Le nouvel objectif climat européen met le bâtiment sous pression

4 % des bâtiments devraient être rénovés chaque année d’ici 2030 pour atteindre l’objectif proposé au secteur par l’Union européenne.

Bâtiments ancien

L’objectif d’une réduction de -55 % des émissions de CO2 d’ici 2030 a des implications majeures pour le secteur du bâtiment. Au point qu’il devrait concentrer une partie de l’attention des législateurs européens en 2021. Le secteur pèse en effet 36 % de ces émissions, et les réduire ne présente pas de barrière technologique majeure. Ce qui suppose qu’une batterie de textes seront révisés : les directives Efficacité énergétique, Energies renouvelables, mais aussi le texte sur les performances énergétique des bâtiments.

Première étape : « le recours aux énergies fossiles pour le chauffage et l’eau chaude doit drastiquement reculer durant la prochaine décennie » prévient le think-tank BPIE, s’appuyant sur le fait que les équipements de chauffage ont une durée moyenne de vie de 15 à 20 ans. C’est ce que la France tente de faire dans la RE2020, en éliminant le gaz des constructions neuves individuelles à partir de juillet prochain.

-60 % attendus pour le bâtiment

Mais trancher la question de la contribution des énergies fossiles ne résout pas tout, loin de là. Maintenant que l’objectif de -55 % est fixé au niveau européen, le bâtiment est censé atteindre un objectif plus important, soit -60 %. “C’est un objectif vraiment élevé, nous devons être sérieux sur le secteur de la construction. Et la solution pour l’atteindre, c’est d’industrialiser les modes de rénovation» prévient Oliver Rapf, auteur d’un rapport sur les scénarios du secteur du bâtiment pour 2030. Les cadences doivent être sérieusement accélérées pour passer de 1 % des bâtiments rénovés chaque année entre 2015 à 2020, à 4 % d’ici 2030. Pour l’heure, la rénovation s’opère plutôt à l’échelle d’un seul bâtiment que d’un quartier entier. Et c’est là que le bât blesse : les propriétaires doivent systématiquement ré-effectuer les travaux d’ingénierie potentiellement compliqués pour chaque bâtiment : quel matériau, quelle technique et quels artisans choisir ? « Une bonne solution serait de confier au secteur de la construction la responsabilité d’organiser un guichet unique, qui propose une solution clé en main en fonction du type d’habitation » suggère Oliver Rapf.

Réduire les mètres carrés par habitant ?

Autre piste incontournable : la sobriété. Comment parvenir à réduire la surface par habitant, qui a au contraire tendance à progresser en Europe ?

Au total, les Européens disposent aujourd’hui de 44,8 m2 par personne, avec de fortes disparités d’un pays à l’autre. « Nous suggérons de diminuer de seulement 10 % cette surface. La pandémie nous a montré qu’il est possible de changer de mode de vie. Et il peut s’agir de gagner en confort également, par exemple des personnes devenues âgées peuvent apprécier un logement plus petit et mieux chauffé. Il n’existe pour l’instant aucun programme pour permettre cela » assure l’expert, qui appelle à plus de mobilisation.

Réveiller le géant endormi

« Il faut réveiller le géant endormi » alerte Martina Otto, responsable des Villes et mode de vie au Programme de l’ONU pour l’environnement, en faisant référence aux économies de CO2 potentiellement gigantesques reposant sur le secteur. Pour l’heure, la construction n’a jamais autant émis au niveau mondial, avec 28 % des émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie. Alors que le marché de la construction pèse  5800 milliards de dollars par an, les marchés de l’efficacité énergétique se limitent à 152 milliards de dollars selon la nouvelle feuille de route de l’initiative Global Building Alliance, mise en place il y a 5 ans.

Rendre la neutralité carbone compétitive

Mais pour le secteur de la construction, construire un bâtiment neutre en carbone ne s’envisager que dans la mesure où l’offre devient compétitive. « Nous produisons un béton neutre en carbone, mais il n’y a pas tellement de demande ! C’est surtout pour commencer à comprendre comment fonctionne notre chaine de valeur » assure Cedric de Meeus, responsable des affaires publiques chez LafargeHolcim, qui appelle de ses vœux une évolution de la commande publique. Le groupe participe ainsi à la construction de la première autoroute « neutre en carbone », au Royaume-Uni. « Si la neutralité carbone est une des conditions de l’appel d’offre, cela définit la compétitivité » résume-t-il, appelant à ce qu’une vision politique se manifeste par la commande publique, faute d’un prix du carbone véritablement efficace.

Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll