Si l’énergie des populations ou des collectivités constitue le moteur de l’énergie citoyenne, l’action des réseaux d’accompagnement joue un rôle essentiel à la réalisation des projets à gouvernance partagée. Illustration de cet écosystème à travers le portrait d’acteurs régionaux très actifs.
Lorsque l’on parle projets citoyens d’énergie, cela renvoie à une multitude de typologies de projets, d’organismes ou de modes d’organisation. En revanche, ces projets ont souvent pour trait d’union l’énergie des réseaux d’acteurs qui les ont accompagnés et qui forment un écosystème dynamique sur le territoire. Présente partout en France métropolitaine grâce à ses treize partenaires régionaux indépendants, Énergie partagée anime les différents réseaux de structures engagées au plus près des porteurs de projets à gouvernance partagée. CoopaWatt est l’une d’entre elles. Créé en 2016 et couvé par l’incubateur d’entrepreneurs sociaux Ronalpia à Lyon, l’organisme emploie une dizaine de personnes travaillant auprès de deux structures distinctes. D’une part, l’association CoopaWatt qui œuvre à l’émergence de projets renouvelables citoyens. Son champ d’action s’étend sur la région Auvergne-Rhône-Alpes mais également en Bourgogne-Franche-Comté, notamment à travers le programme Étincelle[1], subventionné par la Région et l’Ademe, qui accompagne l’émergence de collectifs citoyens.
L’autre entité est la société coopérative et participative CoopaWatt Scop dont la principale mission est l’accompagne- ment des collectivités dans la mise en œuvre de leur stratégie énergie renouvelable ou la réalisation de partenariats publics-privés-citoyens. « Les développeurs nous sollicitent de plus en plus car pour un projet de codéveloppement associant collectivités et habitants, nous représentons un profil tiers, qui apporte une vision neutre, indépendante et de la crédibilité à la démarche partenariale », explique son délégué général, Thomas Le Bris, avant de continuer : « ayant travaillé chez un développeur privé, j’avais remarqué auprès des élus et des habitants un a priori négatif sur les démarches de développement de projets renouvelables ainsi que sur les processus de concertation initiés par des acteurs privés qui pouvaient être alors perçus à la fois comme juge et partie ». Au niveau de l’articulation des acteurs régionaux, CoopaWatt est un relais de terrain du réseau régional Auracle[2] pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour Noémie Zambeaux, chargée de mission à l’agence Aura-EE, qui anime ce réseau, « le rôle d’Auracle n’est pas tant d’accompagner les collectifs qui portent les projets que de fédérer et outiller un ensemble d’organismes impliqués dans l’écosystème citoyen. Le réseau regroupe des structures qui interviennent dans l’accompagne- ment des projets citoyens et des territoires, à l’ image des Alec (agences locales énergie-climat), des associations historiques comme l’Ageden (promotion des énergies renouvelables en Isère) ou l’Asder (qui milite depuis quarante ans pour la transition énergétique en Savoie) ou encore des bureaux d’ études qui accompagnent les collectifs citoyens et les collectivités dans leur démarche technique, juridique ou financière à l’ image de CoopaWatt. C’est notamment le cas pour les territoires engagés dans une démarche Tepos[3]».
Le dynamisme du réseau Auracle, qui compte plus d’une soixantaine de porteurs de projets de production d’électricité et de chaleur renouvelables, est soutenu par la Région qui agit elle-même, notamment par le biais d’une aide à l’investissement pour les projets citoyens, bien qu’à la suite de la publication de l’arrêté tarifaire solaire de 2021[4], son action soit remise en cause, en tout cas pour les projets photovoltaïques. Un autre fonds d’aide est disponible. Baptisé “Starter EnR”, il porte sur le financement des études amont, techniques ou juridiques, préalables au lancement des chantiers. Cette aide reste cumulable au tarif d’achat de l’électricité et elle permet aux collectifs bénévoles de se lancer à moindre risque dans les premières démarches d’un projet. On retrouve d’ailleurs des dispositifs similaires en région Occitanie qui ont notamment soutenu les projets photo- voltaïques au sol de la coopérative CéléWatt. Ces réseaux régionaux devraient par ailleurs bientôt profiter de nouvelles ressources humaines grâce au soutien de l’Ademe qui met en place le réseau Générateurs[5] destiné à apporter une expertise technique aux collectivités rurales souvent dépourvues de compétences en énergie. Bien que ce réseau n’aura pas de focus particulier sur les projets à gouvernance citoyenne, il contribuera néanmoins à compléter l’action des réseaux sur cette thématique.
Plus au nord du pays, la région Grand-Est possède également son éco- système de l’énergie citoyenne. C’est en 1980 qu’est créé le projet Alter Alsace, qui donnera plus tard naissance à l’association Alter Alsace Énergies, basée sur les trois piliers de l’association négaWatt : sobriété, efficacité énergétique et production d’énergie renouvelable. Coline Lemaignan anime le réseau Gecler[6] au sein d’Alter Alsace Énergies et explique la dynamique régionale : « C’est dans les années 2000 que sont apparues les premières réflexions sur des projets citoyens. Le mouvement est monté lentement en puissance et en 2019, nous avons lancé, avec le concours de l’Ademe, de la Région et de l’association Énergie partagée, le réseau Gecler en mettant en commun les compétences de différentes agences locales comme Alter Alsace Énergies, l’Agence locale de l’énergie des Ardennes ou Lorraine Énergie renouvelable. Depuis quelques années, la dynamique des projets citoyens a retrouvé de l’ampleur et nous essayons de les accompagner dans leurs démarches, notamment en tant que soutien auprès des collectivités. » Le réseau Gecler est ainsi devenu l’acteur incontournable de l’énergie citoyenne dans l’Est au travers d’actions d’accompagnement des projets et de sensibilisation des populations. L’Alsace est d’ailleurs le berceau du tout premier partenariat transfrontalier d’énergies renouvelables citoyennes. Il s’agit de la structure Altora PV qui associe le collectif citoyen allemand Fesa Energie, Énergie partagée investissement et la coopérative Énergies partagées en Alsace (qui est totalement distincte de l’association nationale Énergie partagée). Ensemble, ils ont notamment développé le projet “Zusammen Solar Colmar” qui a installé plus de 400 kW de toitures photovoltaïques sur des bâtiments de la ville.
La description de l’organisation des acteurs observée en Auvergne-Rhône-Alpes ou dans la région Grand-Est illustre les façons dont les écosystèmes de l’énergie citoyenne sont de plus en plus efficaces. Les acteurs sont en voie de professionnalisation et les collectifs peuvent désormais s’inspirer des retours d’expériences réussis des premières opérations pour mener à bien les projets du futur.
De plus, au-delà de développer des capacités de production renouvelables supplémentaires, le mouvement de l’énergie citoyenne joue un rôle actif dans l’appropriation des enjeux énergétiques par les populations, condition que beaucoup estiment indispensable à l’adhésion du plus grand nombre à la transition énergétique.
[1] Étincelle en Bourgogne-Franche-Comté, réseau régional et relais d’Énergie partagée animé par CoopaWatt.
[2] Auvergne-Rhône-Alpes citoyennes locales énergies, réseau régional et relais d’Énergie partagée animé par l’agence régionale AURA-EE.
[3] Territoire à énergie positive, lauréat de l’appel à initiatives du même nom lancé par le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer le 4 septembre 2014.
[4] L’arrêté tarifaire du 6 octobre 2021 interdit aux projets photovoltaïques de cumuler des aides publiques provenant du tarif d’achat prévu par l’État d’une part, et des collectivités locales d’autre part.
[5] Anciennement Cocopeop. Appel à manifestations de l’Ademe visant à recruter des conseillers à destination des collectivités de l’échelon communal pour le développement de projets éoliens et photovoltaïques.
[6] Réseau Grand-Est, citoyen et local, d’énergie renouvelable, réseau régional et relais d’Énergie partagée.