Capacité d’accueil et défaillance de l’État – Bilan de l’accueil des réfugié·e·s depuis 2015 et 2022

Analyse

Dix ans après « l’été de la migration », les événements et les décisions de l’époque sont encore vivement controversés. Quelles sont les différences par rapport à l’accueil des demandeur·se·s d’asile ukrainien·ne·s de 2022 ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné et que faut-il améliorer ? Dietrich Thränhardt dresse le bilan de la politique d’accueil et d’intégration des réfugié·e·s de la décennie passée.

Les mouvements migratoires de 2015 et 2022

Dix ans après « l’été de la migration », marqué par les scènes tragiques d’Alan Kurdi, l’enfant mort, échoué sur la côte turque, les embarcations de réfugié·e·s en mer Égée, les files d’attente aux frontières, les bénévoles de la gare centrale de Munich et la campagne du journal Bild « Wir helfen BILD » (Nous aidons BILD, 2015), les événements et les décisions de l’époque demeurent controversés. Le « Wir schaffen das » (Nous y arriverons) de Merkel suscite la polémique. Son constat positif côtoie la déclaration de Seehofer qui considère la migration comme « la mère de tous les problèmes » et celle, récente, du chancelier Merz qui invite le partenaire de coalition, le SPD, à être « critique envers la migration » (Tagesschau 2025). Par cette formule générale, Merz perpétue les débats houleux qui ont notamment opposé la CDU et la CSU et sont devenus le leitmotiv de l’AfD. Ces débats passionnés, souvent dépourvus de pertinence et de mise en œuvre, ont modifié le climat politique, le système des partis et créé un sentiment d’insécurité.

Fig. 1 : Les mouvements migratoires vers l’Allemagne entre 2013 et 2024

Diagramme qui montre l'évolution des mouvements migratoires vers l'Allemagne entre 2013-2024
Migration vers l’Allemagne. Premières demandes d’asile par nationalité et nouveau·elles réfugié·e·s de guerre ukrainien·ne·s enregistré·e·s chaque année. Graphique : © Der Spiegel. Sources : AZR, Bamf Illustrations

La grande vague de réfugié·e·s d’Ukraine a suscité beaucoup moins d’émois, bien qu’en quelques semaines seulement, beaucoup plus de gens arrivèrent en Allemagne (fig. 1). La divergence s’avère plus parlante si l’on examine les statistiques à l’échelle européenne. Alors qu’environ un million de réfugié·e·s arrivèrent en Europe en 2015, ils/elles furent plus de quatre millions venant d’Ukraine en 2022, soit le plus important contingent migratoire enregistré en Europe depuis 1945/46. Si en 2015, une controverse, qui perdure, éclata au sein de l’Union européenne sur l’accueil, les ministres de l’Union européenne s’accordèrent en 2022 sur un accueil commun, une semaine après l’agression russe. À ce jour, aucun conflit n’oppose les pays d’accueil au sujet des Ukrainien·ne·s. Si, depuis 2015, toute ouverture des frontières aux demandeur·se·s d’asile faisait, et continue de faire, polémique, les frontières restent ouvertes aux Ukrainien·ne·s. Ils/elles pouvaient choisir leur pays de destination. Après les premières semaines, l’intérêt des médias envers les réfugié·e·s ukrainien·ne·s s’estompa. Depuis, la couverture médiatique est minime, contrairement aux débats âpres et incessants sur l’asile et les décisions de 2015. Malgré toutes les craintes, la pratique du « libre choix » a facilité l’accueil des Ukrainien·ne·s. Toutefois, la déréglementation radicale opérée au niveau européen n’a pas été suivie en Allemagne.

Dans les deux cas, les attentes furent élevées en matière d’insertion professionnelle et de résorption des pénuries sur le marché du travail. Si la lenteur de l’intégration professionnelle des réfugié·e·s syrien·ne·s et d’autres pays du Moyen-Orient est souvent attribuée à leur faible niveau d’éducation ou à la « différence » culturelle, le groupe de 2022 était constitué d’individus à fort niveau d’éducation, surtout de femmes. Si ce groupe trouve également difficilement du travail en Allemagne et que la proportion d’emplois en adéquation avec leur formation a même diminué au fil des ans, la question des raisons internes se pose.

Ce n’est pas un hasard si la participation au marché du travail est au cœur du débat public. Lorsque les réfugié·e·s trouvent du travail, ils/elles contribuent au bien-être commun et prennent confiance, ils/elles sont reconnu·e·s et nouent des contacts avec leurs collègues. Ils/elles peuvent alors commencer une vie nouvelle en toute autonomie. Privés d’emploi pendant des années, leurs connaissances professionnelles s’estompent, leur estime de soi baisse, ils/elles sont perçu·e·s comme un fardeau et s’enferment dans l’isolation. Par ailleurs, l’Allemagne est désormais, un peu partout, à la recherche de main-d’œuvre.

Une question importante porte sur le rapport entre l’entraide privée et la régulation étatique. En 2015/16 comme en 2022, l’entraide fut importante et de larges pans de la population y participèrent. En 2022, la société civile apporta une aide beaucoup plus conséquente qu’en 2015. Si, à l’époque, l’État ou les communes hébergèrent, souvent dans de grandes tentes et des logements collectifs, les réfugié·e·s ; en 2022, ce furent des particuliers, qui en Allemagne, accueillirent des centaines de milliers d’Ukrainien·ne·s. Ils/elles furent des millions à l’échelle européenne (Thränhardt 2023). Alors qu’en 2015, l’accueil représenta partout un tour de force à l’échelle communale, l’accueil privé fut efficace et sans heurts. Les relations personnelles furent utiles au bien-être et à l’ancrage social (Herpell et coll. 2025). Sans cette vaste initiative privée, les États européens eussent été dépassés. Le soutien continua au-delà des grandes vagues migratoires. Lors de l’accueil des Ukrainien·ne·s, les bénévoles coopérèrent habilement avec les autorités. Ceci ne fut pas le cas en matière d’asile, où ils se heurtèrent parfois à des règles formelles et durent s’entendre avec des administrations dépassées par les événements (Schlee / Schammann/Münch 2023). L’Irlande résolut les difficultés d’accueil en octroyant aux familles d’accueil une aide forfaitaire de 400 euros, aide qui fut ensuite portée à 800 euros.

Procédures d’asile inefficaces, traumatisme renouvelé, coûts, intégration retardée

En 2015, lors de « l’été de la migration », même si les réfugié·e·s syrien·ne·s furent hébergé·e·s et pris·e·s en charge par l’État, le traitement des demandes d’asile s’éternisa. L’interdiction de travailler, les délais d’attente et les procédures administratives entravèrent leur insertion professionnelle. L’IAB (Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung – l’institut de recherche du marché du travail et des métiers) a calculé qu’après huit ans, 86 % des hommes de ce groupe avaient trouvé un emploi, contre seulement 33 % des femmes, principalement à des salaires bas (Brücker et coll. 2025). L’augmentation du taux d’activité des hommes est encourageante, mais celui des femmes reste faible. Dans l’ensemble, force est toutefois de constater que le délai pour trouver un emploi fut long et que le coût de l’aide et des démarches administratives pendant cette période fut considérable. Cela concerne principalement des personnes en âge de travailler qui ne peuvent pas déployer leur énergie longtemps. La durée de la procédure d’asile est une des raisons principales.

En 2016, le gouvernement fédéral allemand critiqua vivement cette décision, en indiquant :

« Les procédures d’asile sont trop longues, leur durée moyenne est actuellement d’environ six mois. Les personnes concernées vivent donc longtemps dans l’incertitude de leur avenir. Celles dont la demande est finalement acceptée et qui sont donc autorisées à rester en Allemagne ont accès assez tard aux mesures d’intégration et ont besoin de plus de temps avant de pouvoir accéder au marché du travail. Pour celles qui doivent patienter longtemps avant de recevoir une réponse négative, la durée de la procédure rend également plus difficile un retour dans le pays d’origine. …C’est notamment pour cette raison que, d’expérience, plus la durée du séjour est longue, plus la probabilité d’un statut administratif précaire des étrangers tolérés sur le territoire, autorisation provisoire de séjour (Duldung) après un refus augmente. Cela mobilise des ressources qui sont nécessaires pour les personnes reconnues comme ayant besoin de protection. » (BT-Drs. 18/7203).

Depuis, rien ne s’est amélioré, et le délai de traitement de trois mois initialement prévu n’a jamais été atteint (tableau 1). Le gouvernement et l’opinion publique se sont désormais résignés à ces longs délais de traitement. En 2025, la durée des procédures d’asile a même augmenté, dépassant un an, un niveau sans précédent.

Tableau 1 : Durée des procédures d’asile (en mois) depuis 2014

Tableau 1 : Durée des procédures d’asile (en mois) depuis 2014
tableau : Thomas Hohlfeld, conseiller du groupe parlementaire Die Linke (abrégé). Sources : documents du Bundestag 20/15083, 20/12124, 20/8787, 20/6052, 20/940, 19/30711, 19/23630, 19/13366, 18/3850, 18/4980, 18/8450, 18/11262, 18/12623, 19/1631, 19/3861 ; [1]+X : « Easy Gap » : délai entre la première demande d’asile et la demande officielle d’asile. Depuis 2023, calcul de la durée de la procédure uniquement après détermination de la compétence de l’Allemagne. (BT-Drs. 20/8787). Illustrations

Les demandes des Syrien·ne·s ne sont plus traitées depuis la chute du régime d’Assad, et celles provenant de la bande de Gaza ne sont examinées qu’après décision judiciaire. Le président de l’Office fédéral des migrations et des réfugié·e·s (BAMF), M. Sommer, s’est récemment prononcé avec ferveur en faveur de la suppression du système d’asile et semble être en passe de le ralentir davantage. La qualité des décisions reste également problématique : en 2023, 24,4 % des décisions examinées par les tribunaux s’avérèrent erronées ou illégales (BT-Drs. 20/12228), les trois quarts des décisions de refus font l’objet d’un recours. Les tribunaux administratifs sont donc extrêmement sollicités, car ils doivent réétudier les dossiers. Les tentatives visant à accélérer et à améliorer les procédures selon le modèle suisse furent abandonnées en 2017. Le rapport fut classé et publié sur Internet par le Conseil des réfugié·e·s de Basse-Saxe. La proposition ne fut cependant pas reconsidérée depuis (BAMF 2017 ; Thränhardt 2020, p. 41).

La durée des procédures conduit à l’immobilité des demandeur·se·s d’asile. Attendre sans occupation et sans perspective est en outre traumatisant, alors qu’un nouveau départ rapide dans la vie peut apporter perspectives et sécurité. Il est urgent d’améliorer l’efficacité, il faut accélérer et améliorer les procédures (Thränhardt 2019).

Pour quelles raisons tant d’Ukrainien·ne·s hautement qualifié·e·s sont-ils/elles sans emploi ?

Le 5 avril 2022, la Commission européenne recommanda aux États membres la mise en place d’un « cadre » pour la « reconnaissance des qualifications professionnelles sans obstacle administratif ». Les Ukrainien·ne·s devaient trouver, le plus rapidement possible, des emplois correspondant à leurs qualifications, dans l’intérêt des « individus et des communautés d’accueil ». Cela concernait les « professions de la santé, de l’enseignement, du droit, du social ou de l’artisanat » et combler les « pénuries » dans ces professions (Commission européenne 2022). La recommandation paraissait adaptée à l’Allemagne, notamment en raison de la pénurie très critiquée de chauffeur·se·s, d’éducateur.rice·s, de médecins, de pharmacien·ne·s et de personnel soignant. L’Allemagne ne mit pas en œuvre cette recommandation, la reconnaissance des chauffeur·se·s ukrainien·ne·s pris même plus de deux ans (Thränhardt 2024, p. 17). La lenteur tant décriée de la reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères perdure. Environ 60 000 diplômes professionnels sont reconnus chaque année. Compte tenu des quelque 600 000 Ukrainien·ne·s aptes au travail, il était prévisible que ça poserait un problème. Selon une enquête menée par la journaliste Kaja Klapsa, en juillet 2024, 187 médecins ukrainiens obtinrent une autorisation d’exercer et 1 402 demandes étaient toujours en cours de traitement. La plupart des médecins n’avaient déposé aucune demande en raison des coûts élevés et des obstacles (Thränhardt 2024, p. 18).

La Pologne, qui, avec la République tchèque et les États baltes, a accueilli le plus grand nombre de réfugié·e·s par habitant (fig. 2), a rapidement adopté une loi spéciale. L’accès fut étendu aux médecins, dentistes, infirmières, sages-femmes, psychologues, aux enseignant·e·s et chercheur·se·s universitaires, aux assistant·e·s scolaires, maîtrisant le polonais, au personnel des mines et aux personnes occupant des emplois publics et dans le secteur des soins » (ECRE 2023, traduit). En novembre 2022, le taux d’emploi atteignait déjà 65 %, 54 % des personnes avaient loué leur propre appartement (Thränhardt 2024, p. 26). Le cabinet de conseil Deloitte estima en 2024 à 69 % le nombre des réfugié·e·s ukrainien·ne·s travaillant, avec pour effet une spécialisation et une productivité accrue. La contribution des réfugiés·e·s aurait ainsi produit une croissance de 2,7 % de l’économie polonaise (Deloitte/HCR 2025). Les recettes fiscales relatives aux réfugié·e·s dépassèrent largement les dépenses. Des problèmes subsisteraient cependant au sujet de la surqualification, la maitrise du polonais et les personnes âgées.

Le contraste avec les coûts élevés de la migration en Allemagne est saisissant. En août 2025, le ministre fédéral des Finances a estimé à 25 milliards d’euros le coût de l’aide aux Ukrainien·ne·s en Allemagne, soit un montant équivalent à l’aide totale accordée à l’Ukraine.

Fig. 2 : Réfugié·e·s ukrainien·ne·s en Europe (août 2025)

Carte de l’UE indiquant le nombre de ressortissant·e·s de pays tiers ayant fui l’Ukraine et bénéficiant d’une protection temporaire dans chaque État membre à la fin du mois d’août 2025. Graphique : Eurostat Illustrations 

AÀ quelques occasions, l’Allemagne réagit aussi rapidement. Ainsi, en 2022, la Saxe procéda à l’embauche rapide d’enseignant·e·s ukrainien·ne·s, dans un premier temps pour s’occuper des enfants ukrainiens. Dans un second temps, elle les intégra dans l’enseignement général, quand leur niveau d’allemand fut jugé suffisant. L’exemple type est celui d’une professeure qui enseignait l’allemand et l’anglais en Ukraine. La Bavière, en revanche, affirme toujours sur son site Internet que les enseignant·e·s originaires de pays hors UE et de Suisse ne peuvent obtenir la « qualification de personnel enseignant par voie de reconnaissance ». La Bavière préfère recruter des « enseignant·e·s intérimaires » sur la base de contrats à durée déterminée. Les Länder ont des approches très différentes, les compétences en mathématiques des enseignant·e·s ukrainien·ne·s n’ont pas été exploitées.

En général, l’accueil administratif des Ukrainien·ne·s en Allemagne s’avéra lent et compliqué, la loi interdisait tout travail jusqu’au 1er juin 2022. Les Ukrainien·ne·s furent ensuite contraint.e.s de suivre des cours de langue. Ceux-ci n’ayant pu être proposés en nombre suffisant en raison du nombre élevé de participant·e·s, de longs délais d’attente s’ensuivirent. La proportion d’Ukrainien·ne·s en activité diminua même à l’automne 2022 (Brücker et coll. 2023, p. 72). Les succès espérés à long terme de la stratégie « La langue d’abord » ne se concrétisèrent pas, comme l’illustre le graphique du Moniteur des migrations de Hesse (2024, p. 322). Le pourcentage d’emplois non qualifiés augmenta et les qualifications élevées des Ukrainien·ne·s ne purent être mises à profit en raison de la non-reconnaissance des diplômes. En janvier 2025, selon les statistiques du ministère fédéral du Travail (BA), 45,1 % des Ukrainien·ne·s étaient employé·e·s comme « auxiliaires », contre seulement 7,7 % de spécialistes et 8,8 % d’expert·e·s.

Pour contrer cette situation insatisfaisante, le gouvernement fédéral lança le programme « Job-Turbo » et nomma un conseiller spécial. L’objectif était d’encourager l’accès à l’emploi et l’apprentissage de la langue sur le lieu de travail. Malgré l’échec de cette stratégie, l’Institut pour la recherche sur le travail et l’emploi et le Conseil d’experts s’accrochèrent à l’idée de « priorité à la langue », faisant fi des faits et des études émises à son encontre (Kosyakova et al. 2024 ; SVR 2025, 125-136). C’est aussi problématique que les demandes de « sanctions » ou de « mesures sévères », qui, dans le sillage des polémiques initiées par les cadres de la CSU, sont désormais reprises par des économistes reconnus, des « sages », et alimentent les médias 1.

En l’absence de reconnaissance des diplômes, les Ukrainien·ne·s bien formé·e·s ne pourront pas exercer de profession qualifiée. Il n’est pas très utile pour l’Allemagne qu’une médecin ukrainienne soit recrutée comme femme de ménage.

La naturalisation est un indicateur et une preuve de l’intégration

L’Allemagne a rattrapé son retard en matière de naturalisations par rapport à d’autres pays, notamment au sujet du taux de naturalisation des réfugié·e·s syrien·ne·s. Les chiffres progressent au fil des ans. Au total, 28 % des réfugié·e·s syrien·ne·s ont obtenu la nationalité allemande en 2024, nombreuses sont les demandes encore en cours de traitement. Les conditions pour être naturalisé sont : une bonne maîtrise de l’allemand, l’indépendance financière, des connaissances sur l’État et la société, l’adhésion à l’ordre libéral et démocratique et l’absence de casier judiciaire. Un spectre plutôt large en matière d’intégration.

Tableau 2 : Naturalisation de Syrien·ne·s entre 2019 et 2024

Tableau 2 : Naturalisation de Syrien·ne·s entre 2019 et 2024
Sources : Office fédéral de la statistique, service médiatique Intégration Illustrations

L’ancienne loi sur la naturalisation, n’imposait pas aux Syrien·ne·s de renoncer à leur nationalité, car, l’État syrien, comme de nombreux États du Proche-Orient et d’Amérique latine, n’applique en principe pas la déchéance de nationalité. La loi allemande n’exigeait pas des ressortissant·e·s de ces États qu’ils/elles renoncent à leur nationalité d’origine, ce qui simplifiait la naturalisation. La loi sur la nationalité, modifiée en 2024, prévoit en principe la conservation de l’ancienne nationalité, les délais d’attente ont également été raccourcis. En 2024, les Syrien·ne·s étaient naturalisé·e·s en moyenne après 7,4 ans, soit plus rapidement que la moyenne générale, qui était de 11,8 ans. Parmi les cinq nationalités dont le taux de personnes naturalisées est le plus élevé, on trouve (après les Turc.que.s, qui constituent le deuxième groupe) d’autres groupes de réfugié·e·s comme les Irakien·ne·s, 13 545 personnes (6 % de tous les Irakien·e·s en Allemagne), et les Afghan·ne·s,10 085 personnes. Les réfugié·e·s ont toujours aspiré à la naturalisation, car ils/elles n’attendent rien des régimes de leur pays d’origine et la nationalité allemande leur offre protection et sécurité (Thränhardt 2017, p. 14).

En 2022, 134 000 Syrien·ne·s furent naturalisé·e·s dans les pays de l’OCDE (OCDE 2024), dont seulement 36 % en Allemagne, malgré le nombre élevé d’admissions. En considérant les augmentations enregistrées ces dernières années, la part de l’Allemagne devrait progresser et correspondre désormais aux chiffres d’admission. C’est une avancée majeure qui permet à l’Allemagne d’approcher la moyenne des naturalisations des pays de l’OCDE conciliant ainsi davantage résidence et citoyenneté. Il existe des différences notoires entre les Länder en matière de naturalisation, notamment en raison des capacités d’accueil et des délais d’attente. Selon les données de l’Office fédéral des statistiques, 7,8 % du potentiel de naturalisation fut atteint dans le Schleswig-Holstein, contre seulement 3,9 % dans le Bade-Wurtemberg. Dans les nouveaux Länder, où la proportion de réfugié·e·s est plus élevée, ce chiffre s’éleva à 9,3 % en Thuringe et à 6,2 % en Saxe.

Globalement, l’Allemagne a ainsi comblé son retard en matière de naturalisation et tend vers une plus grande harmonisation entre la population nationale et la population résidente. Les réformes de 1999, 2014 et 2024 y ont contribué et ont simplifié les procédures.

Priorité au travail plutôt qu’aux faux débats

Lors des deux vagues migratoires, nombreux sont ceux et celles qui ont apporté leur aide et accueilli directement des réfugié·e·s ukrainien·ne·s en 2022. L’État a fourni aux réfugié·e·s des prestations sociales coûteuses tout en retardant leur intégration professionnelle par des interdictions de travail, des délais d’attente élevés, des réserves en matière d’autorisation et la non-reconnaissance de leurs qualifications. Ces aléas ont entraîné frustration et baisse de leur acceptation, contribuant à faire de la migration un sujet d’irritation général. Les interdictions de travail devraient être systématiquement levées. Le travail devrait être favorisé et les qualifications des immigrant·e·s reconnues. Les réfugié·e·s pourraient ainsi contribuer à la prospérité collective au lieu de n’avoir pour seule option que de bénéficier sans fin de prestations sociales et d’autres aides.

Les débats actuels autour de la carte de paiement ou du transfert de l’aide ukrainienne en faveur des demandeur·se·s d’asile ne font que compliquer les procédures et nuire au bon fonctionnement des services administratifs. Il faudrait plutôt simplifier et numériser les textes de loi et les procédures, et en cas de doute, privilégier l’accès à l’emploi plutôt que toutes mesures dissuasives. L’activité des bénévoles devrait être reconnue et encouragée, et, autant que possible, le talent des réfugié·e·s mis à profit. Dans ce domaine, la réforme de la naturalisation est une réussite. Elle a simplifié les procédures et permis aux migrant·e·s bien intégré·e·s d’obtenir rapidement la citoyenneté allemande et une totale liberté d’action.

 

 Traduction par Pascal Pierron, édition par Mathilde Wahl | Voxeurop

 

Literatur

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Cet article est paru pour la première fois ici : heimatkunde.boell.de