Énergie Partagée, le trait d’union citoyen

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En un peu plus d’une décennie d’existence, Énergie partagée est devenue la vitrine du dynamisme de l’énergie citoyenne en France. Intervenant sur de nombreux aspects et disposant d’outils efficaces, les différentes entités qui la composent accompagnent bon nombre de projets à gouvernance partagée de taille et de profil différents.

Participant-e-s energie citoyenne au parc éolien citoyen de Champs-Chagnots, à la Chapelle-Montreuil

Que l’on soit un professionnel de l’énergie, un groupement de citoyens voulant s’impliquer dans un projet ou une collectivité en quête d’information, depuis plus de dix ans, le réseau Énergie partagée informe, forme et accompagne la dynamique énergie citoyenne en France. Sa fondation remonte à 2010 comme l’aboutissement d’un constat porté sur le développement des projets citoyens en France au cours de la décennie précédente. En effet, sur cette période, si peu réalisations se sont effectivement concrétisées, les deux principaux obstacles à une croissance plus rapide du mouvement ont bien été identifiés : la difficulté de partager des informations et de l’expérience entre les projets d’une part et la question du financement d’autre part. C’est donc sur cette base que se réunissent en 2010 des structures de l’approche citoyenne des énergies renouvelables (notamment le Cler[1], Hespul, le fournisseur d’énergie Enercoop et Éoliennes en pays de Vilaine) associées à des acteurs de l’économie sociale et solidaire tels que la coopérative financière La Nef). De leurs réflexions sortira la charte Énergie partagée qui met en avant les quatre principes de l ’énergie citoyenne que sont un ancrage local, une finalité non spéculative, une gouvernance démocratique et une valeur ajoutée écologique. La charte sera signée le 18 mai 2010 et deviendra la pierre fondatrice du futur réseau. Aujourd’hui, Énergie partagée peut se définir comme un mouvement qui se décline en trois entités. Pour la partie information et lobbying, c’est le rôle d’Énergie partagée Association. La structure milite pour développer l’approche citoyenne tout en animant la toile des treize réseaux régionaux qui fédère une grande partie de l’éco- système français. À ses côtés, il existe une coopérative Énergie partagée qui rassemble les ressources humaines communes du mouvement Énergie partagée sur les métiers d’expertise technique et financière ou les métiers de gestion. Cette structure gère la troisième entité du réseau : Énergie Partagée investissement, véritable bras armé financier.

En douze ans d’existence, Énergie partagée est devenue le principal organe de suivi de la dynamique de l’énergie citoyenne en France. Son site Internet recense l’ensemble des opérations achevées ou en cours de réalisation qui relèvent de l’approche de gouvernance partagée. Seuls les pro- jets initiés par des collectivités sans participation de groupement de citoyens n’y figurent pas, car ils ne font actuellement pas l’objet d’un véritable suivi. Plus de 270 projets ont été identifiés, dont 175 en fonctionne- ment. Ils sont en grande majorité relatifs à de la production d’électricité renouvelable avec une prédominance de l’énergie éolienne en termes de puissance développée (379 MW sur un total de 584 MW), même si les opérations photovoltaïques sont les plus nombreuses en nombre d’unités. Le mouvement commence à s’étendre dans le domaine de la production de chaleur ou de méthanisation, mais il ne représente actuellement que 21,3 MW, dont 18 MW en fonctionnement.

Véritable porte-parole du mouvement de l’énergie citoyenne en France, l’association Énergie partagée compte plus de 330 adhérents (sociétés citoyennes, réseaux régionaux, structures d’accompagnement, collectivités, associations) dont elle défend les intérêts lorsqu’elle milite auprès des décideurs publics pour promouvoir sa philosophie. Plusieurs modules de formation sont disponibles sur son site Internet. Ils portent sur des aspects très divers comme la modélisation économique d’un projet, les aspects techniques des équipements ou l’un des volets les plus sensibles d’un projet : la communication autour d’une opération. L’association fait également partie du Collectif pour l’énergie citoyenne[2] et c’est notamment dans ce cadre qu’elle a participé au groupe de travail organisé par le ministère de la Transition écologique pour la transposition en droit français de la directive européenne de 2018 qui a débouché sur l’ordonnance de mars 2021.

EnrciT, un outil de déminage
En plus de la gestion du fonds, Énergie partagée coopérative a un second mandat, celui du pilotage du dispositif EnrciT. Cet outil (prononcé “énercité”) a pour rôle de dérisquer la phase de développement (en amont des travaux) des plus grosses opérations en investissant aux côtés des citoyens et des autres actionnaires. Créé en 2018 et doté de 10 millions d’euros par la Caisse des dépôts, l’Ircantec[3] et le Crédit coopératif, ce dispositif doit permettre de financer environ 150 projets sur dix ans. Il intervient en fonds propres avec une participation minoritaire dans les projets de codéveloppement, puis une fois la construction achevée, cède ses parts en priorité au profit des acteurs du territoire comme les collectivités ou les citoyens. Cependant, bien qu’il soit piloté par Énergie partagée (qui dépose les dossiers de projets auprès du conseil d’administration d’EnrciT), les projets aidés par le dispositif n’ont pas l’obligation de respecter sa charte.

 

Puissance des projets en fonctionnement et en développement ayant bénéficié de l’outil Énergie partagée investissement à fin mars 2021

Un tiers de confiance financier

En parallèle à la communication, l’aspect financement est l’autre grand champ d’intervention d’Énergie partagée. Les projets citoyens sont à la confluence d’approches et d’attentes diverses, ce qui rend souvent plus délicate la levée de fonds comme l’explique Erwan Boumard, directeur de la coopérative Énergie partagée.

Côté citoyens, nous rencontrons une diversité de profils avec des personnes très militantes, très entreprenantes, ou très attachées à l’aspect territoire. Par ailleurs, il faut aussi bien comprendre les impératifs des PME et leur façon de travailler. Il y a aussi les collectivités avec leur propre culture des projets et de la prise de décision et bien sûr les banques qui sont de plus en plus intéressées par des opérations à gouvernance partagée, mais qui restent très prudentes dans leurs investissements. Il faut apprendre à se parler et à comprendre les contraintes de chacun pour ne pas partir au clash. Aujourd’hui, Énergie partagée coopérative se présente comme le tiers de confiance, un expert du montage de projet avec une centaine de références et des capacités financières capables de rassurer à la fois les banques et les partenaires privés.

Cette action passe par l’utilisation du fonds Énergie partagée investissement. Il permet de lever l’épargne citoyenne et de la réinjecter dans les projets sélectionnés sur la base de la charte et du label Énergie partagée. Une nouvelle fois, Erwan Boumard en explique le mécanisme : « nous levons de l’argent au fil de l’eau. Ainsi, un sociétaire est soumis au risque du portefeuille sur l’ensemble de ses projets et non à pas seulement sur celui dont traite une campagne de communication. Cela permet de mutualiser les risques pour que les projets les plus rentables financent ceux qui le sont moins. » Le rôle du fonds est de soutenir tous les projets citoyens, de petite taille (bien qu’une seule des centrales villageoises ait bénéficié de l’outil) comme les plus significatifs, et cela à des stades divers d’avancement. Depuis sa création, Énergie partagée investissement a ainsi levé plus de 30 millions d’euros d’épargne auprès de 7 500 citoyens, ce qui représente une moyenne de 3 à 4 millions chaque année. Les 90 projets soutenus (dont 72 sont en fonctionnement) représentant une puissance totale de 292,4 MW et sont très majoritairement destinés à produire de l’électricité. Sur la seule année 2021, 3,7 millions d’euros ont été levés et 390 nouveaux sociétaires sont venus compléter les mises des particuliers ayant investi dans le fonds.

Fort de son expérience, de son réseau et de ses outils, Énergie partagée va continuer à suivre et accompagner la dynamique des projets citoyens en France. Alors que le pays va introduire dans ses lois la notion de communauté d’énergie renouvelable avec un décret attendu pour le printemps 2022, les actions d’information, de formation ou d’accompagnement financier seront plus que jamais importantes pour donner une nouvelle dimension au mouvement.

 


[1] Cler – Réseau pour la transition énergétique.

[2] https://energie-partagee.org/ collectif-citoyenne-participative

[3] Régime de retraite complémentaire pour les agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques.