Le 9 avril 2025, le nouveau gouvernement allemand composé des chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et des sociaux-démocrates (SPD) a conclu un « contrat » de gouvernement qui ouvre la voie à son entrée en fonction au mois de mai. Le nouveau chancelier sera le chef de la CDU, Friedrich Merz, qui a souligné pendant la campagne que la protection du climat ne serait pas une priorité absolue.

Les mesures tièdes du contrat de coalition - et l'inversion sélective des politiques passées - ne sont donc pas une surprise. Mais compte tenu des centaines de milliards dont dispose désormais le nouveau gouvernement grâce à la modification de la législation budgétaire, les militant·e·s et les expert·e·s en énergie espéraient beaucoup mieux.
Dans plusieurs domaines, le nouveau gouvernement ne s'est pas écarté de manière significative de la coalition de centre-gauche sortante. Après tout, les objectifs climatiques de l'Allemagne sont inscrits dans la législation allemande et l'Union européenne a elle aussi des critères de référence que chaque pays est tenu d'atteindre. Ainsi, les énergies renouvelables sont appelées à se développer davantage et l'Allemagne continuera à construire le réseau électrique nécessaire, y compris les lignes électriques aériennes. En outre, de nouvelles mesures concernant le partage de l'énergie et l'électricité locative permettront aux communautés citoyennes locales de participer plus directement à la transition énergétique.
Par ailleurs, l'Allemagne continuera d'utiliser l'outil climatique le plus puissant d'Europe : le système d'échange de quotas d'émission, ou SEQE. Ce mécanisme a été décisif pour permettre à l'Europe de réduire ses émissions de 47 % depuis 2005. Toutefois, on ne sait pas encore dans quelle mesure le nouveau gouvernement restituera aux consommateur·ice·s les recettes du programme, qui étaient jusqu'à présent affectées à des objectifs liés au climat.
Les infrastructures de transport vétustes de l'Allemagne, en particulier le système ferroviaire, seront remises en état comme il se doit depuis un certain temps. Le contrat de coalition ne précise toutefois pas combien de milliards d'euros seront consacrés à cette tâche. Autre point positif, le « Deutschlandticket » (« Ticket Allemagne »), une carte mensuelle à 58 euros pour toutes les liaisons locales, restera en place jusqu'en 2029.
Enfin, le gouvernement a l'intention de réduire les prix de l'électricité d'au moins cinq centimes par KwH en ramenant la taxe sur l'électricité au minimum européen, en réduisant les redevances de réseau et en introduisant un prix pour l'électricité industrielle, mesures qui plairont aux consommateur·ice·s allemand·e·s, mais pas aux défenseurs de la discipline budgétaire. Toutefois, aucune de ces mesures ne permettra d'accroître l'efficacité énergétique et de réduire la consommation d'énergie, bien au contraire.
Pire que modeste
Mais ce vernis de gestes optimistes est mince, et les activistes allemand·e·s du climat sont en colère. Ils et elles estiment que les objectifs climatiques tels que la fin des moteurs à combustion et l'abandon progressif du charbon seront retardés de plusieurs années. Il est d'après elles et eux presque certain que l'Allemagne n'atteindra pas ces objectifs.
Malgré la crise climatique de plus en plus urgente, a déclaré la Deutsche Umwelthilfe (une des plus importantes ONG environnementales allemandes), les politiques climatiques prévues par la CDU/CSU et le SPD ramènent l'Allemagne au niveau de stagnation écologique des années Merkel, en particulier dans les domaines du bâtiment et des transports. L'organisation, qui a par le passé utilisé avec succès des injonctions légales pour forcer la main des fonctionnaires allemands, affirme qu'elle fera de même avec le nouveau gouvernement s'il le faut.
"La coalition s'est ouvertement engagée à mettre en œuvre la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments [qui prévoit que l'Europe atteigne un parc immobilier entièrement décarboné d'ici 2050] de la manière la moins ambitieuse possible", a déclaré Barbara Metz de DUH. Or, dans ce domaine, "l'Allemagne fait de plus en plus partie des mauvais élèves européens".
Metz fait référence à la Wärmewende, ou transition vers le chauffage propre, c'est-à-dire l'abandon progressif du chauffage à base de combustibles fossiles à l'échelle du pays. Le dernier gouvernement a tenté - et échoué pour l'essentiel - d'accélérer cette transition en prenant des mesures ambitieuses pour promouvoir les pompes à chaleur, des dispositifs combinant haute efficacité et faibles émissions, qui utilisent l'électricité pour transporter la chaleur. L'idée, fortement soutenue par les Verts, consistait à chauffer les maisons avec des pompes à chaleur fonctionnant à l'air ou à l'eau souterraine plutôt qu'avec des combustibles fossiles. Mais après de multiples conflits et divergences qui ont mené la coalition tripartite à la rupture, la loi sur le chauffage a finalement été revue à la baisse, tout comme les espoirs de modifier de manière significative les moyens utilisés pour générer de la chaleur dans les maisons et les autres bâtiments.
Le nouveau gouvernement rejette même cette loi édulcorée et affirme qu'il la supprimera complètement, la remplaçant par une autre loi avec un objectif climatique encore plus faible.
En ce qui concerne la Wärmewende, poursuit Mme Metz, le pire des cas s'est produit. L'abolition de la loi sur le chauffage est fatale pour la protection du climat et l'accès à un chauffage abordable. Si elle ne met pas clairement l'accent sur l'efficacité énergétique et les économies d'énergie, la nouvelle coalition risque purement et simplement de saper la protection du climat dans le secteur du bâtiment.
Il semble que l'option choisie par le nouveau gouvernement soit la construction de nouvelles centrales à gaz. Le plan consiste à construire jusqu'à 20 GW de capacité de centrales à gaz d'ici 2030 afin de créer le cadre permettant l'installation massive de technologies de capture et de stockage du carbone. Le contrat de gouvernement s'étend longuement sur ces formes de technologies, pourtant très coûteuses et dont l'efficacité n'est toujours pas prouvée, pour faire baisser les émissions allemandes.
Fridays for Future n'a pas ménagé sa colère : « Quiconque développe et promeut aujourd'hui de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles à grande échelle prépare un avenir où nous serons de plus en plus dépendants des combustibles fossiles tout en renforçant les autocrates ». Entendez par "autocrates", des pays comme la Russie, laquelle, avant l'invasion totale de l'Ukraine en 2022, fournissait à l'Allemagne la majeure partie de son gaz fossile.
Transports : destination nulle part
Même si l'Allemagne peut se réjouir de la modernisation de son système ferroviaire, le nouveau gouvernement ne s'engage pas à corriger des années de négligence qui font des transports le secteur le plus en retard en termes de réduction d'émissions. Une fois de plus, l'Allemagne ne touchera pas à une mesure pourtant évidente qui, de l'avis des expert·e·s, permettrait de sauver des vies et de réduire les émissions : une limitation de vitesse à 130 km/h sur les autoroutes allemandes. Les tests de l'Agence allemande de l'environnement (UBA) montrent qu'une limitation universelle de la vitesse à 130 km/h sur les autoroutes allemandes permettrait de réduire les émissions de carbone d'environ 1,9 million de tonnes par an. A noter : l'élimination progressive des moteurs à combustion dans l'UE en 2035 est pour le moment sortie indemne des négociations de la coalition, malgré l'« engagement clair » en faveur de l'industrie automobile et de l'emploi. Il se pourrait bien cependant que cet engagement finisse par faire échouer l'objectif d'élimination progressive des combustibles fossiles.
En outre, d'innombrables milliards d'euros de la nouvelle dette allemande seront consacrés à la construction d'autoroutes nouvelles, meilleures et plus grandes. Pas vraiment une mesure visant à décourager les déplacements en voiture... Il semble plutôt que le nouveau gouvernement souhaite que ceux-ci se multiplient.
Dans le même ordre d'idées, la subvention annuelle de 450 millions d'euros pour le diesel agricole est de nouveau sur la table - une aubaine pour les agriculteur·ice·s allemand·e·s qui sont descendu·e·s dans la rue il y a plusieurs années pour protester contre sa suppression progressive. Mais pour le plafonnement des émissions, c'est un nouveau revers.
La liste des mesures réellement susceptibles de promouvoir la neutralité climatique tout en étant socialement bénéfique est longue et bien connue. L'une des plus évidentes est la taxation des grandes fortunes, qui sont les plus responsables de la crise climatique. Mais avec la CDU/CSU, pro-business et pro-riches, cela ne risque pas d'arriver. Au contraire.
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article ne reflètent pas nécessairement ceux de la Heinrich-Böll-Stiftung European Union.
Cet article a d'abord été publié en anglais sur le site Energy Transition - The Global Energiewende.
par Paul Hockenos
Paul Hockenos est un journaliste berlinois et l'auteur de Berlin Calling : Une histoire d'anarchie, de musique, de mur et de naissance du nouveau Berlin.