dix mesures en faveur du développement des projets citoyens, dont notamment l’objectif emblématique de 1 000 projets à gouvernance partagée supplémentaires d’ici 2028 (par rapport à la situation fin 2021).

Au moins 515 Projets en service aujourd’hui en France

Le nombre total de projets citoyens en service n’est pas réellement connu. Si le réseau d’Énergie partagée et celui des Centrales villageoises proposent un suivi très réactif de leurs opérations, les projets portés principalement par des collectivités (souvent à travers des sociétés d’économie mixte) sans participation de citoyens ne sont pas répertoriés. À fin mars 2022, on comptabilisait 176 projets en fonctionnement labellisés par Énergie partagée et 375 Centrales villageoises (dont 36 font également partie des projets labellisés), soit un total de 515 projets en France. On peut ajouter à cela 92 opérations en développement issues du suivi d’Énergie partagée. 

Graph no 1 – Projets citoyens en service par technologie (en nombre)

Par ailleurs, le mouvement de l’énergie citoyenne représente plus de 28 900 citoyens et 800 collectivités engagés pour des investissements supérieurs à 90 millions d’euros. Il est à noter que l’objectif de 1 000 projets supplémentaires entre 2022 et 2028 développement du réseau des Centrales villageoises ou les premières réalisations accompagnées par l’association Énergie correspond à peu près à un doublement du rythme observé au cours des huit dernières années. C’est donc tout à fait atteignable. Sur les 515 opérations en service, l’énergie photovoltaïque est largement prédominante puisqu’elle représente 94 % de l’ensemble du nombre de projets (voir graphique 1). Les projets ne sont pas uniquement tournés vers la production d’électricité puisque dix sites bois énergie et deux en méthanisation sont recensés pour une valorisation en chaleur renouvelable. En termes de capacité de production d’électricité, c’est l’éolien qui comptabilise la partagée. De plus, la région a également été historiquement associée à la croissance de l’énergie solaire en France en hébergeant les premiers industriels (notamment Photowatt), l’Institut national de l’énergie solaire (Ines) et un très vivace réseau d’associations locales.

Graph no 2 – Projets citoyens de production d’électricité en service par technologie (en MW)

C’est donc sans surprise que l’on observe que la nouvelle région Auvergne- Rhône-Alpes est celle qui accueille aujourd’hui le plus de projets citoyens avec 51 opérations en service labellisées par Énergie partagée et 270 Centrales villageoises (avec 24 sites en commun). Viennent ensuite les régions Provence-plus forte puissance installée avec 121 MW répartis sur 15 parcs (voir graphique 2) alors que le photovoltaïque représente 118 MW et seulement 1,5 MW pour l’hydroélectricité.

Auvergne-Rhône-Alpes, première région de l’énergie citoyenne

L’ancienne région Rhône-Alpes est le berceau de l’énergie citoyenne en France. Le territoire a en effet vu la toute première opération en 1992 avec la centrale Phébus, ainsi que le développement du réseau des Centrales villageoises ou les premières réalisations accompagnées par l’association Énergie partagée. De plus, la région a également été historiquement associée à la croissance de l’énergie solaire en France en hébergeant les premiers industriels (notamment Photowatt), l’Institut national de l’énergie solaire (Ines) et un très vivace réseau d’associations locales. C’est donc sans surprise que l’on observe que la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes est celle qui accueille aujourd’hui le plus de projets citoyens avec 51 opérations en service labellisées par Énergie partagée et 270 Centrales villageoises (avec 24 sites en commun). Viennent ensuite les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et Grand-Est dont le dynamisme tient pour une bonne part au travail des réseaux régionaux locaux de l’énergie citoyenne que sont Énergie partagée Sud en Paca et Gecler dans le Grand-Est.

Un collectif engagé
Le Collectif pour l’énergie citoyenne rassemble des acteurs de la protection de l’environnement, de l’énergie et de l’économie sociale et solidaire afin de porter auprès des pouvoirs publics nationaux et locaux des mesures de développement des énergies renouvelables citoyennes et participatives.
Les différentes propositions du collectif s’organisent autour de deux axes forts : adapter le cadre législatif et réglementaire aux projets d’énergie citoyenne et doter l’énergie citoyenne et participative des outils nécessaires à son développement.
Parmi leurs propositions figure notamment une révision des conditions d’investissement des collectivités dans des projets citoyens, aujourd’hui très contraints par un montant plafond jugé trop bas et une durée dans le temps parfois trop courte. Sur le plan réglementaire, le collectif milite pour l’intégration de façon systématique de la dimension “énergie citoyenne et participative” dans les politiques énergie-climat à tous les échelons (national et régional). Ce point a été en partie repris dans les dix mesures annoncées par Barbara Pompili en novembre 2021 en faveur de l’énergie citoyenne avec la pro- messe de décliner la trajectoire de développement des projets à gouvernance locale dans la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. À moyen terme, le collectif a un objectif : viser une part de 15 % des énergies renouvelables entre les mains des citoyens et collectivités à l’horizon 2030.

 

Dates clés du mouvement de l’énergie citoyenne en France


[1] Association de promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique qui intervient notamment dans la communication, la formation, l’accompagnement de projets, les études techniques ou la représentation auprès des instances officielles (www.hespul.org).