L’accord du Brexit innove sur le climat

C’est une première : le texte de l’accord entre l’UE et le Royaume-Uni, sera caduc en cas de non-respect des engagements d’une des parties sur le climat.

Vue aérienne du parc éolien Horns Rev

Le Royaume-Uni est sorti de l’UE après plus de quatre ans de négociations compliquées. Long de plus de 1000 pages, le traité qui précise les conditions de sortie du Brexit fait preuve d’une ambition climatique inédite.

En effet, le texte mentionne l’accord de Paris en lui donnant un caractère contraignant. En cas de non-respect des engagements pris en 2015, les conditions du Brexit deviendraient caduques.

« C’est la première fois que l’UE inclut la lutte contre le changement climatique en tant qu’élément essentiel d’un accord bilatéral. Cela veut dire par exemple que si l’UE ou le Royaume-Uni se retiraient de l’accord de Paris, ou prenaient des mesures allant à l’encontre de l’objectif, l’autre partie aurait le droit de suspendre ou d’annuler une partie ou l’ensemble de l’accord » précise-t-on dans l’équipe de négociation Brexit de la Commission européenne.
Les deux parties s’engagent aussi dans l’accord à atteindre la neutralité climatique pour 2050. Là aussi, c’est une première, qui lie les deux parties plus solidement que leurs propres engagements.

Dans l’accord commercial signé entre l’UE et la Chine quelques jours plus tard, le 30 décembre, la Chine a aussi donné son accord pour « mettre en œuvre effectivement l’accord de Paris sur le climat » selon l’exécutif européen.

La force juridique de ce type de traité est considérée par les spécialistes comme supérieure à l’accord de Paris : il est plus précis et concret, et renvoie à des compétences juridictionnelles précises. Et par renvoi d’ascenseur, les traités en question renforcent la valeur de l’accord de 2015.

Perte d’un moteur de l’action climatique

Le paradoxe de ce nouveau pas en avant de l’action climatique, lié à la mise en œuvre du Pacte vert européen, c’est que le Brexit fait aussi perdre à l’UE un moteur de cette action. Le Royaume-Uni a en effet été un des membres de l’UE les plus rapides à réduire ses propres émissions entre 1990 et 2020, soit – 39 %, et a ainsi largement contribué à ce que l’UE atteigne son objectif climat 2020. A 28, les Etats membres ont réduit leurs émissions de CO2 de 23,2 % entre 1990 et 2020, mais à 27, de seulement 20,7 %.

La France et l’Allemagne perdent aussi un allié pour motiver l’UE à réhausser son ambition. Sans les 8% de voix du Royaume-Uni, le centre de gravité au sein du Conseil de l’UE pourrait se déplacer vers l’est, et notamment au sein du groupe de Visegrad composé d’Etats membres rétifs à une politique européenne climat forte – Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie -, note le Citepa.

Une situation qui pourrait peser dans les réformes règlementaires massives prévues d’ici mi-2021. Le Parlement européen devrait d’ici là modifier de nombreuses directives pour les rendre compatibles avec le nouvel objectif climat de l’UE de -55 % d’émissions d’ici 2030 : c’est le paquet législatif « Fit for 55 ».

Le Royaume-Uni se rêve en leader de l’action climatique

Faute d’avoir sécurisé un accord qui protège ses pêcheurs ou sa force commerciale, le Royaume-Uni se rêve d’ailleurs en leader de l’action climatique. Le pays a annoncé un objectif de réduction de ses émissions de -65 % d’ici 2030, ce qui en fait un des pays les plus ambitieux au monde. Secrétaire d’Etat aux affaires et à l’énergie, Alok Sharma, par ailleurs en charge de la COP26, devrait renoncer à son poste au gouvernement pour prendre en charge à 100% l’organisation de la COP de Glasgow.

Le rendez-vous décalé d’un an, qui se tiendra en novembre 2021, représente un challenge pour le pays et son image internationale quelque peu ternie par le Brexit. Reste à savoir si la droite conservatrice au pouvoir continuera sur le moyen-terme à porter haut l’ambition climatique, ce dont les Verts et la Tories britanniques semblent douter.

Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll